Bruit ≤ – The Machine Is Burning And Now Everyone Knows It Could Happen Again

The Machine Is Burning And Now Everyone Knows It Could Happen Again
Bruit
Elusive Sounds
2021
Pascal Bouquillard

Bruit ≤ – The Machine Is Burning And Now Everyone Knows It Could Happen Again

Bruit - TMIBANEKICHA

Mon cher Jean Michou (NDLR : notre chroniqueur Jean-Michel Calvez), il faut que je te raconte la nouvelle rouste que je viens de me prendre en découvrant la dernière œuvre de nos Toulousains de Toulouse. Je te le dis sans détour, à force de tomber sur le cul, je finis par avoir des cales et c’est à peine si je sens quand je m’assois. (Et toi Rudzik, je te pris de bien vouloir cesser d’avoir les idées si mal placées. Si, si, si, ne fais pas l’innocent et va au piquet !)
Bruit, donc, est un ensemble de Toulouse. Je n’ose plus les appeler «  un groupe » tant leur musique est riche, mature, puissante voire dévastatrice. BRUIT ≤ transcende le bruit pour en faire de la musique et transcende la musique pour en faire une histoire. Une histoire qu’ils parviennent à rendre parfaitement explicite, sans avoir recours à un chanteur. Tu y crois toi ? Quand je te dis, mon cher Jean Michou, que cet album n’est rien moins qu’un chef-d’œuvre, tu vas voir et entendre que je n’exagère pas une seconde, la rouste est sévère, magistrale et définitive.

Bruit - TMIBANEKICHA Band 1
En 2016, BRUIT ≤ jette en pâture aux médias deux vidéos faites maison : Trois jeunes Toulousains en quête de décibels font du bruit dans leur cave. Un bruit pas si vide et pas si blanc, déjà, à l’époque. Un bruit puissant  qui secoue les tripes de ton serviteur et confident. En 2018, ils sortent un LP incroyable, Monolith, et puis il y a quelques semaines, The Machine Is Burning And Now Everyone Knows It Could Happen Again. Les artistes ont mûri et confirment de manière grandiose leur talent et la puissance du message artistique.
Qui sont ces artistes ? Te demandes-tu mon cher mélomane. Je suis bien content que tu t’y intéresses, ils le méritent.  Clément Libes était à la guitare en 2016, il est a présent à la basse et joue toujours du violon. Théophile Antolinos est à la guitare : le bruit, c’est lui ! Julien Aoufi à la batterie est rentré dans les pantoufles de Damien Gouzou qui a quitté l’aventure qu’il avait aidé à initier en 2016. Enfin, Luc Blanchot, au violoncelle de BRUIT ≤ depuis 2018, complète le trio pour en faire un quatuor. Mais BRUIT ≤ est bien plus que ses membres, tout comme une idée révolutionnaire est bien plus que les mots qui ont permis de la concevoir. Les sons qui  accompagnent et soutiennent le propos de Bruit ≤ sont industriels, électroniques, synthétiques et se conjuguent aux sonorités acoustiques des instruments traditionnels tels que la clarinette de Florianne Tardy, le cor de Benoit Huet, le trombone de Fabien Dormic et le vibraphone de Juliette Carlier, pour intensifier l’émotion et transporter l’auditeur dans une dimension sonore littéralement inouïe. L’album se compose de quatre pièces : « Industry », « Renaissance », « Amazing Old Tree » et « The Machine Is Burning ». Les quatre pièces participent du même effort et de la même forme linéaire sur une base de crescendi inexorables, sans jamais être redondantes et racontent une histoire qui résonne, terrifiante, au plus profond de toi : La machine brûle et tout le monde sait que cela arrivera à nouveau. Dans « Industry », la machine c’est la société, et l’incontournable Albert Jacquart nous rappelle que la compétition est une hérésie qui traîne l’humain et sa progéniture dans le malheur et à sa perte. La métrique 4/4 « naturelle » de la pièce est  constamment bousculée par une paterne, à la batterie de Julien, hors des temps et hors du temps qui ne cesse de perdre la mesure pour toujours la retrouver. « Renaissance » débute comme la  promesse d’un bol d’air pur, c’est une pièce plus acoustique qui se voudrait renaissante mais qui nourrit en son sein le monstre de la machine, personnalisé par Théo et sa guitare (fallait bien que quelqu’un s’y colle après tout !) Elle guette, menace et sans cesse revient comme un infernal leitmotiv wagnérien. Elle ne te lâchera pas, la machine brûle et tu brûleras avec elle, ne te laisse pas abuser par le chant des oiseaux et les arpèges de guitare enjôleurs ! «  Amazing Old Tree » parle de la déforestation, notamment aux USA où plus de 95% de la forêt a été coupée, entre autre pour construire ou laisser la place à des habitations en papier mâché, celles qui se sont envolées au gré des treize ouragans qui ont été recensé pour la seule année 2020 sur le pays. Je ne vais pas décrire la dernière pièce, tu auras sans doute compris à son titre la nature de son message et je ne parviendrai pas à traduire la beauté désespérée de cet appel au secours.

