The Flower Kings – Desolation Rose

Desolation Rose
The Flower Kings
2013
Inside Out

FlowerKingsDR

Formés en 1993 par le guitariste prodige Roine Stolt, co-leader au cœur des seventies du mythique groupe suédois Kaïpa au côté du claviériste Hans Lundin, les Flower Kings avaient connu une première partie de carrière en tout point exemplaire, depuis le superbe opus solo de Roine Stolt « The Flower King », publié en 1994, jusqu’au magistral double CD « Unfold The Future », paru en 2002. Par la suite, les choses s’étaient très nettement gâtées. A force de multiplier les sorties d’albums et les tournées à un rythme frénétique, de refuser le regard salutaire d’un producteur extérieur sur sa musique et de se disperser dans une ribambelle de projets annexes (Transatlantic, The Tangent, Karmakanic et Kaïpa reformé), le père Stolt avait fini par péter une durite. Ainsi, si sa frénésie créatrice n’avait longtemps pas affecté l’exceptionnelle qualité des œuvres signées par les « rois de la fleur », « Adam And Eve » présentait, dès 2002, les premiers signes d’un important essoufflement artistique (mais c’était, après tout, prévisible). Par la suite, de l’infâme double album solo « Wall Street Voodoo » de Roine Stolt en 2005 jusqu’au médiocre « The Sum Of No Evil » en 2007, les disques se ressemblaient beaucoup trop, sombrant dans l’auto complaisance et la redite et ne surprenant, de ce fait, plus personne. La désaffection du public devenant patente, Roine Stolt avait alors décidé de mettre sa formation en sommeil, se consacrant, jusqu’à fin 2011, à Transatlantic et au super groupe Agents Of Mercy. Opus de la résurrection publié en 2012, « Banks Of Eden » nous présentait un combo offrant enfin une musique nettement plus écrite et cohérente que lors de son passé récent, certains passages étant même jubilatoires (notamment la jouissive suite d’ouverture « Numbers »).

Avec « Desolation Rose », le gang d’Uppsala confirme aujourd’hui son tonitruant retour en forme et en force. Enregistrée « live in studio », cette cuvée 2013 fait la part belle aux instruments analogiques (Hammond B3, Mellotron M400, Fender Rhodes, Minimoog, etc.) et nous offre, sur sa première partie, une imposante pièce épique, construite autour d’un cycle de dix chansons. La musique s’y fait très cinématique et beaucoup plus pêchue que par le passé et « Tower », le tour de force introductif long de quatorze minutes, donne d’emblée le ton des réjouissances. Les « rois de la fleur » y offrent des passages mélodiques de toute beauté (avec les claviers de Tomas Bodin mixés très en avant) et tournent en orbite, en compagnie des plus grands artistes de la planète rock (Yes, Genesis, Led Zeppelin, etc.…). Les voix de Roine Stolt et de Hasse Fröberg y sont particulièrement complémentaires et émouvantes et la guitare du père Stolt y atteint des sommets.

Par la suite, la formation fait preuve, comme à ses plus belles heures, d’une aisance naturelle déconcertante dans l’élaboration d’un rock progressif dynamique, enthousiaste, riche, inspiré, mélodique, fluide et qui coule de source malgré des ruptures de rythmes et d’atmosphères incessants. Ajoutons-y sa fascination pour les seventies, sans que cela fasse désuet. A partir d’éléments de base relativement simples (notamment pour la structure très classique des morceaux – citons, pour exemple, « Sleeping Bones » et « The Resurrected Judas »), les Flower Kings construisent de véritables cathédrale sonores, exploitant jusqu’à l’extrême les possibilités harmoniques de chaque titre. Le renouvellement est permanent, la jubilation des musiciens manifestement totale : plus que jamais, le groupe nous étourdit par sa virtuosité contrôlée mise au service de la mélodie.

L’on retiendra tout particulièrement, sur ce premier chapitre, le lumineux « The Resurrected Judas » ainsi que le labyrinthique « The Desolation Road » (au piano classique et au mellotron incroyablement majestueux sur l’introduction) qui, après quelques incartades zappaïennes, décroche ses « Keys To Ascension » dans un crescendo mélodramatique bouleversant. Conscient de son talent et sûr de sa force, Stolt s’est laissé tenter par un projet un peu mégalo comme à l’époque bénie des dieux de « Stardust We Are » ou de « Unfold The Future » : nous offrir plus de deux heures de musique. Il s’est fait son « Tales From Topographic Oceans » tout seul, et le parallèle n’est pas innocent. En effet, l’œuvre des Flower Kings s’est toujours basée, à ses heures de gloire, sur une exploration éclectique de toutes les formes de progressif et de toutes les écoles de ce courant.

On retrouve donc, sur les huit compositions figurant au menu du second CD de ce somptueux « Desolation Rose », des tendances gentle-giantiennes (« Runaway Train » et ses canons vocaux du tonnerre de Brest), des velléités crimsoniennes (« Interstellar Visitations », sur lequel la basse jazz-rock de Jonas Reingold offre un écrin parfait aux claviers mélancoliques de Tomas Bodin et à la guitare lyrique de Roine Stolt), des délires zappaïens (« Lazy Monkey ») et un lyrisme camélien (« The Wailing Walls »). Il y a surtout une évidente fascination pour le grand Yes (« Badbeats », « The Final Era »). Les textes reprennent du reste les arcanes de la mystique d’Anderson et participent du même élan mystique, d’une inspiration à l’Absolu.

Au final, les Flower Kings sont redevenus, avec ce « Desolation Rose » d’anthologie, la Rolls Royce du progressif : virtuosité générale, sens mélodique stupéfiant, délires contrôlés : tout le monde s’y retrouve et c’est absolument irrésistible !

Bertrand Pourcheron (9,5/10)

http://www.flowerkings.se/

2 commentaires

  • animal

    Un disque qui obtient l’unanimité partout et ça se comprend, car c’est bien réalisé, trés propre, avec des musiciens qui n’ont plus rien à prouver, perfect. Mais voilà, l’émotion ne passe pas,
    cette petite chose qui retient l’attention, qui paralyse quelque secondes n’arrive pas ou alors seulement de façon sporadique. J’ai du louper un épisode, dommage pour moi. Amicalement, jean.

  • Bertrand

    Salut,

    Je trouve au contraire que c’est leur disque le plus pétri d’émotion depuis « Stardust We Are ». Prends le en version double. Certains titres du second CD sont poignants !

    Amicalement,

    Bertrand

    xx

     

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