Peter Gabriel – And I’ll Scratch Yours

And I'll Scratch Yours
Peter Gabriel
2013
Realworld

Peter Gabriel – And I’ll Scratch Yours

En 2010, Peter Gabriel reprenait dans « Scratch My Back » 12 chansons de 12 artistes différents en les réinterprétant à sa sauce, sans guitare, sans basse et sans batterie. Le résultat était inégal, mais impressionnait dans la recherche musicale incessante d’un artiste passionné par la composition de chansons elles-mêmes. Le but était de demander à ces artistes de reprendre un de ses morceaux à lui, et de les transformer, de les transposer dans leurs univers. Il aura donc fallu plus de 3 ans avant de pouvoir éditer cette réponse « And I’ll Scratch Yours ». Bien sûr, tous les musiciens n’ont pu répondre à l’appel, comme David Bowie, Neil Young et Radiohead. Les agendas des uns et des autres ont fait qu’un tel projet ne pouvait voir le jour rapidement. Mais comme Peter Gabriel lui-même n’est pas réputé pour sa rapidité, on leur pardonne aisément. Qu’avons-nous donc au menu ? Une compilation qui n’est pas un hommage, un vrai travail d’appropriation par des artistes honorés du choix du maître. Evidemment, c’est inégal, évidemment, ça peut être décevant. Mais avant d’écouter un tel album, il est clair qu’il ne faut pas s’attendre à quelque chose de fondamentalement exceptionnel. Il faut plutôt aborder ce travail avec curiosité, comme celle qui a animé Peter Gabriel : comment ces artistes vont-ils s’abandonner dans ces morceaux qui ne sont pas les leurs ? Quels choix vont-ils faire ? Comment vont-ils adapter (ou non) cette musique ?

David Byrne des Talking Heads choisit « I Don’t Remember » et le transpose dans son univers fantaisiste sautillant, lui donnant un aspect electro-world fort sympathique. Les folkeux de Bon Iver reprennent « Come Talk To Me » avec banjo et vocalises aériennes pour un moment en apesanteur. Regina Spektor prend un angle acoustique pour « Blood Of Eden », avec un résultat peu convaincant. L’électro robotique très ancré dans les 80’s de Stephen Merritt (du groupe The Magnetic Fields), donne à « Not One Of Us », l’aspect d’une vaste blague. L’américain Joseph Arthur, appelé en remplacement, et qui a débuté sur le label Realworld, se lance dans une interprétation intense de « Shock The Monkey », sur un drone électrique distordu avec atmosphère inquiétante. Une grande réussite.

Randy Newman, star aux US, mais qui échappe à notre compréhension, et qui avait travaillé avec Peter Gabriel pour la B.O de « Babe 2 », promène sa voix bizarre sur « Big Time », qui devient une épreuve à écouter, avec un piano de saloon et un chant assez pénible. Le très bon groupe canadien « Arcade Fire » reprend « Games Without Frontiers » mais ne la révolutionne malheureusement pas. Les anglais d’Elbow s’occupent de « Mercy Street » en retravaillant l’ambiance de ce classique de Peter Gabriel. Ils gardent l’épine dorsale du morceau en le rendant encore plus intimiste. Brian Eno, complice de Bowie, reprend « Mother Of Violence », avec voix parlée dans les couplets, atmosphère menaçante, sons trafiqués, un grand moment.

Feist, seconde remplaçante, s’immerge à merveille dans une version plus axée sur les percussions de « Don’t Give Up », avec Timber Timbre pour lui répondre sur le refrain. A noter la très bonne idée d’utiliser le violon. Une douceur parfaite qui sera complètement annihilée par Lou Reed et son drone électrique sur « Solsbury Hill », interprété à sa manière. La chanson emblématique de Peter Gabriel est tellement bien adaptée par Lou Reed qu’on jurerait qu’elle a été écrite par Reed lui-même ! Enfin, Paul Simon reprend en acoustique « Biko ». Il lui enlève cependant sa fin grandiose et par là même le côté revendicateur. Un peu passe-partout et finalement décevant.

Les fans de Peter Gabriel devraient s’intéresser à cet album mettant en avant des univers différents, mais rendant aussi compte qu’un morceau n’appartient pas définitivement à son auteur. Une chanson est une œuvre qui peut être déconstruite et reconstruite différemment par un artiste, de la même façon que cette œuvre est perçue différemment par chacun. Une réflexion sur l’art de la composition, mis en musique par Peter Gabriel et ses invités de marque. Une dissertation sonore où certains d’entre eux sont inspirés, d’autres moins.

Fred Natuzzi (7,5/10)

https://petergabriel.com/

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