Bruit - TMIBANEKICHA Band 2
Musicalement, BRUIT ≤ plie l’harmonie au gré de la nécessité de sa narration et domestique ton oreille en lui faisant miroiter les souvenirs des plaisirs tonaux faciles qui lui sont si chers, sans véritablement se soucier du carcan traditionnel inhérent aux strictes règles de l’harmonie classique. Après tout, c’est du bruit, non ? Un bruit déchirant, le cri déchirant d’artistes au talent immense qui va résonner encore et encore au plus profond de celui qui s’y risquera. A ce propos, sache que les 39 minutes de l’écoute de l’album passent aussi vite que 43 minutes de The Dark Side Of The Moon : pas le temps de reprendre ton souffle que déjà il est temps de se replonger dans ce recueil de chefs-d’œuvre. Je n’avais pas vécu de minutes aussi rapides depuis 1973. Je te l’ai dit mon cher Jean Michou, je ne peux plus m’asseoir. (Rudzik, tu retournes au piquet s’il te plaît ?!).
Ah, une dernière chose, regarde leur vidéo de promo. La version de « The Machine Is Burning » est différente, peut être encore meilleure que celle de l’album tant la fusion des instruments acoustiques classiques et la fureur des instruments électriques est brillante. La vidéo est filmée dans une église, ce qui participe de l’atmosphère dramatique de la pièce. Elle débute par de l’orgue, sous les doigts magiques de Wanying Lin. Les doigts et les pieds, puisque l’orgue se joue aussi avec les pieds. Pieds qui sont maniés d’ailleurs, tu le remarqueras sûrement, par de bien jolies jambes ; ma conscience me sommait de le préciser. Eh oui, très bien Jean Michou, je rejoins Rudzik au piquet.

https://www.facebook.com/bruitofficial/ 

https://www.instagram.com/bruit_official/ 

https://bruitofficial.bandcamp.com/ 

 

Interview de Pascal Bouquillard avec Clément Libes, Théophile Antolinos, Julien Aoufi et Luc Blanchot.

PB : Alors, c’est quoi tout ce Bruit ?

Sourire poli de Clément : Nous sommes un quatuor Toulousain, certains disent que nous faisons du néoclassique, du postrock, de l’artrock, du doomgaze… Nous avons entendu différentes choses pour décrire notre musique depuis la sortie de notre premier EP Monolith, fin 2018. Donc on ne sait pas vraiment quel terme est le plus approprié mais notre musique est un mélange de nos différentes influences et de nos différentes façons d’aborder la musique.

PB : Et qui sont les meneurs ? je veux des noms

Théo : BRUIT ≤, c’est deux musiciens de formation classique et deux autodidactes donc on partage nos méthodes de travail, notre passion pour le live et nos différentes visions du monde. En fait, ce groupe est en quelque sorte une version complète de chacun d’entre nous. Dans un tout il n’y a pas de meneur, il n’y a que des morceaux !

Bruit - TMIBANEKICHA Band 3

PB : Et pour ceux qui on raté le debut, qui se lance dans un petit résumé des épisodes précedents ?

Théo : Au départ, nous avons dû commencer à répéter vers 2016 avec des membres différents du groupe actuel. L’idée était simplement d’expérimenter des trucs ambiants et bruitistes dans un studio loué à l’année avec nos anciens projets et d’autres groupes de la scène locale. On voulait juste créer de la musique à côté de nos groupes principaux, une sorte de projet parallèle sans contraintes qui n’était pas censé sortir du studio de répétition. Ensuite, nous avons voulu faire quelques tests live à Toulouse, le line-up actuel date seulement de 2019, lors de notre tournée Monolith. La signature chez Elusive Sound en 2018 et la sortie de ce premier EP nous ont poussés à devenir un groupe à part entière.

PB : Et vous aimez quoi, à part faire du Bruit ?

Julien : Nous avons en commun certains albums qui vont probablement nous suivre pendant de nombreuses années, de Godspeed You! Black Emperor à Debussy, Steve Reich, Jakob, Nils Frahm ou A Winged Victory For The Sullen, My Bloody Valentine, Neil Young ou l’album sous-estimé Tunnel Blanket du groupe This Will Destroy You.

Luc : Plus largement, nous nous inspirons beaucoup de notre époque, comme tu peux l’entendre dans le choix des samples de voix que nous utilisons. L’album qui s’annonce est plus dans le constat que dans le jugement mais même s’il a une touche d’optimisme (sourire de l’entreteneur qui cherche encore la touche mais est content de savoir qu’elle est là) , il est influencé par l’état du monde sous toutes ses formes, qu’elles soient sociales, écologiques ou politiques.

Théo surenchérit : ll est clair que la situation se dégrade. Chez nous, par exemple, 800 personnes sont encore incarcérées aujourd’hui pour avoir voulu obtenir plus de démocratie lors des révoltes de 2018. Notre pays devient fou et cet album est juste une tentative d’imaginer ce que sera le monde demain.

Bruit - TMIBANEKICHA Band 4

PB : Le sujet de ma précédente chronique était un groupe dont l’un des chanteurs a été finaliste à « the Voice ». Quelque chose me dit que ce n’est pas votre truc…

Sourire poli de Clément ( il est poli ce Clément décidement) : On fait de la musique instrumentale. Sans le chant au premier plan, tout devient une question de sons, de textures et d’intensité. Nous essayons de faire en sorte que l’impact émotionnel de nos chansons soit fort en live. Si je pouvais voir un concert de BRUIT ≤, je pense que j’aimerais être debout à certains moments pour headbanger, et à d’autres moments assis sur le siège d’une salle de musique classique, en train de me faire masser par les infra-basses. En revanche non, je ne nous vois pas à « The Voice ».

PB : Entre les vidéos de 2016 et aujourd’hui, il y a un sacré parcours !

Théo : On n’imaginait pas avoir l’opportunité de sortir un EP et un album au format vinyle lorsqu’on a commencé à jouer ensemble !

Julien : Maintenant tout ce qui nous intéresse c’est de tourner dès que la pandémie nous laissera tranquilles…

Luc : …Et puis de se mettre à écrire à nouveau.

Clément : Pour conclure je dirais: merci de nous écouter, merci de nous lire ! On espère vous voir sur la route dès que ça redeviendra possible,

Théo : …et surtout boycottez les plateformes de streaming.

 

 

 

 

 

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