Bruce Soord – Luminescence
Kscope
2023
Fred Natuzzi
Bruce Soord – Luminescence
Avant l’arrivée de la Covid, The Pineapple Thief produisait un album tous les deux ans. Puis, Bruce Soord, son leader, a sorti quelques enregistrements confinés, avant de dévoiler aujourd’hui son troisième album solo, Luminescence. Bruce, aussi sympathique qu’il est (j’ai pu le constater lors de son concert au Café de la Danse le 30 septembre dernier), ne respire jamais la joie sur disque. Il promène sa mélancolie et sa vision (sombre) du monde via une musique souvent atmosphérique et sa voix parfois plaintive. Pour ce nouvel opus conçu et enregistré en deux ans, il réussit, comme sur les précédents d’ailleurs, à nous embarquer dans son univers, à coup de mélodies accrocheuses, de guitares acoustiques magnifiques et de sonorités electro. Il faut dire que Bruce Soord est non seulement un très bon musicien qui a sa propre patte, mais il est devenu une pointure qui fascine depuis près de vingt-cinq ans. On le compare souvent à Steven Wilson, tant il est vrai que son groupe est proche d’un certain son typique du leader de Porcupine Tree. De plus, il s’essaie maintenant à remixer quelques albums, notamment le très bon RökFlöte, de Jethro Tull sorti récemment. Mais au vu des derniers efforts de Wilson, les points communs ne vont pas plus loin. Luminescence est donc une réussite, intimiste et essentielle, qui parle de la difficulté de vivre dans les grandes métropoles et de trouver sa paix intérieure. Une thématique récurrente chez lui.
L’opus s’ouvre avec « Dear Life » et sa guitare acoustique qui joue avec les silences. Puis le morceau évolue avec des cordes et la voix si caractéristique de Bruce Soord. Une mélancolie prégnante, touchante qui porte la chanson vers, déjà, les sommets. « Lie Flat » trouve des sonorités électro pour accompagner les quelques notes de guitare dans ce morceau atmosphérique très réussi. « Olomouc » (est-ce en référence à cette ville tchèque ?) et ses cordes qui nourrissent admirablement ce titre est une petite merveille. Typiquement Soordien (si je puis dire !), le morceau est une mise à nu des sentiments. « So Simple » est si simple comme son titre l’indique. Une ballade mélancolique qui suspend le temps, ne serait-ce que pour deux minutes. « Never Ending Light » aurait parfaitement convenu à The Pineapple Thief mais n’aurait sans doute pas eu cette teneur intimiste. Encore un magnifique travail sur les arrangements de cette chanson aérienne et plus orchestrée que les autres. « Day Of All Days », comme « Dear Life », s’ouvre sur un jeu avec les silences avant un développement acoustique de nouveau enjolivé par des cordes toujours porteuses d’émotions. On peut penser à Blackfield mais avec beaucoup plus de simplicité dans l’utilisation de ces cordes.
« Nestle In » voit une batterie embarquer ce morceau vers une dynamique nouvelle, toujours accompagné par une texture electro mâtinée de cordes. Pas d’affolement quand même, ce n’est pas ici que vous taperez du pied en cadence ! Superbe jeu de guitare sur le contemplatif « Instant Flash Of Light » avec un texte qui fige un instant précis, Bruce ayant l’art de manier les mots avec minimalisme et toujours avec acuité et pertinence. Surprenant, un instrumental, « Rushing », met en avant les bruits du monde réel, guitare et electro à l’appui, puis se fond dans « Stranded Here ». Cinématographique, cette chanson aérienne est encore un autre petit bijou qui atteint une nouvelle dimension grâce aux cordes. Bien joué Bruce, c’est magique. Et quelle bonne idée de se fondre encore dans le morceau suivant, « Read To Me ». Cohérence et unité caractérise Luminescence aussi grâce à cela. Enfin, « Find Peace », but ultime, vient clore ce recueil de chansons sur une note d’optimisme, ou du moins d’espérance.
Bruce Soord a fait fort avec Luminescence. Son troisième album solo est un bijou intimiste, délicat et sensoriel. Même si les ambiances ne varient pas vraiment, l’opus est tellement travaillé et prenant qu’on se laisse porter tout au long de son écoute, partageant ainsi la vision du monde de Bruce. Et si vous n’étiez pas rassasié, Bruce a tant enregistré de morceaux pendant cette période qu’il a fait un album compagnon à celui-ci, intitulé Our Ship Sails At Dusk, avec lui aussi, douze chansons. A noter que cet autre album n’est disponible que dans sa version deluxe.
jolie voyage….