Emily Jane White – Alluvion

Alluvion
Emily Jane White
Talitres
2022
Jean-Michel Calvez

Emily Jane White – Alluvion

Emily-Jane-White alluvion

Emily Jane White, on l’aime bien, et on en a déjà parlé sur Clair & Obscur. La dernière fois, c’était un peu avant la pandémie avec Immanent Fire, en 2019. S’éloignant en douceur du registre new folk presque acoustique de ses débuts, nous retrouvons la Californienne avec Alluvion, concocté en compagnie de son acolyte et multi-instrumentiste Anton Patzner durant la pandémie que vous savez et ce confinement paradoxalement bénéfique à l’éclosion artistique, faute de mieux.

Un nouvel opus très orchestral (claviers et nappes) à la tonalité pop/rock mâtinée de shoegaze. Le ton est comme toujours, grave et lancinant, en mode mineur, proche de la cold wave ou de la darkwave et pas si loin que ça d’un gothique orchestral qui donnait aussi la tonalité de son album précédent et qui transparaissait déjà sur l’album de transition Blood/Lines, en 2013. Sur les séquences introductives d’Alluvion, une belle ampleur est à nouveau donnée aux claviers sombres et aux percussions très présentes, presque martiales, qui sont la griffe d’Anton Patzner. On pense parfois à Arcana, la formation de Peter Bjärgö issu du défunt label Cold Meat Industry, par exemple son album Inner Pale Sun de 2002 inspiré de Dead Can Dance ou, justement, aux albums typés néo-classique de Lisa Gerrard à la même période (Immortal Memory avec Patrick Cassidy ou The Silver Tree).

Emily-Jane-White alluvion band 1

Sombres, les textes d’Alluvion le sont aussi avec une songwriter toujours aussi engagée dans de multiples combats pour notre planète et ceux qui l’habitent ; anéantissement biologique et extinction des espèces animales, désordres croissants d’une économie détraquée, mondialisée à outrance. Cette fois le fil conducteur de l’album est le deuil, pas uniquement celui associé aux êtres qui nous manquent, mais aussi à ce qui disparait injustement dans notre environnement via les extinctions annoncées et autres désastres auxquels il semble que nous soyons incapables de faire face. Tout en empruntant à la veine symphonique et néo-classique par ses intros soignées, le ton est donc résolument plus dark qu’une Agnès Obel, par exemple, ou même que le dernier album de London Grammar, Californian Soil, plus sombre que les précédents, avec lequel on trouvera aussi quelques affinités d’ambiance. La voix d’Emily Jane White y est comme toujours enveloppée d’une réverb très présente en adéquation avec une production hyper soignée donnant une tonalité symphonique à l’ensemble de l’album, malgré le peu de musiciens impliqués.
Petite visite guidée d’Alluvion. Dès l’intro, martèlement métronomique obsédant et percussions acoustiques sur « Show Me The Altar » annoncent la couleur. Celle-ci se prolonge avec « Crepuscule » sur un rythme plus pop/rock avant la pause relative d’« Heresy », mais dans le tempo seulement, lancée par un piano vite rattrapé par des percussions lourdes. « Poisoned » adopte un ton vaguement country dans le rythme et les guitares saturées, avant le piano à nouveau, doublé par une basse synthétique sur un « Deep Against The Sun » plus puissant et déclamatoire avec ses percussions martiales tout comme pour « The Hands Above Me ». « Mute Swan » (premier titre d’une sorte de face 2, selon la présentation) s’ouvre comme le début de l’album sur une séquence rythmique synthétique downtempo sortie des années 80. Celle-ci est, plus ralentie encore sur « Hold Them Alive » qui voit aussi revenir les guitares électriques saturées ainsi que sur « Hollow Years » qui le suit et monte en puissance sur un chœur lancinant avant un final plus apaisé. Retour au rythme pop/rock avec batterie sur « I Spent The Years Frozen », avant un « Battle Calf » final au tempo hyper ralenti de marche guerrière à la tonalité plus sombre et plus grave encore que le reste de l’album avec une nappe lourde de clavier qui souligne le propos.

Emily-Jane-White alluvion band 2
Pas d’éclaircie dans la tension, l’urgence est là, elle n’attend pas et Alluvion nous le rappelle avec force à chaque titre. On espère que vous l’entendrez, cette urgence, et que vous l’écouterez, cet Alluvion qui fait du bien là où ça nous fait du mal. On notera qu’Emily Jane White est en tournée européenne au printemps 2022, dont plusieurs dates en France, dès fin mars puis en avril, à Paris, Canteleu, Offenbach, Marseille, Hyères, Grenoble, Crozon, ou Vitrolles.

https://www.discogs.com/fr/artist/1107578-Emily-Jane-White
http://www.talitres.com/fr/artistes/emily-jane-white.html
http://emilyjanewhite.net/

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.