Paul McCartney – McCartney II

McCartney II
Paul McCartney
Pathé Marconi
1980
Rudzik

Paul McCartney – McCartney II

Paul Mc Cartney - Mc Cartney II

Ça fait un bout de temps que nous n’avions pas alimenté notre rubrique « l’album de trop », non pas que nous étions à court d’idées, mais plutôt que ce type de chronique demande un travail considérable de rassemblement d’éléments historiques du groupe/artiste dont il est question. Or, ayant enfin pu dégager suffisamment de temps, voici que je m’attaque à une icône des 60’s (et même des 70’s, on le verra ci-après), je veux parler de Paul McCartney, l’ex Beatles qu’on ne présente plus, dont l’album McCartney II m’a stupéfié à sa sortie… mais pas pour des raisons vertueuses.
C’est le moment où il faut monter dans sa DeLorean (de location… parce que vous avez cru que j’avais les moyens de m’en payer une ?) et de demander à ce cher Doc de nous ramener en 1969… ou 1970 (les déclarations des membres du groupe et les interprétations de la presse ne permettent pas de retenir une date précise pour cet évènement finalement officialisé et formalisé seulement en… 1974), l’année du split des Beatles. Paulo se retrouve au chômage et surtout en pleine dépression. Alors il s’enferme seul dans sa maison de St John’s Wood, enfin presque puisqu’il est solidement épaulé par sa femme Linda, et, armé d’un enregistreur quatre pistes, il crée en secret son premier album solo sobrement intitulé McCartney sur lequel il joue de tous les instruments. C’est d’ailleurs le premier album d’un multi-instrumentiste de l’histoire. Sa sortie (le 17 avril 1970) est l’occasion d’une énième dispute avec son ex (je parle du groupe bien sûr, mais ça marche pareil que pour les partenaires amoureux) qui le presse d’en retarder l’édition jusqu’à après la sortie posthume aux Beatles de l’album feu Get Back renommé Let It Be (sorti le 8 mai 1970) afin de ne pas en perturber le succès commercial, Paul refusa mais ceci est une autre histoire. L’album manque de cohérence et, bien que comportant l’excellent « Maybe I’m Amazed », subit la foudre des critiques dont certains vont jusqu’à dire que le véritable Beatles ayant du talent était George Martin et non McCartney (sous-entendu John Lennon non plus, comme ça, pas de jaloux !). On peut être compréhensif et situer McCartney comme étant symptomatique d’un nécessaire repli sur soi de notre cher Paulo avant un retour progressif au devant de la scène.

