Cosmic Cathedral – Deep Water

Deep Water
Cosmic Cathedral
Inside Out Music
2025
Fred Natuzzi

Cosmic Cathedral – Deep Water

Cosmic Cathedral Deep Water

Il est décidément infatigable ce Neal Morse. Ses fans, eux, peuvent commencer à l’être (fatigués), d’autres sont déjà morts d’épuisement. Personnellement, il y a des hauts et des bas. Grand admirateur de ce qui a été un certain renouveau avec Spock’s Beard (même si les influences prog 70’s étaient clairement indissociables), j’admire Neal pour avoir osé une carrière en solo, qui plus est dans un style prog chrétien qui a en fait grincer des dents plus d’un (dont les miennes). Mais devant l’énorme sincérité du bonhomme, la présence de super musiciens à ses côtés et la complicité qui les unit, je n’ai pas pu abandonner le navire. Eh oui, si la musique vous procure encore des frissons, si vous êtes suffisamment attaché à l’artiste pour rester curieux et écouter ce qu’il a à offrir, vous le suivez, et dans mon cas, vous écrivez des chroniques. Pour un disque, c’est l’admiration, pour un autre, c’est l’agacement. Et vice versa. Parce que oui, un opus de Neal Morse, cela dépendra de votre humeur. Tolérance ? Enthousiasme ? Irritation ? Indépendamment de sa qualité, vous défendrez ou rejetterez telle ou telle sortie. Puis, vous réécouterez et vous changerez d’avis. Il y a un style Neal Morse, c’est sûr, et depuis longtemps, c’est majoritairement la redite. Beaucoup dans ce genre de musique ont le même syndrome. Prenez Arjen Lucassen par exemple, les albums d’Ayreon se suivent et se ressemblent. Neal, lui, multiplie les formations : Transatlantic, Neal Morse Band, D’Virgilio Morse & Jennings, The Resonance, et maintenant Cosmic Cathedral. Au moins, il essaye de se diversifier, même si, au bout du compte, c’est sa signature qui ressort. Il a acquis cette stature d’intouchable, de modèle. Décrié ou adulé, il restera à jamais une figure mythique du rock progressif.

Et puis, j’ai pu le voir en concert avec The Resonance, avec The Flower Kings en première partie (qui m’ont d’ailleurs réconcilié avec eux, avec un Hasse Froberg magistral et ultra-sympathique). Au premier rang du Trianon, j’ai kiffé purement et simplement. Même si No Hill For A Climber ne m’avait pas convaincu, en live, vous oubliez tout, et vous admirez la classe américaine de ces musicos de premier plan. Il y a un vivier de mecs doués près de Nashville, Tennessee (où il n’y a suffisamment rien à faire pour créer toute une génération de musiciens hors country, et je ne vous parle pas de Memphis où le cafard pourrait en prendre plus d’un, à moins de passer toute sa vie dans les quelques bars de la mythique Beale Street et continuer à jouer du blues. Bon ça, je le garde pour le guide du routard de la musique). Et Neal est complètement impliqué. Il joue, chante, s’amuse, comme à ses débuts. Et puis je le regarde dans les yeux, je le vois en pleine communion. Avec sa musique, ses fans, Dieu sans doute… Je suis témoin de la façon dont il ressent personnellement le moment. À la fois intérieurement, les yeux fermés, et extérieurement lorsqu’il partage les regards avec le public. Vous ne pouvez remettre en question sa foi à ce moment-là. Croyant ou non, vous partagez un vrai moment avec lui et ses partenaires. Ce genre de chose, je lui en serai éternellement reconnaissant. Alors ce Cosmic Cathedral me direz-vous après cette longue introduction ?

