Porcupine Tree – Closure/Continuation

Closure/Continuation
Porcupine Tree
Music For Nations
2022
Thierry Folcher

Porcupine Tree – Closure/Continuation

Porcupine Tree Closure Continuation

Alors que je suis en pleine écoute du dernier Porcupine Tree, mon regard se porte sur les étagères de ma collection de disques. Je m’attarde forcément sur la rangée dédiée aux travaux du Sieur Wilson et aussitôt le doute m’envahit. Je prends Signify dans les mains et me pose cette question ô combien dérangeante : « Cela fait combien de temps que je ne l’ai pas réécouté ? » Et pareil pour Stupid Dream ou Lightbulb Sun. Porcupine tree ne résisterait-il pas à l’usure du temps ? J’en ai bien peur. Et pourtant, ce qui arrive à mes oreilles en ce moment même est sacrément bien foutu. Je pense avoir compris, on n’écoute pas Porcupine Tree comme n’importe quel autre groupe. Ce n’est pas le genre de musique que l’on ingurgite pour se distraire ou se détendre. Enfin, c’est mon point de vue et il n’engage que moi. C’est un peu comme lire Guerre Et Paix ou Les Misérables, il faut faire preuve d’une démarche intellectuelle qui impose volonté, concentration et isolement. Bon, il faut que j’arrête avec les prises de tête inutiles et profite du haut niveau musical de ce Closure/Continuation, carrément miraculeux. Le coupable n°1 c’est la surabondance de sorties et cette mauvaise habitude de consommer rapidement et goulûment. A l’époque, on prenait son temps et chaque achat était vécu comme un véritable événement. Croyez-moi, on les usait nos vinyles ! Porcupine Tree est donc de retour après treize ans d’absence pendant lesquels Steven Wilson n’a pas chômé, c’est le moins qu’on puisse dire. Que ce soit en solo ou avec Blackfield, No-Man et bien d’autres, toutes ses sorties furent scrupuleusement décortiquées. Certaines de ses œuvres sont devenues de gros succès et largement compensatrices de l’absence de Porcupine Tree. Steven Wilson est souvent sorti des sentiers battus, s’est un peu égaré mais n’a jamais laissé indifférent. Et tout ça, fourgué dans une marmite progressive bien accueillante même si le principal intéressé a toujours refusé de coller des étiquettes sur sa musique.

Le millésime 2022 revient en trio avec bien sûr Gavin Harrison à la batterie et Richard Barbieri aux claviers. Exit le discret Colin Edwin et sa basse ronronnante. Si j’ai choisi cet adjectif, ce n’est pas par hasard car la prise en main de l’instrument par Steven Wilson lui-même ne sera pas du même acabit. Dès les premières notes de « Harridan », c’est une mise au point calculée qu’il nous fait en martyrisant sa quatre cordes de façon étonnante. Faut dire que l’album démarre pied au plancher dans une ambiance où chaud et froid se succèdent dans un déferlement de décibels entrecoupé d’oasis mettant l’auditeur dans un inconfort délicieux. Le trio s’en donne à cœur joie et Gavin Harrison s’impose, une fois de plus, comme le digne héritier du grand Bruford de 1974 lorsque celui-ci mettait le feu au mythique Red de King Crimson. A l’image de « Harridan », l’album va se partager entre pulsions énergiques et atmosphères vaporeuses sur lesquelles Richard Barbieri aura une belle carte à jouer. Dans son ensemble, Closure/Continuation est tendu, voire très tendu et les moments d’apaisement n’en sont que plus marquants. Après quelques écoutes, j’ai bien du mal à faire ressortir tel ou tel morceau. Le disque est compact (sans jeu de mot) et sans véritable étendard. Il faut vivre Porcupine Tree comme une expérience auditive sans équivalent aujourd’hui (Tool peut-être) et dont les bienfaits ne sont jamais immédiats. C’est mon ressenti en tous cas. Après le coup de poing « Harridan » et ses paroles plutôt sinistres, le climat musical se détend mais pas la lourdeur des propos, assez impénétrables. On gardera juste « When you dreamed of the new day » (Quand tu rêvais du jour nouveau), tiré de « Of The New Day » pour se faire une petite idée du sens général de ce second titre, un peu plus respirable. La voix unique de Steven se promène dans une ambiance sereine entrecoupée de légères tensions bien anodines par rapport à ce qui va suivre.

