Metamorphosis – I’m Not A Hero
Progressive Promotion
2021
Christophe Gigon
Metamorphosis – I’m Not A Hero
Le nouveau Metamorphosis est arrivé pendant l’été. Le maître d’œuvre de cet album reste le vétéran de la scène progressive helvète : Jean-Pierre Schenk. En plus d’être l’unique auteur et compositeur des neuf pistes de ce disque plutôt réussi, le (presque) septuagénaire a pris en charge l’ensemble des séquences de chant et de claviers. Le virtuose de la guitare, Olivier Guenat, comme d’habitude, apporte sa touche « metal » de bon aloi. Pour compléter le trio, on doit encore citer Alain Widmer à la batterie.
Que vaut cette dernière livraison ? Si la recette reste inchangée (Pink Floyd et Porcupine Tree restent les références avouées du projet), on notera tout de même une production nettement plus fouillée, surtout sur les prises vocales, pas si éloignées de ce que faisait l’immense Bowie sur le génial Outside (1995).
Dès le morceau d’ouverture de I’m Not A Hero, le superbe « Dark World », l’ambiance est posée : du rock progressif moderne et ciselé. Mais quand le refrain arrive, l’auditeur se voit transporté dans des contrées nettement plus inattendues. L’ambiance Bowie marche à plein, même si les guitares harmonisées parviennent à apporter ce côté prog metal qui permet de ne pas oublier qu’il s’agit -naturellement – de rock progressif et non de pop ou de rock alternatif. Les ambiances « à la Steven Wilson » reprennent leurs droits dès le second titre, « I’m Not A Hero ». Même si Jean-Pierre Schenk n’est pas un vocaliste au timbre automatiquement reconnaissable comme celui de Pierre-Yves Theurillat (Galaad) ou Steve Hogarth (Marillion), son chant possède cependant une volonté d’incarnation bienvenue, à l’instar de ce que proposent des musiciens leaders comme Roger Waters ou Andy Latimer (Camel). Un chant fonctionnel mais habité. Encore une fois, soulignons cette étrange ressemblance avec le timbre du Bowie tardif, qui apporte un climat intéressant aux pistes instrumentales, plus classiquement progressives. La guitare « malmsteenienne » d’Olivier Guenat reste la star du propos et permet d’éviter des comparaisons trop appuyées à des pointures comme Pineapple Thief, Anathema ou, évidemment, Porcupine Tree. On pensera en effet plutôt à des formations comme Symphony X ou Stratovarius, en ce qui concerne les attaques de six-cordes. Pour le reste, l’ambiance planante demeure. Avouons que Metamorphosis n’a pas révolutionné son style depuis qu’il est apparu, au début des années 2000. Les nappes de claviers dignes du regretté Rick Wright (Pink Floyd) sur lesquelles le guitariste tisse ses soli endiablés, voilà le terreau de base de la musique de Metamorphosis. Ils ne sont pas les seuls à se mouvoir dans ce même espace de liberté : Les Allemands de Chandelier ou les Anglais de Pendragon ont également bâti leur réputation sur ce socle tangible et rassurant du rock mélodique et atmosphérique. Les séquences parlées et autres bruitages créent les ambiances attendues dans ce style musical (Queensrÿche, Arena).
Parler d’originalité ou de prise de risque n’aurait ici aucun sens. On a affaire à un homme qui a connu les heures de gloire du rock progressif dans les années 70 (quand il était batteur du groupe Nature, au succès alors conséquent en Suisse). Puis qui a redécouvert ses premières amours lors du revival du rock progressif de la fin des années 90 avec Spock’s Beard, Arena, Transatlantic, The Flower Kings et compagnie. Et cet amour lui a donné envie de se replonger dans ce chaudron doré pour y concocter les mixtures adorées. Voyons donc cette dernière production comme un hommage réussi aux ténors du genre. Il est bien évident que Metamorphosis n’a pas pour ambition de détrôner Muse ou Queen, ni même IQ ou Riverside. Par contre, Jean-Pierre Schenk ne se contente pas de rêver la musique qu’il aime, il la crée, la joue et l’enregistre. Pour le plus grand plaisir des quelques auditeurs curieux qui souhaiteront accompagner ces tentatives proactives, qualitatives et, par-dessus tout, passionnées et respectueuses. Un grand monsieur habité par l’amour de la musique. Existe-t-il meilleur passeport ?