Spock’s Beard – Day For Night

Day For Night
Spock's Beard
1999
Giant Electric Pea

Spock’s Beard – Day For Night

En 1999, les californiens de Spock’s Beard, locomotive du renouveau progressif, publie la suite logique et assez prévisible de leur disque précédent, l’excellent « The kindness Of Strangers« . « Day For Night » poursuit dans la même veine musicale, à savoir une œuvre toujours riche en mélodies percutantes, alternant titres longs, symphoniques et ambitieux, avec des morceaux plus courts, concis, et directs. On y retrouve tout ce qui fait le charme et la force de Spock’s Beard, à savoir un professionnalisme ahurissant (on fait difficilement mieux dans le genre à l’époque !), une maîtrise de la composition évidente, une technique millimétrée, de l’auto-dérision à souhait, et, enfin, un style ô combien personnel malgré les diverses influences du groupe qui ne datent pas d’hier. Le style développé par les américains représentait à mon sens l’alchimie la plus enthousiasmante qui soit dans l’univers progressif de cette prolifique décennie, recette magique qui allait encore monter d’un cran qualitatif avec l’immense « V » (2000) et le double concept-album « Snow » (2002), qui bouclera la première phase de l’aventure Spock’s Beard avec le choc du départ inattendu de Neal Morse, ni plus ni moins que son indispensable colonne vertébrale.

En attendant, « Day For Night » poursuit la route amorçée en enfonçant encore un peu plus le clou de l’accessibilité, sans aller non plus s’égarer dans la production volontairement « commerciale » ou chercher la facilité à des fins bêtement opportunistes. Disons seulement que « Day For Night » est à Spock’s Beard ce que « Falling Into Infinity  » serait à Dream Theater, ou encore « Holydays In Eden » à Marillion, si vous voyez l’idée. Ce qui frappe d’entrée de jeu, c’est la production étincelante de ce nouvel opus, qui bénéficie d’un son très supérieur à celui des disques précédents, « Beware Of Darkness » mis à part. Niveau compos, la démarche plus consensuelle de la bande à Neal Morse est ici pleinement assumée, pour le meilleur, mais aussi le moins bon. Je commencerai par illustrer ce dernier point, avec en premier lieu le très (trop?) calibré pop « Skin » et son refrain un poil racoleur, pas franchement mauvais, mais pas inoubliable non plus, ou encore la ballade « Can’t Get It Wrong », qui constitue de par son thème mélodique gentillet les 4 minutes les plus sucrées de l’album.

Un bon cran au dessus, on trouvera avec « The Distance To The Sun »  le petit frère de « June », a savoir une très jolie chanson acoustique qui monte progres­sivement en apothéose, avec des chœurs à vous refiler le frisson. Emotion garantie. Aussi, dans la série des morceaux qui » cartonnent », ça commence fort dès l’ouverture avec un titre éponyme faisant figure de hit-single façon rock prog (je préfère cela à du Asia par exemple !), avec son intro rentre-dedans, sa ligne de basse Rickenbacker imparable, signature du grand Dave Meros (le nouveau Chris Squire) et son refrain accrocheur typiquement américain. On notera en prime une partie centrale de guitare acoustique faisant quelque-peu référence au superbe « The Doorway », l’un des tous meilleurs titres de Spock’s Beard jusqu’à nos jours.

Au sommet de l’inspiration de Spock’s Beard pour « Day For Night », le sophistiqué « Gibberish » est le croisement parfait entre « Thoughts » (pour le travail renversant au niveau des polyphonies vocales, dignes du grand Gentle Giant) et « In The Mouth Of Madness » (pour sa rythmique folle furieuse et ses nombreux breaks). Un petit chef-d’œuvre qui restera lui aussi à jamais référentiel  ! « Crack In The Big Sky » contient aussi un concentré du meilleur Spock’s Beard, avec son refrain jubilatoire, ses multiples rebondissements, passages jazz-rock et délires sonores à tout va, fruits d’une coordination de nos 5 musiciens qui donne tout simplement le vertige. Le joyeux dingue Ryo Okumoto continue à nous en mettre plein les oreilles avec ses débauches de claviers, fort heureusement toujours bien agencées et jamais fatigantes même quand il s’égare dans des solos où il en fait des tonnes, sans prétention, juste pour le délire pur jus. « The Gipsy » poursuit dans une voie plus sombre et agressive, évoquant même un peu dans sa première partie le Faith No More d »Angel Dust ». Il s’agit là très certainement du titre qui tranche le plus avec l’atmosphère générale du disque, globalement lumineuse et positive.

« The Healing Colors Of Sound » clôture l’album en bonne longue fresque indispensable, avec ses 22 minutes au compteur découpées en 6 parties bien distinctes (avec refrains pop façon Beatles, passages plus typiquement progressifs, digressions heavy et déjantés, moments d’accalmie, etc), mais qui s’enchaînent à la perfection, contrairement au puzzle artificiel d' »Octane » produit bien des années plus tard. Cette suite fleuve se démarque relativement de « The Light » dans son architecture, presque aussi jouissive et épique (avec un style de jeu plus brut, plus proche de l’esprit d’un « The kindnes Of Strangers » que des fastes de l’indispensable l’album originel), mais à laquelle manque le petit brin de folie qui animait son aînée.

Certains pressages de l’album comportent un titre bonus avec le dispensable « Hurts », qui connote fortement le son hard-rock de Deep Purple période « Perfect Machine », l’intérêt et l’efficacité en moins. Au final, nous avons affaire avec « Day For Night » à un bon disque de Spock’s Beard, qui apporte encore son lot de plaisirs après toutes ces années passées et les innombrables écoutes qui vont avec, mais sûrement pas à une œuvre majeure du groupe, même si celle-ci surpasse largement la plupart des disques produits durant la période Nick D’Virgilio, « X » mis à part. A garder néanmoins précieusement dans sa collection !

Philippe Vallin (7/10)

www.spocksbeard.com

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