Cosmic Cathedral Deep Water Band 1

Première écoute, j’ai été déçu par Deep Water car je trouvais que ça manquait de pêche. Normal, avec un groupe composé d’anciens combattants ! Phil Keaggy, 74 ans, guitariste émérite à la voix d’ange, que perso j’avais découvert sur One (2004), Byron House, bassiste connu pour avoir été dans le Band Of Joy de Robert Plant et travaillé avec Emmylou Harris ou Dolly Parton, et enfin Chester Thompson, 76 ans, batteur de légende pour Zappa, Weather Report, Bee Gees, Santana ou Genesis. Puis, au fil d’autres écoutes, j’y ai trouvé un peu plus mon compte, avec une influence plus jazzy. C’est du rock progressif chrétien, aucun doute là-dessus et si vous êtes allergique à ce genre de message, passez votre chemin. Il y a beaucoup de « Jesus » dans le disque, et cela faisait longtemps qu’il n’y en avait pas eu autant ! Passées ces considérations, « just try to enjoy the music ! ». « Heart Of Life » déroule ses treize minutes comme une évidence, avec une intro jazz prog classieuse et la patte inimitable (ah si, Magic Pie a essayé !) de Neal Morse. Un solo de basse agrémenté d’une guitare virevoltante sur un rythme jazz et les claviers gardant l’aspect prog plus tard, alors le chant peut entamer le morceau. On se retrouve dans une partie pop harmonisée avec Keaggy très jolie mais trop convenue. Suit une transition habituellement téléphonée. Le chant devient plus emphatique pour propulser l’ampleur du son. Plus intéressantes, les parties instrumentales où le talent de chaque musicien explose. Le titre prend trop son temps tout de même. La reprise du thème principal intervient trois minutes avant la fin et cela fait toujours son petit effet, je dois bien le dire. Cependant, la ferveur de ce prêche final m’empêche d’adhérer pleinement au propos. Les accents jazzy des claviers et de l’atmosphère de « Time To Fly » sont les principaux attraits de ce morceau plaisant qui possède également de très bons arrangements. Un vrai bon moment qui témoigne de la complémentarité des artistes présents. Il faut dire qu’une large partie de Deep Water a été créée en jam session. « I Won’t Make It » a tout de la ballade Morsienne renforcée par des cordes. Sympathique, sans plus. Nous revoilà en terrain prog jazz fusion avec « Walking In Daylight », chanté par Phil Keaggy. Le titre est superbement bien construit, les mélodies efficaces (enfin un refrain qui n’est pas bof bof) et les soli jouissifs. Le niveau de musicalité ici est magistral. S’il ne devait en rester qu’un, ce serait pour ma part celui-ci. Et bien sûr, il y a une suite de 38 minutes divisée en neuf parties, « Deep Water Suite ». L’intro met tout le monde d’accord : ça joue grave et une mention spéciale pour le groove de Byron House. « Launch Out Part One », plus agressif dans le ton, aurait pu être tiré d’un opus du NMB, avec un thème qui reste bien en tête. Sa fin sirupeuse sert de transition à « Fires Of The Sunrise » où l’acoustique fait son apparition. Un moment très agréable au chant partagé par Morse et Keaggy. Retour au prog avec l’instrumental « Storm Surface », et son superbe solo de guitare, laissant place à « Nightmare In Paradise » au chant et à l’instrumentation plus tendus. Très bien mené avec une basse étonnante, le titre ressort du lot et s’inscrit parmi les meilleurs moments du disque. « Launch Out Part Two » reprend le thème du départ en étant très dynamique, soutenu par les jolis chœurs de Phil Keaggy. C’est presque du Transatlantic. « New Revelation » a un groove 80’s qui tient tout à une jam (et pour cause, c’en est une !). « Launch Out Part Three » (je vous rassure, c’est la dernière…) repasse aux choses sérieuses en relançant le fameux thème d’une manière plus solennelle avec une partie de claviers sans doute de trop. Le final, « The Door To Heaven », apaise le tout avec une belle mélodie vocale qui rappelle parfois celle partagée avec Keaggy sur One. Comme une prière, le chant monte vers les cieux, pour louer qui-vous-savez. C’est sirupeux, certes, mais suffisamment efficace pour fonctionner.

Cosmic Cathedral Deep Water Band 2

Comme je le disais plus haut, il faut apprécier cette musique pour ce qu’elle a à offrir. Un moment de musicalité sans pareille de rock progressif mâtiné de jazz, offert par la crème des musiciens. Oui, Neal Morse tombe souvent dans ses propres clichés, mais pour contrebalancer, vous avez un sacré groove qui est plutôt rare dans un de ces opus. Autant pour The Resonance, c’étaient des petits jeunes qui apprenaient de Neal, autant ici, j’espère que Neal retiendra quelques petits trucs des vieux de la vieille qui l’accompagnent. Et puis, avoir sorti Chester Thompson de sa retraite, c’est cool, alors rien que pour cela, il faut poser une oreille sur ce disque !

https://nealmorse.com

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