Paul Mc Cartney - Mc Cartney II band1
Et la suite est bien dans cette lignée avec la parution du seul album crédité aux deux noms du couple McCartney, Ram en 1971, plus accessible, bien que timidement accueilli aussi par les médias, puis la création du groupe Wings la même année en compagnie de Linda, du guitariste Denny Laine (ex Moody Blues) et du batteur Denny Seiwel. Il en résultera une formidable carrière ponctuée de multiples hits, de sept albums studio et du mythique triple vinyle live Wings Over America (1976) avec un groupe à son apogée qui voit la résurrection progressive de Paul en tant que songwriter et producteur ainsi que son retour sur scène (dès 1972 pour un tour UK des universités à bord d’un van !) inespéré depuis le traumatisme subi avec la « beatlemania » qui avait éloigné son ex. de la scène depuis 1966. En effet, si les deux premiers albums des Wings n’ont pas atteint les sommets, ils recélaient en eux les germes des remarquables opus qui ont suivi. Ont déferlé Band On The Run (1973) avec son incroyable tube éponyme aux racines prog, Venus And Mars (1975) dont les doublettes « Venus And Mars part 1/Rock Show » et « Listen To What The Man Said/Treat Her Gently – Lonely Old People » entament et terminent en apothéose l’album, Wings At The Speed Of Sound (1976) moins saignant, mais plus pop avec ses hits « Let ‘Em In» et « Silly Love Song », London Town (1978) beaucoup plus folk sous l’influence de Denny Laine qui amorce un déclin du groupe puis Back To The Egg (1979). Repartir ainsi du bas de l’échelle pour retrouver les sommets des charts n’était pas gagné pour Paul McCartney. Il faut imaginer tout le travail de reconstruction psychologique nécessaire pour effectuer ce parcours semé d’embûches dont l’avis des critiques n’était pas des moindres, témoin l’attaque à l’arme blanche dont fut victime le couple McCartney au Nigéria pendant l’enregistrement de Band On the Run leur ayant coûté de précieux textes, partitions et enregistrements, mais fort heureusement, pas la vie. Ce sont les tabloids et autres paparazzi qui ont dû être déçus que les McCartney, à l’instar de John Lennon et de George Harrison, n’aient pas alimenté leurs colonnes en matière de destins maudits des ex Beatles.
Il est intéressant de s’attarder sur Back To The Egg qui sera le dernier album des Wings et pourtant ça n’était pas du tout prévisible. Il s’agissait d’un concept album illustrant le retour à la scène des Wings (son titre en est une allégorie, « egg » imageant la scène) dont un film devait l’illustrer. Bien que je considère cet album comme étant également très réussi de par sa puissance et son alliance parfaite entre punk/rock et new wave (« Getting Closer », « Spin It On », « Old Siam Sir », etc.), les médias feront la fine bouche et les ventes, quoique très satisfaisantes, ne seront pas à la hauteur des albums précédents ce qui fera tousser Columbia, leur nouveau label US. L’ambiance au sein du groupe se lézardera. L’évènement déclencheur de la rupture se situera au Japon où Paul McCartney n’avait plus remis les pieds depuis 1966 avec les Beatles. Cette année-là, une campagne très agressive de la part d’une organisation nationaliste, à coup de bannières « Beatles Go Home » lors de manifestations, avait fustigé le coût des mesures de police à prendre pour la sécurité du concert à Tokyo et accusé le groupe de susciter la délinquance juvénile et de profaner le Budokan, la seule salle assez grande pour les accueillir. Héritée des J.O. de 1964, elle n’était pas encore une salle de spectacles, mais plutôt un temple des arts martiaux. Même au Japon, les traditions se perdent. Il faut savoir aussi que l’Empire du Soleil Levant refusait depuis de nombreuses années un visa à Paul McCartney, car il avait été arrêté pour détention de marijuana du temps des Beatles. Et voici que, quatorze ans plus tard, notre brave Paulo, fièrement doté de son visa, se présente à la douane de l’aéroport avec ses compères des Wings, mais surtout avec… 219 grammes de marijuana (environ 4000 € !)… sans doute une idée de cadeau histoire de se raccommoder avec les autorités japonaises ? Ni une ni deux, Paul est jeté en tôle pour dix jours avant d’être renvoyé chez lui en compagnie de tout le groupe bien sûr et avec comme conséquence, l’arrêt de la tournée en cours, le départ de Denny Laine des Wings puis le split définitif du groupe l’année suivante. Avant tout ce chaos qu’il avait provoqué (Paul dira qu’il l’avait fait exprès, ne sachant pas comment mettre fin aux Wings, mais il se rétractera par la suite) et après l’enregistrement de Back To The Egg, qu’avait fait notre ex Beatles ? Sentant peut-être la fin des Wings toute proche et/ou frisant de nouveau la dépression, il s’était de nouveau enfermé avec ses instruments dans le studio de sa ferme écossaise pendant l’été 1979, avec aussi… des synthétiseurs… et c’est là où le bât m’a blessé.
Confiant après ce Back To The Egg qui m’avait ravi (comme toute l’épopée des Wings, bien plus que celle des Beatles ; je sais, je sais, je commets un sacrilège) et non informé des difficultés vécues par les Wings, je me suis jeté sur McCartney II, le payant sans doute à l’époque avec un chèque en blanc. Or, que fut ma déception lorsque je mis la galette sur ma platine ! Je qualifierais celle-ci d’expérimentations personnelles d’un apprenti magicien de la new wave. Le premier souci est que la production de l’album est réellement pourrie. Manifestement le studio personnel de Paul n’était pas des plus performants même si équipé d’un enregistreur 16 pistes (c’est déjà quatre fois plus que celui de McCartney), mais quand j’apprends que certaines parties de batterie ont été enregistrées dans sa cuisine ou sa salle de bains pour avoir une sonorité particulière, j’hallucine (A-t-il testé les différences de rendu quand il ouvrait un robinet d’eau, faisait griller des œufs au bacon ou pas ? lol). D’autre part, les expérimentations des synthétiseurs n’ont absolument rien à voir avec le travail des maîtres du krautrock. Elles relèvent plutôt de gamineries de la part de notre apprenti. Malheureusement, ni les compos, à part quelques titres plus planants, ni le chant constamment trafiqué ne rattrapent le coup. Trois simples tourneront sur les ondes. « Coming Out » au groove assez sympa, mais qui donne l’impression d’être composé et exécuté par un ado boutonneux avec sa rythmique à deux temps dont Paul McCartney use et abuse encore sur la blague rockabilly « Nobody Knows », l’insupportable et interminable (d’ailleurs, on a l’impression que l’auteur ne sait trop comment le finir et donc, le termine n’importe comment) instrumental électro « Front Parlour ». Le moment de reconnaître que « Frozen Jap », l’autre instrumental électro, toujours rythmé binairement, est beaucoup plus intéressant et sympa. Autre simple, l’intolérable « Temporary Secretary », sorte de titre de new wave du pauvre avec son refrain répété à l’infini. Je préfère encore le « Tainted Love » de Soft Cell (et pourtant, je déteste cette chanson). Seuls les titres plus aériens sont recevables. C’est le cas de « Waterfall », le troisième simple, bien que le calage du chant sur les refrains soit très approximatif. Alors, on préfèrera « Summer’s Day Song », un titre ambient sur lequel les synthétiseurs sont nettement plus judicieusement employés et le « One Of These Days » final gorgé d’émotions sur un paysage musical acoustique beaucoup plus dépouillé et donc réussi. Autre motif de satisfaction relative, le blues « On The Way » avec cependant encore beaucoup trop d’effets sur la voix (Tain, t’as pas besoin de ça mon Paulo !) et un solo de guitare très plaisant. Après, je ne peux passer sous silence ce « Bogey Music Bogey » insipide au chant à la Elvis détestable blindé d’écho et aux textes minimalistes et surtout l’irritant « Darkroom » sur lequel le duo formé par Linda et Paul fait pitié, noyé dans une espèce de groove hindouiste affublé de chœurs insupportablement faux. À croire que Linda s’est crue capable de concurrencer Lou Reed passé maître dans l’art du « chanter faux », avec toutefois nettement moins de réussite. McCartney II sera descendu en flammes par la critique l’ayant trouvé léger, puéril et peu riche avec ses expérimentations électroniques et le faible rendu des instruments. Un magazine le décrira comme « sans doute l’œuvre solo la moins bien recevable de tous les ex Beatles ». Curieusement, l’album fera une belle percée dans les charts surtout au Royaume Uni porté par son simple « Coming Out », les ventes égalant celles des plus grands succès des Wings. Aux États-Unis, le classement de l’album s’écroula très vite, un peu comme si les Américains avaient eu la même attitude que votre serviteur, à savoir, le chèque en blanc puis, suite à la déception, la désaffection des fans. Pour autant, les années passant et l’effet nostalgie jouant, la critique s’est transformée en une certaine forme de reconnaissance de la « méthode solitaire McCartney » novatrice pour l’époque (assimilable au rock indie et aux DJ) et son sens de l’expérimentation, notamment lors de la sortie de l’Expanded Edition Of McCartney II Remastered (2011) avec douze pistes en bonus que personnellement, je n’ai pas trouvée plus intéressantes. En 2020, Paul, devenu octogénaire et ignorant le concept de la retraite, a sorti McCartney III qui n’a pas spécialement fait un tabac bien que plus consistant et accessible, mais il est vrai que Paul McCartney n’a plus rien à prouver, ni même dans ses tribulations pop avec Stevie Wonder ou Michael Jackson… de toute façon, c’est cuit pour ce dernier. En 2022, une trilogie regroupant les trois volumes a fait l’objet d’un coffret.

