Jack O’ The Clock – Portraits

Portraits
Jack O’ The Clock
Auto produit
2025
Pascal Bouquillard

Jack O’ The Clock – Portraits

Jack O' The Clock Portraits

J’aimerais avoir le talent et la notoriété d’un Victor Hugo afin d’écrire un article dont le titre ferait encore vibrer les cœurs 127 ans plus tard, mais je ne désire pas accuser, je voudrais juste convaincre.
Jack O’ The Clock, c’est la perfection. Celle de la technique, un son cristallin, un mixage irréprochable digne du meilleur de Steve Wilson quand il revisite les grands groupes de son enfance, une orchestration originale et spirituelle et des musiciens qui n’ont pas besoin d’en faire des tonnes pour prouver qu’ils sont bons. Aaaaaaah je t’entends déjà, Jean-Pierre Liégeois, mon bon vieux lecteur du Var, la voix chevrotante, l’ouïe à l’agonie et la vue basse : La perfection n’existe pas et si elle existe, elle nous emmerde. Pas celle-là, Jean-Pierre, pas celle-là ! Cette perfection-là, est comme la matrice des frères Wachowskis, elle contient sa propre faille. Le Neo de Jack O’ The Clock s’appelle Damon. Il écrit des textes hallucinants, spirituels et malicieux. Il compose et juxtapose des sons qui parfois épousent le texte et parfois divorcent du texte ; il est rythmique sans être prisonnier du pattern, mais jamais il n’est grandiloquent parce que, dans le fond, il doute et c’est ce doute qui rend Jack O’ The Clock si puissant ! Bon, je reprends ma respiration parce que je crois m’être un peu emporté, mais y’a de quoi, Jean-Pierre, y’a de quoi !

Jack O' The Clock Portraits band1

Portraits est encore un album de transition. Damon Waitkus a quitté la région californienne entre 2018 et 2019. Il nous a offert Witness en 2019, un recueil de versions de concert de ses œuvres passées. Puis Leaving California en 2021 et The Warm, Dark Circus en 2023 étaient encore des albums de morceaux non exploités, datant de la période précédente. Même si le caractère général de la musique de Jack O’ The Clock n’a pas radicalement changé, les morceaux présentés ici sont plus accessibles et je ne pense pas qu’il s’agisse d’une coïncidence. Le dossier de presse nous indique, en forme de justification, que les morceaux de Portraits datent de 2003 et ont été originellement enregistrés par Damon et Emily Packard d’une part, toujours membres de Jack O’ The Clock et Brad Mehlenbacher et Roger Vaughan d’autre part, partis vers de nouvelles aventures. Les paroles ont été cependant complètement réécrites et des arrangements nouveaux (comme le beaujolais) ont été enregistrés par les nouveaux membres (comme le …), Kate McLoughlin et Victor Reynolds. La transition n’est donc toujours pas totalement achevée. Kate est membre de Jack O’ The Clock depuis 2011, en revanche, Victor est une nouvelle recrue et peut être celui qui permettra à Damon de parachever cette transition. Bassiste, pianiste, ses quelques improvisations à la guitare se démarquent du style plus écrit de Damon et participent de l’approche généralement plus traditionnelle de Portraits. Il n’en reste pas moins que Jack O’ The Clock nous offre encore une fois un album bien enraciné dans la tradition progressive, et, même si les morceaux sont plus accessibles et plus carrés que les albums précédents, ils sont aussi ( également ) intellectuellement satisfaisants que charnellement jouissifs. Il me faut cependant avouer qu’il supporte difficilement la comparaison avec Repetitions Of The Old City I et II, deux monuments du genre dont l’intelligence de certaines notes de « Island Time » va jusqu’à m’arracher une larme de plaisir et dont la complexité de certains passages de « .22 Or Denny Takes One For The Team » ou « Miracle Car Wash, 1978 » fait s’étirer régulièrement et involontairement mes zygomatiques. Pas d’émotions extrêmes avec Portraits, mais juste un grand plaisir de pouvoir apprécier la musique d’un groupe exceptionnel sans avoir à prendre des cours du soir pour la comprendre ou attendre plusieurs années d’écoute répétée pour pouvoir véritablement l’appréhender et l’apprécier.

