Klaus Schulze & Günter Schickert – The Schulze-Schickert Session
Klaus Schulze & Günter Schickert
Mirumir Music
Attention, pépite ! Cet album d’outre-tombe va sans conteste combler de bonheur tous les amateurs du Klaus Schulze des années 70, fastueuse période pour la musique électronique « cosmique ». Car il ne s’agit pas là de la réédition d’un disque épuisé, mais bel et bien une authentique « nouveauté » datant de près de… quarante ans ! « The Schulze-Schickert Session » ressort en effet du placard à archives un enregistrement réalisé le 26 septembre 1975 par le maître berlinois à son domicile de Hambühren, accompagné du guitariste Günter Schickert, qui n’était autre alors que son roadie. Si le nom du bonhomme n’évoquera rien, même à certains amateurs éclairés du genre, l’artiste est pourtant, avec Achim Reichel (celui de la vague Krautrock) et Manuel Göttsching (du célèbre et incontournable Ash Ra Tempel), l’un des pionniers de la « Echo Guitar », un effet permettant de superposer des boucles hypnotiques de six cordes à la manière d’un séquenceur. Schickert publiera d’ailleurs en 1974 « Samtvogel », un unique et excellent album resté malheureusement dans l’ombre à l’époque, mais tout récemment réhabilité par le biais d’une réédition en CD fort bienvenue.
« The Schulze-Schickert Session » est une formidable suite fleuve 45 minutes qui nous replonge dans une ère de liberté créative bénie et révolue, celle des « Blackdance », « Timewind » et « Moondawn ». Stylistiquement parlant, l’œuvre s’inscrit en effet dans cette droite lignée, se hissant qui plus est au même niveau qualitatif que les chefs d’œuvres précités ! L’album aurait clairement pu devenir lui aussi un classique absolu s’il avait été commercialisé au moment de sa réalisation. Toute la vieille panoplie de synthétiseurs analogiques de Schulze est ici bien présente, et le compositeur est alors (presque) au sommet de art, aussi bien dans la singulière puissance évocatrice de son propos musical que dans la maitrise simultanée de ses innombrables machines.
En découvrant « The Schulze-Schickert Session », il est impossible de ne pas penser à « Timewind » (enregistré lui aussi en seulement quelques heures dans un salon !), tant le premier reprend des ingrédients sonores des deux longues pièces du second, à commencer par le foisonnement électronique (on reconnaitra le fameux EMS Synthi A de Klaus) et les ondulations séquentielles du génial « Bayreuth Return ». Mais ce qui fait la force et l’originalité de ce volumineux morceau, aussi cohérent que contrasté dans ses atmosphères, c’est bel et bien la guitare, omniprésente sous diverses formes et déclinaisons sonores (presque « acoustique » à certains moments), de Günter Schickert. Souvent utilisée comme un séquenceur à part entière, l’instrument résonne de manière vraiment unique, tant l’artiste possède sa propre patte, son jeu parfois étrange s’harmonisant à merveille avec les motifs rythmiques de Klaus Schulze et ses parties improvisées aux claviers, orgue Farfisa en tête.
Le seul point « négatif » serait peut-être les quelques vocaux trafiqués de Schickert qui font leur apparition vers la fin du voyage, pas forcément très heureux, mais suffisamment discrets pour ne pas gâcher le plaisir de l’écoute. Deux titres bonus de belle facture sont proposés dans cette édition, à commencer par le très textural et inquiétant « Spirits of the Dead » (proche du climat sombre et paranoïaque de la BO du « The Thing » de John Carpenter !), et au contraire l’aérien et lumineux « Happy Country Life », étonnant croisement entre du Tangerine Dream et du Fripp & Eno de la même période. Dommage cependant que la qualité du son ne soit pas à la hauteur, plus proche ici du fameux bootleg (paru sous le nom de « Home Session ») qui aura permis à quelques initiés de découvrir « The Schulze-Schickert Session » avant tout le monde.
Un grand merci à Klaus Schulze et la maison de disques russe Mirumir qui aujourd’hui le hissent au rang d’album officiel, superbement dépoussiéré, et disponible en support vinyle et CD. Avis aux amateurs du style Berlin School, cet album est un maître achat, totalement indispensable à toute collection qui se respecte !
Philippe Vallin (10/10)
Parfaite chro de cet album qui tombe des nues… Inattendu et emblematique. Merci Phil de ces bons mots choisis qui donnent même aux plus férus l’envie de s’en remettre un petit coup entre les oreilles ! Une micro erreur le studio de Klaus n’est pas à Hambourg mais à Hambürhen (prés de Hannovre). Et dans les remerciements, merci à K.S qui a accepté que cette bande nous soit enfin « officiellement » révélee, de plus dans ce superbe écrin signé… Günther Schickert . Olivier pour le CC.
Merci Olivier pour ce retour vraiment sympa et la petite correction que j’intègre immédiatement 😉 A bientôt !