Paul Mc Cartney - Mc Cartney II band2
Manifestement, le succès des ventes et rééditions de McCartney II me donne tord même si je trouve ceci incompréhensible. Peut-être ais-je trop sous-estimé la puissance de la vague new wave et son indifférence envers la qualité de production ? Ce qui est certain, c’est que j’ai commis l’erreur d’espérer jouer les prolongations des Wings avec ce McCartney II (ou les deux mon capitaine) d’où ma profonde déception persistante. Il n’en demeure pas moins qu’avec le recul et passé le choc initial, je ne parviens toujours pas à supporter cet album qu’il m’a fallu aller rechercher bien profondément au sein de ma discographie. Sa production, ses compositions et même son exécution m’irritent au plus haut point. J’ai une pensée pour un de nos lecteurs réagissant à ma chronique de Nador des Variations et pour mon collègue Thierry Folcher avec sa chronique d’Against The Wind de Bob Seger qui regrettaient amèrement d’avoir respectivement égaré/vendu leur édition originale des albums précités. En ce qui me concerne, ça ne m’aurait pas dérangé que l’on me dépossède de McCartney II. Le seul inconvénient que j’y vois est que j’aurais été en difficulté pour rédiger la présente chronique. Allez, je m’en vais remettre Venus And Mars sur ma platoche et ça va le faire!

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Un commentaire

  • Robert de Benoist

    Pas du tout d’accord !
    Oui c’est vrai quand cet album est sorti je me suis dit  » keskecest cette daube? »
    En fait 50 après c’etait un album d’avant garde que Brian Eno himself aimait bcp.
    Synthés bruitages coupures de rythme et arythmies…..bref un album complètement décalé pour l’époque. Macca a pris des risques et s’est planté
    Moi j’aime bien et c’est bien mieux que d’autres albums « soupe » d’un surdoué

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