D’Virgilio, Morse & Jennings – Sophomore
Inside Out Music
2023
Fred Natuzzi
D’Virgilio, Morse & Jennings – Sophomore
Les harmonies vocales de Crosby, Stills & Nash ont marqué l’éducation musicale de Neal Morse. Le trio formé avec son pote de toujours Nick D’Virgilio et le frontman de Haken, Ross Jennings, est, pour Neal, la parfaite occasion de forger des morceaux à tendance folk avec la part belle aux harmonies vocales. Le premier album, Troika, avait été un bon début, chacun des musiciens apportant ses chansons ou travaillant celles de Neal. Pour Sophomore, moins de plans préconçus et plus de travail à six mains, même s’ils ont encore œuvré à distance. Le clip disponible sur YouTube est d’ailleurs issu de leur première rencontre « en vrai », l’occasion de réellement mêler leur voix en live. Des concerts sont d’ailleurs envisagés, suivant l’emploi du temps de stakhanoviste de Morse, et ceux des autres, un peu plus léger ! Le super trio repart donc de plus belle, un an après leur premier effort. Plus concis, il varie tout de même les ambiances, et offre un panel des qualités du trio. Pas de compositions trop alambiquées, une certaine envie de se faire plaisir sans fioritures sur un terrain où ils ne sont pas attendus : une folk pop classieuse qui renvoie à un temps révolu.
Sur Troika, c’est Ross Jennings qui s’était démarqué, apportant le plus de variétés aux compositions et montrant également une autre facette de son chant. Pour Sophomore, c’est encore lui qui remporte le trophée, insufflant un vent de liberté et de fraîcheur. Non pas qu’on se lasse des jolies mélodies de Neal Morse ou du timbre si chaleureux de Nick D’Virgilio, mais Jennings continue vraiment d’étonner. Il offre donc à ce second album l’opportunité de l’entendre dans un autre registre, en espérant que les fans d’Haken laissent vivre leur curiosité. Commençons donc par ses titres, ils sont au nombre de trois. « Tiny Little Fires » avec son xylophone et ses percussions est original, comme si on se trouvait sur une plage au Mexique. Dynamique et fun, le morceau nous embarque dans sa belle humeur et les harmonies vocales font mouche. « Weighs Me Down » est une très belle composition atmosphérique, pleine de feeling et d’émotion avec un superbe travail sur les textures. David Crosby n’est pas si loin. Un titre magnifique. Enfin, et c’est peut-être le meilleur morceau de Sophomore, « Walking On Water » rappelle un certain Jimi Hendrix avant de loucher sur le groupe America qui aurait mangé du prog. C’est fluide, fun, bien arrangé, les harmonies occasionnelles bien placées, bref, une réussite. Avec ces trois chansons, Ross Jennings montre une nouvelle fois ses grandes compétences.
Nick D’Virgilio, lui, avait déçu lors du premier effort avec des compositions faiblardes qui ne rendaient pas justice à son talent. Ici, il se rattrape bougrement. Trois titres de son cru sont proposés. « Linger At The Edge Of My Memory » est une ballade classieuse où la voix de Nick nous rappelle à quel point il est bon chanteur. « Mama » n’est pas une reprise de Genesis, mais le titre rock de l’album. Nos trois compères s’amusent et nous aussi. On retrouve un petit feeling Spock’s Beard qui est séduisant. « I’m Not Afraid » est un peu plus passe-partout, mais garde ce côté agréable grâce aux mélodies et à la chaleur de la voix de D’Virgilio. La part du lion est réservée à Neal Morse qui apporte quatre morceaux. Egal à lui-même, ces chansons auraient pu toutes se retrouver sur un album solo. « Hard To Be Easy » débute l’album et le jeu de guitare est typique de son auteur. Les harmonies vocales débutent immédiatement et le titre se développe magistralement, nous emmenant directement dans un mélange d’univers californien / nashvillien et évoque CSN, référence ultime. « Right Where You Should Be » nous transporte tout de suite dans une country folk bien troussée. Le mélange des voix fonctionne parfaitement, la guitare slide est superbe. Même si la chanson n’est pas très originale, l’efficacité est là. Pour « The Weary One », ce sont des cordes qui rehaussent la mélancolie de la chanson où Morse, supporté par ses deux complices, fait preuve d’une émotion qu’il n’exploite que rarement. Enfin, « Anywhere The Wind Blows », une chanson plus classique, country folk, qui est 100 % du Neal Morse dans ses œuvres les plus accessibles, efficace évidemment, mais pas des plus originales.
On peut dire que notre trio a mis la barre plus haute pour Sophomore. L’album s’écoute avec un plaisir non négligeable et ce serait dommage de passer à côté. Espérons qu’un troisième sera mis en œuvre et surtout que l’on pourra les voir réunis sur une même scène afin de partager avec eux ces harmonies et vibrations musicales. Sophomore est une récréation, une respiration qui apaise, une bulle musicale qui n’a pas d’autre ambition que de faire passer un bon moment.