Porcupine Tree Closure Continuation Band 1

« Rats Return » commence par des riffs tranchants que la partie chantée, plutôt calme, ne suffira pas à adoucir. Le climat est lourd et le sera tout au long de ces cinq minutes de métal progressif rentre dedans et à la construction classique d’une redoutable efficacité. Durant ces trois premiers titres, le niveau est resté élevé et certainement conforme aux attentes des fans, à mon sens soulagés de voir les fondamentaux de Porcupine Tree respectés. Pas d’incartades pop ni de dérives électro gênantes. Mais peut on en vouloir à un artiste de changer de cap et de s’essayer à autre chose ? Bien sûr que non. On continue avec « Dignity », première pièce où Richard Barbieri est crédité et pour laquelle il installe aussitôt son univers sonore fait de nappes diaphanes et de voix samplées. Puis Steven prend la direction du chant bien en place dans des couches de clavier magnifiques. La guitare fait à son tour une apparition claire et précise avant qu’un souffle divin n’emporte tout sur la fin. Dommage pour l’arrêt un peu sec car on s’était préparé à faire durer le plaisir et à emmagasiner des ondes de douceur. On aurait bien fait car après avoir changé de vinyle, « Herd Culling » va reprendre le travail de sape du début et les uppercuts en pleine figure. Mais quelque part on aime ça, un peu comme dans les séries à suspense où le spectateur n’est pas ménagé. Tout à fait le style de cet angoissant morceau et de son ambiance paranoïaque. Richard Babieri y plante un décor sournois où les hurlements de Steven (« Liar ») et le son acéré de la guitare finiront par avoir notre peau. C’est de l’écoute physique, croyez-moi ! Et je le répète une fois de plus, peu de groupes peuvent nous offrir un tel degré de tension et d’inconfort.

La fin du disque se profile et plus rien ne nous fait peur. Le court épisode « Walk The Plank » à l’aspect plutôt accueillant se révèlera en définitive grinçant et torturé. Gavin Harrison, en jongleur de la baguette, sera l’homme de la situation en multipliant des acrobaties rythmiques de très grande classe. Je parlais plus haut de l’absence d’étendard sur ce disque mais s’il fallait en choisir un, ce serait peu-être ce « Chimera’s Wreck » qui clôt ma version deux vinyles. Cela débute par de délicats arpèges à la guitare et le chant plein d’écho de Steven. L’ambiance est au recueillement malgré des propos plutôt noirs : « I’m afraid to be happy and i couldn’t care less if was to die » (J’ai peur d’être heureux et je m’en fiche si je devais mourir). Bigre, c’est pas la joie ! Mais la musique s’enflamme et gomme les tourments d’une écriture, décidément pas à la rigolade. Le moteur ronronne et s’envole sur la fin dans un trip à la Iron Maiden assez cocasse. Ce titre est vraiment bien tourné et termine l’album en beauté. A noter que trois morceaux supplémentaires sont à retrouver sur une « Deluxe Edition » en coffret et bien entendu beaucoup plus chère. C’est bien dommage car un titre comme « Love In The Past Tense » amène la légèreté qui a fait défaut pendant ces cinquante minutes de musique, finalement assez pesantes.

Porcupine Tree Closure Continuation Band 2

Pourquoi ma conclusion est-elle difficile ? Certainement parce qu’avec Porcupine Tree (Et avec Steven Wilson en général) rien ne semble simple et définitif. A l’écoute de ses disques, j’ai toujours le sentiment d’avoir affaire à du très lourd, du haut niveau et du respectable. Seulement, je ressens aussi une forme de malaise lié à l’empreinte laissée par ses œuvres. Closer/Continuation comporte des éléments d’une force incroyable capables de tout renverser lors des premières écoutes. Mais qu’en sera-t-il dans quelques mois, ma chronique serait-elle la-même ? Tout ça pour en arriver au constat que cet album ne m’a pas complètement convaincu et que je me suis peut-être fourvoyé par moments. Si ça se trouve Closer/Continuation est un objet froid et sans âme tout autant qu’une bombe atomique qu’il faut prendre le temps de digérer. A mon avis, la vérité se trouve au milieu.

https://porcupinetree.com/

 

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