Susanna (aka Susanna Wallumrod) – Triangle

Triangle
Susanna (aka Susanna Wallumrod)
Sonata
2016
Jean-Michel Calvez

Susanna (aka Susanna Wallumrod) – Triangle

Susanna (aka Susanna Wallumrod) – Triangle

Comme c’est le cas pour le polar, les artistes venus du grand nord se font peu à peu une place de choix dans les charts plus au sud de l’Europe et à l’international. Il faut dire qu’ils ont l’habitude de chanter en anglais, ce qui leur facilite grandement la tâche. Après Mari Boine Persen, la pionnière (Norvégienne Sami) à qui le label Real World de Peter Gabriel a donné sa chance en 1989, l’une des artistes plus connues chez nous est sans doute Ane Brun, norvégienne, elle aussi, (pour le folk fragile de ses premiers albums, mais le spectre de ses talents est bien plus large, jusqu’à l’electro) ou, plus récemment, Susanne Sundfor (Norvégienne encore et qui sort le 26 mai Blomi, son septième album). Sans oublier l’Islandaise Björk, Anna von Hausswolff (suédoise, cette fois), Agnès Obel (Danemark, on fait le tour le tour du Grand Nord !), et quelques autres noms moins connus, tels Rebekka Karijord ou Jennie Abrahamson dans des registres musicaux voisins. Les Scandinaves font donc leur chemin dans ces registres souvent inclassables, abordant et fusionnant plusieurs styles et catégories, y compris le jazz, avec par exemple Sidsel Endresen et Lena Willemark (sur le label ECM), ou Josefine Cronholm.

La norvégienne Susanna Wallumrod en fait partie. Issue d’une famille de musiciens et producteurs (Christian, Fredrik, et leur cousin David), elle avance masquée sous son seul prénom pour ses albums solo. Et celui-ci, Triangle, est co-produit par son frère Fredrik et le norvégien Helge Sten (plus connu en ambient minimaliste sous le nom de Deathprod). La voix singulière est l’atout majeur de Susanna, magnifiée quelques années auparavant sur le superbe If Grief Could Wait de la harpiste Giovanna Pessi : album inclassable comme souvent sur le label ECM New Series, réinterprétations de songs de Henry Purcell (XVIIème siècle), mais aussi de Léonard Cohen, Nick Drake ou Susanna Wallumrod elle-même, donc plus contemporains et au son très prisé des audiophiles (comme toujours chez ECM).

Susanna (aka Susanna Wallumrod) – Triangle band1

Avec Triangle, on s’éloigne du baroque revisité et on pense avant tout à Kate Bush, Susanne Sundfor, Emily Jane White, Louisa John-Krol et quelques autres encore ayant mixé le néofolk avec une électro discrète, souvent dépouillée ici et à la fois sophistiquée dans ses arrangements. On notera aussi une touche de Björk sur un ou deux titres plus électro de cet album. Sans aller jusqu’à la voix a capella, mais on s’en rapproche sur « Shepherd », le minimalisme subtil de la production (on y sent la griffe de Deathprod), rappelle les premiers albums gothico-liturgiques d’Anna von Hausswolff ou le combo canadien Lightning Dust. De la même façon, l’usage raisonné de l’électronique (synthés, samples, mais aussi manipulations et traitements complexes de la voix), les nombreux musiciens invités, et parfois le timbre de voix, comme dans « Under Water  »), font penser aux expérimentations électroniques de Björk ou à la Kate Bush plus aventureuse des années 80. Dans un style souvent dépouillé avec accompagnement au piano acoustique, que l’on retrouvera deux ans plus tard sur Go Dig My Grave (2018), le tempo est souvent lent ou midtempo. « We don’t belong » et « Hole » offrent des accents de la Kate Bush période The Dreaming, quand « Texture Within » ou « Under Water » sont plus proches de ses premiers albums (on parle toujours de KB, si vous suivez !). « Burning Sea » sonne plus expérimental avec, en intro, ces sons de synthés plaintifs hyper léchés, vaguement dissonants et inquiétants. Plus électro et dansant, « In the Need of a Shepherd » rappelle certains titres de Susanne Sundfor. Presque incantatoires, « Triangle » et « Decomposing », accompagnés au piano sur fond de synthés et background vocals, ralentissent fortement le tempo. « The Fire » poursuit dans la même veine mélancolique, accompagné cette fois au violoncelle, de même que « Purple » avant deux titres de conclusion guère plus joyeux, « Death Hanging » et « In My Blood ». Les titres les plus développés (de 3 à 5 minutes) sont séparés par des morceaux plus brefs proches de la minute, dont quelques interludes instrumentaux.

Susanna (aka Susanna Wallumrod) – Triangle band2

Par sa variété d’ambiances, certes relative, et sa longueur (70 minutes et 25 titres, ça n’est pas rien !), chacun y trouvera des atmosphères qui lui parlent (ou lui chantent…), même si les thématiques comme la tonalité d’ensemble sont plutôt mélancoliques, voire sombres. Cela dit, Triangle est l’album le plus accessible de Susanna Wallumrod car les suivants, Go Dig My Grave, Baudelaire & Piano et Elevation, entre spoken words et piano minimaliste, sont plus hermétiques et sans doute à réserver aux fans de sa voix. Pour ce qui concerne Triangle, on appréciera le superbe dessin encre et sépia monochrome en recto verso symétrique de la pochette, mais on regrettera le livret quelque peu minimaliste lui aussi, citant les nombreux artistes invités, mais dont sont absents les lyrics. Il n’empêche, c’est à de bien belles ballades néofolk, certes dark et un peu « froides », comme inspirées par les paysages enneigés et glacés de ses origines scandinaves, que nous convie Susanna Wallumrod dans son style personnel, même si la référence à Kate Bush s’impose souvent sur certains accents et effets vocaux.

https://susannamagical.com/

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https://susannamagical.bandcamp.com/

https://soundcloud.com/susannawallumroed

https://susannasonata.com/

https://www.discogs.com/fr/master/990690-Susanna-Triangle

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