Steven Wilson – The Harmony Codex
Virgin
2023
Fred Natuzzi
Steven Wilson – The Harmony Codex
C’est sûrement la première fois qu’un album de Steven Wilson me laisse… indifférent. J’ai pu adorer ses œuvres passées (Hand. Cannot. Erase. ou Insurgentes), ou beaucoup moins apprécier certaines (Grace For Drowning, Storm Corrosion). J’ai également été mitigé, le dernier en date, The Future Bites, en est d’ailleurs un bon exemple. Mais à chaque fois, j’ai vu la trajectoire que voulait prendre Wilson, où il voulait en venir, et tirer le meilleur de sa musique. Pour The Harmony Codex, c’est une autre histoire. Autant The Future Bites pêchait par une electro qui dansait sur plusieurs pieds, rendant l’ensemble bancal et inabouti, autant The Harmony Codex prend le parti de faire un album electro moderne et cohérent (encore que…), invitant l’auditeur à se plonger dans cette musique faite pour errer et former un tout que l’on écouterait d’une traite. Sauf que, lorsqu’on s’exécute, on trouve différentes ambiances (voulues par Wilson) qui sèment le trouble. Enfin, je parle pour moi, car même si je reconnais une unité plus marquée, il y a des morceaux (en plus, ceux que je préfère !) qui semblent sortir de l’univers organisé que son auteur aime à mettre en avant (il n’y a qu’à l’écouter en parler sur youtube). Je suis donc à la fois curieux et décontenancé lorsque j’écoute pour la première fois l’album. Comme c’est ce qu’on appelle un « grower », je le réécoute à plusieurs reprises (bien obligé lorsque l’on souhaite écrire une chronique argumentée !) et à chaque fois, même si quelques titres se révèlent à moi, j’ai un goût de déception. Je trouve que l’electro de Steve Wilson est trop sage, part dans des directions déjà exploitées par d’autres artistes, et que le mélange avec son son à lui ne se marie pas vraiment bien avec le paysage sonore. Il y a de l’electro, mais aussi du rock à la To The Bone, du progressif à la The Raven That Refused To Sing. Du coup, ce sont ces morceaux qui se détachent le plus, pour ma part.
Sur soixante-quatre minutes, l’opus délivre dix morceaux dont trois de dix minutes. Wilson en ne se mettant aucune barrière pour la composition, c’est toujours intéressant. Tout d’abord, « Impossible Tightrope », quasiment instrumental et progressif, est un morceau assez fort qui commence par des cordes avant d’inclure un très beau jeu de guitare. Plusieurs parties s’enchaînent ensuite avec brio. Cependant, on peut penser à du Pink Floyd moderne tant sur l’atmosphère que sur la progression. Et le feeling Floydien reviendra sur d’autres titres. « The Harmony Codex » prend son temps pour développer une atmosphère lente où il ne se passe quasi rien. Le morceau n’est pas chanté, mais narré par Rotem Wilson, son épouse, et fait penser de loin à 2001, l’Odyssée De l’Espace de Kubrick. Enfin, « Staircase », qui clôture l’album, fait lui partie de ce qui se détache immédiatement de l’ensemble avec une très bonne construction et une évolution magistrale, une belle performance vocale avec l’ajout d’un solo de guitare sans fioritures sur un paysage musicale riche. Une réussite. Alors que dire des autres chansons qui composent cet album ?
L’entrée en matière est des plus surprenante. « Inclination » débute par trois minutes instrumentales qui posent le décor. La voix de Wilson casse le rythme pour mieux le reprendre ensuite dans une ambiance electro jazzy. L’attention est maintenue il est vrai, mais le titre ne touche pas, malgré sa richesse. Puis vient « What Life Brings », totalement différent du feeling précédent. On se retrouve avec un titre plus pop, de nouveau Floydien, proche d’un Lightbulb Sun de Porcupine Tree et une guitare que l’on aime tant et que l’on avait perdu d’ouïe depuis quelque temps. « Economies Of Scale », qui avait annoncé la sortie de The Harmony Codex, tente une electro aérienne et arty, en oubliant que Radiohead l’avait déjà fait dans les années 2000. Belle tentative néanmoins sur le chant, mais cela reste peu convaincant. On saute à « Rock Bottom » écrit et chanté par Nina Tayeb en duo avec Wilson. Une bonne surprise que ce titre en suspension pourvu de belles guitares, mais qui aurait pu figurer sur un autre opus que celui-ci sans problème. Ambiance plus tendue avec « Beautiful Scarecrow », malheureusement ni l’electro minimaliste ni le développement plus « bruitiste » ne parviennent à sauver quoi que ce soit. « Time Is Running Out » n’apporte pas grand-chose non plus à part un superbe piano… et de l’ennui. Le solo de guitare ne rattrape rien. Le riff de guitare de « Actual Brutal Facts » est sympa mais trop banal, et la voix trafiquée de Wilson ensuite dessert le titre. Sa façon de scander ses mots montre que ce qu’il veut dire est certainement important. OK, mais aucun impact bien malheureusement.
The Harmony Codex est censé être une œuvre majeure de Steven Wilson. Alors, soit je passe complètement à côté, soit c’est l’orientation marketing (et l’enthousiasme de son auteur) qui gagne et qui valorise un opus pas forcément réussi, mais qui va bien au-delà d’un The Future Bites annonçant déjà un possible déclin (mais qui avait aussi été remanié pendant la Covid). Il est en tout cas certain que la créativité de Steven Wilson n’est pas tarie. Chaque album surprend, en bien ou en mal, et il y a toujours deux ou trois titres qui ressortiront. Cependant, écouté comme un tout, The Harmony Codex ne me touche pas, ne m’accroche pas et ne m’emmène pas dans son univers. C’est bien dommage.