Toi qui as lu mes précédentes chroniques, tu sais que j’ai un petit faible pour « l’horloge de Jacques » et que je regrettais qu’il ne fût pas plus reconnu, mais je consentais, avec beaucoup de tristesse, à reconnaître que la complexité de ses circonvolutions rythmiques, harmoniques et littéraire n’étaient pas pour toutes les oreilles ; eh bien voilà qui n’est plus le cas, Portraits est pour toutes les oreilles ! TOUTES. Si tu aimes les textes et que tu n’es pas en bons termes avec la langue de Shakespeare, fais-les traduire par CHATGPT, ça vaut le détour. Si tu trouves que la musique est une parfaite partenaire aux activités ménagères, Portraits est parfait pour toi et saura accompagner agréablement ta vaisselle et ton repassage. Si tu préfères t’asseoir et écouter, Portraits te surprendra par sa douce complexité, son caractère décalé et ses orchestrations improbables « à la Jack O’ The Clock ». Tu aimes la folk music ? Portraits est pour toi. Tu aimes le prog ? Portraits, je te dis. Portraits est le plus Jack O’ The Clock de tous les Jack O’ The Clock et pourtant, il est de loin le plus abordable. Un genre musical nouveau : accessible smart prog. C’est un recueil d’instants musicaux qui ravissent, surprennent et font sourire.
Allez, je sens que tu veux des exemples croustillants à présent, C’est parti ! « Josephine’s Fresh Cuts » est une ballade folkeuse aux contrepoints scintillants, marque de fabrique des compositions de Damon. « I’m OK You’re A Shithead » est plus groovy et le refrain risque de ne pas te quitter de sitôt. « N.4 Mountain » est un duo instrumental dont certaines notes de violon frisent délicieusement la polytonalité. C’est Victor qui chante « Another Sunny Day », une ballade aux couleurs irlandaises mises en valeur par l’incontestable talent d’Emily qui brille tout au long de cet album. Tout comme Yes avec Jon Anderson, il est difficile pour quiconque de remplacer Damon au chant, il a un timbre si particulier qu’un morceau de Jack O’ The Clock sans lui se transforme en autre chose. Les choses sont différentes quand il s’agit de Kate Loughlin ou précédemment Thea Kelley, car leurs timbres sont si proches de celui de Damon que bien fine est l’oreille de celui qui perçoit la différence à la première écoute. C’est donc la mission que je te propose de relever dans « In The Gold Cold Saloon », une ballade en forme de clin d’œil coquin, au violon espiègle «  à la Gentle Giant » et aux chœurs irrésistiblement désuets. « Year Of The Gypsy Moths » est l’un de mes morceaux favoris tant pas son imaginaire lyrique et sa magnifique mélodie torturée que par ses contrepoints ou son solo de flute à la limite de la tonalité de par l’utilisation d’un tempérament de 22 divisions égales de l’octave d’un des instruments de soutien (soutien George, évidemment). Le travail de Damon avec Ventifacts et Ben Spees, le guitariste micro tonal, continue de porter ses fruits. « My Life Is Not Wasted » dure 1’40 et passe comme une lettre à la poste. « Lazy Tom Bog » est un autre instrumental dont les méandres contrapuntiques du basson de Kate me ravissent (on l’entend même respirer ! Quelle bonne idée, Damon, d’avoir gardé ce détail humain !). La liste des musiciens nous indique une contrebasse pour ce morceau, personnellement, je ne parviens pas à entendre le timbre pourtant si caractéristique de cet instrument, mais je me fais vieux, alors je te laisse juge.
L’introduction de « The Gardener » me fait immédiatement penser à l’introduction de « Narnia » dans Please Don’t Touch de Steve Hackett, puis vire très vite vers des harmonies vocales à la Crosby Still Nash. Décidément 1’50, ce n’est pas assez long ! Le titre de « Nature Abhors Vacuum » est basé sur un jeu de mots autour de l’expression « La nature a horreur du vide ». Damon nous offre à cette occasion un concerto pour aspirateur parce que vacuum en anglais veut aussi dire aspirateur. Il fallait y penser, il y a pensé ! « Puer » 1 et 2 sont aussi frénétiques que courts. Ils nous laissent essoufflés et hagards. « Twomile Island » est un instrumental en ternaire où le violon se fait encore la part belle et où le contrepoint de basson nous rappelle à quel point il est regrettable que cet instrument, à la tessiture si large et si caractéristique, soit si peu exploité dans ce genre musical. « Isolation Booth » est un des morceaux les plus développés de l’album, même si l’ensemble est toujours très accessible et a une forme cyclique plus formatée. « Stone Cold Steve Cactus In Mojave » est un instrumental aussi atmosphérique que succinct. « Windigo Knocking » est un duo Damon — Victor où ils semblent faire un concours de celui qui jouera du plus d’instruments. Dans « It’s Hard To Find Booze On Sunday », Victor reprend le chant, mais les chœurs de Damon rendent la transition, entre Victor et lui, plus facile. L’atmosphère généralement nostalgique du morceau le rend parfaitement irrésistible de toute façon. J’essuie une petite larme en pensant à Thea Kelley et Jason Hoopes et Jordan Glenn qui sont restés en Californie et ne font plus partie de l’aventure Jack O’ The Clock. Vous continuez de tourner sur mon lecteur CD et dans ma tête.

Jack O The Clock Band2

Je crois que Jean-Pierre s’est endormi alors je vais doucement refermer la porte sur ce petit joyau de la musique populaire en vous laissant méditer sur cette citation de « The Gardener » :
« J’aimerais porter un fruit comme le concombre. J’aimerais prendre racine, croître prodigieusement depuis le jardin, mais ne jamais quitter le sol, de tendres vrilles, une vieille vigne robuste. Si je dois mourir à l’automne, laisse-moi être fertile dans la décomposition, mais vivre à nouveau de manière pérenne à travers les fruits que j’avais cachés jusqu’à ce qu’ils se transforment en or sous le soleil. » Si tu trouves mes éloges un peu exagérés, je t’invite, mon cher Jean-Pierre, quand tu te réveilleras, à chercher des défauts à cet album. Car si tu les cherches avec honnêteté, il te faudra l’écouter beaucoup et attentivement. Je te parie que tu finiras par les aimer ces défauts. Jack O’ The Clock c’est de la musique Humaine, avec un grand H….Comme dans Pruneau !

Coup-de-Coeur
https://jackotheclock.com/
https://www.facebook.com/JackOTheClock/
https://jackotheclock.bandcamp.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.