Spock’s Beard – Noise Floor
Inside Out
2018
Rudzik
Spock’s Beard – Noise Floor
Il est des groupes auxquels on mord à pleines dents avant de s’en désintéresser au fil de leurs vicissitudes. Spock’s Beard, à l’instar d’un Yes, à force de changer constamment de line-up, a finit par désorienter une partie de son auditoire et l’on se tourne vers d’autres horizons pour trouver son bonheur musical. En tous cas, c’est comme ça que je l’ai personnellement vécu. L’album Snow a représenté pour moi, une sorte d’aboutissement pour Spock’s Beard. Le départ surprise de Neal Morse, soi-disant pour se consacrer exclusivement à Dieu (on a vu ce qu’il en est finalement advenu), a menacé d’être le chant du cygne pour les « padawans » restés sur le vaisseau spatial (oui je sais, ce n’est pas la même saga que celle de Spock). Cette soudaine liberté a été également une sortie en tenue de spationaute dans le vide pour ces derniers. Il en a résulté des albums comme Feel Euphoria et Octane, écartelés entre la volonté de profiter de cette liberté et la difficulté de s’affranchir du pesant héritage de Neal Morse. Le meilleur exemple à mon sens est représenté par Nick D’Virgilio, batteur émérite à la voix de qualité mais qui, en tant que chanteur soliste, ne m’a que partiellement convaincu, du fait qu’il adopte régulièrement le même travers que son prédécesseur à savoir, en faire des tonnes !
Bref, lorsqu’on m’a donné l’occasion de poser une oreille sur Noise Floor – traduisez par « bruit de fond » et n’en cherchez pas la signification subliminale car le groupe a choisi ce nom presqu’au hasard – j’ai tardé à le faire du fait que j’avais complètement zappé les derniers albums de Spock’s Beard douloureusement accouchés au fil des changements de line-up et que le retour de Nick ne m’encourageait pas à y revenir. D’ailleurs, en matière de retour, l’agenda de Nick étant surchargé, il n’est pas certain qu’il soit pérenne. J’avoue donc être passé à côté du fait que les Californiens ont finalement dégoté en Ted Leonard un chanteur ayant sa propre personnalité et un timbre de voix plus rock qui a redonné beaucoup de peps à leur production. C’est pourquoi, dès l’accrocheur « To Breathe Another Day » au clip décalé, je remonte à bord de l’Enterprise barbue.
Ce qui frappe sur les premiers titres, c’est le côté plus direct, rock et mélodique adopté délibérément par le groupe qui avoue avoir cherché à rendre sa musique plus accessible tout en restant fidèle à ses gènes « crazy prog ». Et ça marche en diable sur la ballade très progressive « What’s Become of Me » qui est tout sauf convenue. Ajoutez à cela un « Somebody’s Home » à la rythmique médiévale, bardé de touches instrumentales classiques (violon, viole et cor anglais) dont le refrain et le credo de twin guitare d’Alan Morse donnent tout bonnement la banane. Et ce n’est que le début des surprises car « Have We All Gone Crazy Yet » démarre avec beaucoup de grandiloquence à la SB pour d’un seul coup se métamorphoser en « crazy folk » recelant une partie instrumentale de haute volée s’appuyant largement sur la solide basse de Dave Meros.
Je parlais d’approche plus directe et la magnifique ballade « So This Is Life » illustre parfaitement cet aspect avec son refrain très Beatles et la voix légèrement trafiquée de Ted Leonard qui est d’une justesse parfaite (je sais, je plais aux nasmes). Mais alors on se dit, où est passé le « crazy prog », marque de fabrique du groupe et surtout de Ryo Okumoto ? Celui-ci fait une brusque réapparition à partir de « One So Wise » mais surtout sur l’inquiétant instrumental « Box of Spiders » lorgnant du côté de Dream Theater mais qui reste cependant très accessible. « Beginnings » clôture de façon plus anecdotique ce premier CD éponyme (hormis peut-être sur sa partie instrumentale) car oui, c’est d’un double CD que nous ont gratifié les émules de Monsieur Spock.
Le second CD intitulé Cutting Room Floor est en fait un EP constitué de quatre titres bonus au format compact. Il est une confirmation du côté mélodique du treizième album de Spock’s Beard par ces morceaux dont les refrains sont envoûtants. Et même, je dirais que ce sont les refrains qui les sauvent de la mièvrerie « Days We’ll Remember », « Vault » et surtout « Bulletproof » dont les couplets s’acoquinent avec le répertoire des Bee Gees (Oulah, nous ne sommes pas passés loin de la faute de goût). Finalement, l’intérêt de ce second CD réside principalement dans son titre le plus court « Armageddon Nervous » où le « crazy prog » de Ryo et consors fait une dernière apparition remarquée.
Noise Floor n’est pas une révolution dans la discographie de SB mais une sorte de démonstration de la sérénité retrouvée du groupe et de sa confiance en sa capacité de composition et d’exécution empreinte de certitudes. Il ne faut pas se tromper et croire que le côté plus direct et mélodique de l’album serait la preuve d’une certaine facilité dans laquelle serait tombé le groupe. Au contraire, j’ai toujours pensé que réussir à produire un album mélodique mais avec du caractère est un exercice très délicat à mener. En ce sens, Spock’s Beard a réussi la synthèse parfaite lui permettant d’éviter l’écueil classique dans lequel beaucoup de groupes de neo-prog et de rock progressif ramponnent malheureusement.
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