Sequentia Legenda – Galactic Crystals

Galactic Crystals
Sequentia Legenda
Patch Work Music
2024
Thierry Folcher

Sequentia Legenda – Galactic Crystals

Sequentia Legenda Galactic Crystals

Définition de mirage : illusion, apparence séduisante et trompeuse. De ces qualificatifs, je retiendrai « illusion séduisante » comme caractéristique à Galactic Crystals, le projet 2024 de Sequentia Legenda. Mais pourquoi mirage ? Tout simplement parce que la principale source d’inspiration de ce disque n’est autre que le célèbre Mirage de Klaus Schulze. Et quitte à recevoir une volée de bois vert de la part des puristes et des inconditionnels du génie teuton, je clamerai, haut et fort, que Galactic Crystals n’a vraiment rien à envier à l’enregistrement de 1977. Je ne suis pas là pour faire des comparaisons ni pour prendre parti, car la carrière de Klaus Schulze est tellement monumentale et inattaquable que Sequentia Legenda s’en trouverait à court d’arguments. Ce que je peux dire, c’est que les progrès de la technologie alliés à la volonté d’un artiste doué ont permis à Galactic Crystals d’être une belle réplique aux longues épopées électroniques d’outre-Rhin des années 70. Attention, ce nouveau défi n’est pas une copie sans âme et sans intérêt. Non, c’est avant tout le produit d’une réelle inspiration, d’un savoir-faire évident et d’un bel hommage rendu à une idole de jeunesse. Sequentia Legenda, c’est Laurent Schieber, un adepte précoce des synthétiseurs et autres séquenceurs qui s’est très tôt passionné pour la Berlin school et ses rejetons, Klaus Schulze en tête. Dans son interview accordée en 2016 à notre regretté rédacteur en chef Philippe Vallin, il explique son parcours, ses motivations, sa façon de travailler et son attachement à l’univers de Klaus Schulze dont il revendique et assume les influences.

Si vous avez lu l’interview, vous avez compris que c’est bel et bien l’album Mirage qui est à l’origine de sa passion dévorante. Et cela s’entend clairement sur Galactic Crystals même si je suis persuadé qu’il ne faut pas trop focaliser là-dessus. Mais pour moi, cette histoire de « cristaux » entre les deux albums – « Crystal Lake » d’un côté et « Crystal Of Light » de l’autre – est bien trop parlante pour ne pas être voulue. Bon, c’est la vision du fan que je suis aussi et qui par moments se sent presque obligé de rattacher une œuvre actuelle à ce qu’il a pu entendre par le passé. Cela ne fait de mal à personne et permet d’orienter le lecteur, du moins je le pense. Je suis en ce moment même en train d’écouter ce fameux « Crystal Of Light » et je peux vous garantir qu’à partir de la sixième minute on se délecte de ces fameux basculements de tonalité venant interrompre le long développement hypnotique lancé depuis le début (tout comme sur « Crystal Lake », dans un timing quasi identique). J’ai beau être de plus en plus difficile à émouvoir, je peux vous certifier que les frissons sont instantanés et difficilement réfrénés. Par ailleurs, dans la dernière partie, la descente d’intensité est un véritable modèle du genre qu’il faut caler sur sa respiration et ses battements cardiaques. À noter aussi sur ce titre, la présence de Tommy Betzler (artiste allemand ayant accompagné KS dans les années 80) à la batterie dans un style à la fois percutant et feutré, bien dans l’esprit de l’accompagnement rythmique des musiques planantes d’autrefois. Mais quelle est donc la philosophie de ce musicien alsacien qui sous-titre son album d’un étrange : Adamantines Vibrations Of The Universe ?

Sequentia Legenda Galactic Crystals Band 1

Sa ligne de conduite, il ne la cache pas. Il propose avant tout d’amener l’auditeur en méditation pour le faire voyager au plus profond de son âme. Je ne peux que souscrire à ce genre d’invitation, car pour bien apprécier la musique de Galactic Crystals, il faut accepter de se mettre hors circuit et de pénétrer les boucles et les séquences avec conviction. La bonne immersion dans cette musique répétitive ne peut se faire qu’en prenant le temps de se laisser envelopper par la douce atmosphère de ces trois longs morceaux de félicité. Musique marginale ? Aujourd’hui, c’est bien le cas. Le monde a changé, il va de plus en plus vite et l’émerveillement (si l’on peut dire) est ailleurs. Galactic Crystals se partage donc en trois mouvements présentés à chaque fois par un texte pas forcément à suivre. Sur « The Song Of Orion » qui ouvre l’album, Laurent le dit lui-même, il s’agit d’une invitation au voyage où l’auditeur est libre de vivre la musique à sa convenance, selon son propre ressenti. Et ça me va très bien. D’autre part, le magnifique livret intérieur peut, quant à lui, servir de support visuel propice à l’évasion. Les dix-sept minutes de ce premier titre se déroulent dans un climat éthéré, produisant de belles notes cristallines égrenées à la manière d’un mantra musical qui demandera acceptation et concentration. Les vibrations sont intenses et celui qui pénètre ce monde fabuleux n’en ressort qu’ébloui. Ensuite, je reviens un instant sur « Crystal Of Light », pour moi le morceau phare du disque. C’est incroyable, mais l’ajout de la batterie amène un véritable plus qui donne des airs de rock psychédélique à la musique. Je me suis même aperçu, en visualisant les vidéos en ligne, que la formule en duo fonctionnait très bien sur scène. En définitive, Sequentia Legenda ne doit pas être vu comme une simple machine à produire des séquences audio, c’est avant tout une véritable formation capable de prendre des risques et d’aller vers les gens.

L’album se termine avec « Return To Meshalea », un troisième épisode venant compléter un triptyque dont la pièce centrale n’est réellement satisfaisante qu’en présence de ses deux acolytes. Meshalea c’est Andromède et ce retour galactique emploie les grands moyens pour nous projeter dans l’espace et la réflexion. La profondeur stellaire, la résonance du vide et la place de l’homme dans l’immensité de l’univers peuvent apparaître au fil d’enchaînements devenant de plus en plus mystiques. Pour moi, je le vois comme le morceau le plus sensible des trois, peut-être le plus humain. Et comme Laurent nous laisse libres d’interpréter ce voyage musical à notre guise, ce sera donc là le sens que je lui donne.

Sequentia Legenda Galactic Crystals Band 2

Avec ce genre de musique, le retour sur terre est toujours compliqué. Il faut un laps de temps pour retrouver ses esprits et reprendre une activité normale. Écouter Galactic Crystals est une expérience qui ne peut se contenter d’une oreille distraite ou d’un manque de disponibilité. La mise en condition est obligatoire, même pour un court moment. Il y a forcément un apprentissage à cela et les décrochages peuvent intervenir à tous moments. Je me rappelle mon adolescence avec Klaus Schulze, Tangerine Dream, Popol Vuh ou Ash Ra Tempel, une époque où l’envol dans le cosmos s’opérait sans préparation ni artifice. C’était comme ça, on était certainement plus facile à émerveiller et à surprendre. Et pour moi, ça continue, car un demi-siècle plus tard, des artistes comme Laurent Schieber transmettent cet héritage avec une telle compétence que je m’étonne de repiquer au truc avec autant de facilité.

https://www.sequentia-legenda.com/

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