Mark Kelly’s Marathon

Marathon
Mark Kelly
Ear Music
2020
Christophe Gigon

Mark Kelly’s Marathon

Mark Kelly's Marathon

Attendu comme l’arlésienne, le premier album en solitaire de Mark Kelly, claviériste de Marillion depuis quarante ans, prouvera à ceux qui en doutaient encore que le son unique du quintette d’Aylesbury doit beaucoup au maître des keyboards. Dernier à tenter l’aventure du disque en solo, l’Irlandais d’origine avait de quoi se faire du mouron. En effet, dans la planète Marillion, les échappées des membres se sont (presque) toujours avérées gagnantes. Jugez plutôt : le bassiste Pete Trewavas joue avec les super-groupes Transtlantic et Kino et Steve Hogarth, le chanteur, a estomaqué le public avec son très professionnel h-Band. Quant au maestro Steve Rothery (guitares), après avoir convaincu la section la plus pop de son auditoire avec le délicieux projet The Wishing Tree, il enfoncera le clou avec son premier véritable disque sous son nom, le superbe The Ghosts Of Pripyat, sorti en 2015.

Le musicien chauve a donc profité des périodes de confinement pour s’atteler à ce splendide marathon musical, enregistré dans des conditions parfaites, au célèbre Real Worlds Studio de Peter Gabriel, à Bath. Le morceau d’ouverture, le très progressif « Amelia » donne le ton. En regardant la vidéo en fin de cet article, vous serez convaincus par la qualité d’interprétation des musiciens de premier plan engagés dans ce projet. Quant à la voix du chanteur, le quasi-inconnu Oliver M Smith, il devrait faire pleurer les afficionados du premier chanteur de Genesis (ou du dernier, l’excellent Ray Wilson). Naturellement, les références à Pink Floyd ou à Marillion, sont légion. Le groupe n’a pas du tout la prétention de réinventer la roue ou de devenir un créateur de tendances comme Bowie, Tool ou Radiohead. L’objectif est de proposer un rock progressif calme et planant, exécuté par des toques étoilées, bénéficiant d’un son proprement hallucinant. Ambiance Alan Parsons Project garantie ! Une entrée en matière magique. Les arrangements cristallins et les sons de claviers, réfléchis jusqu’au moindre écho, affichent clairement qui est responsable des meilleurs passages des chefs-d’œuvre Brave (1994) ou Marbles (2004). Mais le timbre de voix du chanteur et les textes très philosophiques de l’excellent parolier (engagé pour l’affaire), Guy Vickers, plongent l’auditeur dans des ambiances finalement assez éloignées des terrains usités par le Marillion de Steve Hogarth. On retrouve même les soli de Moog débridés qui avaient tendance à se faire rares depuis « This Strange Engine » ou « Interior Lulu », au siècle passé !

Mark Kelly's Marathon, Band 1

Après les plus de dix minutes de l’épique titre inaugural, place à une séquence plus mainstream, le passage plus pop, que l’on retrouve également sur chaque production de Marillion. « When I Fell » fait quelque peu retomber le soufflé même si, encore une fois, la maîtrise des arrangements et de la prise de son laisse sans voix. Un autre titre radio friendly, le plus énergique « This Time », ne pourra que démontrer que si ce titre imparable était sorti sous le nom de Sting ou de Peter Gabriel, il tournerait en rotation sur toutes les radios classic rock du monde. Mais Mark Kelly’s Marathon n’est pas un projet vendeur. Imaginez un peu : la première galette d’un jeune sexagénaire a-t-elle une chance de truster les charts ? Dommage. Steve Rothery vient prêter main forte à son compagnon sur le superbe « Puppets » dans lequel, dès les premières secondes, le mélomane averti reconnaîtra les deux marques de fabrique du guitariste : arpèges cristallins pour planter le décor et larmes distordues qui touchent au cœur. L’aventure se termine par le long « Twenty Fifty One », la plage la plus clairement marillionesque de l’épopée. Il suffirait de remplacer les pistes de voix enregistrées par d’autres, apportées par Steve Hogarth, et le vingtième opus de la machine à rêver aurait déjà son premier teaser mis en boîte.

Mark Kelly's Marathon, Band 2

Encore une fois, si Mark Kelly’s Marathon ne va jamais être cité comme pierre angulaire du genre (il ne s’agit pas de Close To The Edge, de Foxtrot ni de Dark Side Of The Moon), néanmoins, dans le style, il semble difficile en 2021 de faire mieux. Chaque seconde de cet enregistrement est parfaite. Il s’agit donc d’une réussite totale… qui risque bien de n’avoir aucun impact, tant commercial que critique. Cela peut se comprendre. Quel est le but de proposer au public une création sans ambition artistique autre que celle de procurer un plaisir incommensurable à l’auditeur casqué qui se repassera cette bande sonore en boucle jusqu’à ce que l’orgasme musical atteigne sa période réfractaire, après des millénaires ? Un chef-d’œuvre.

https://marathonsounds.com/

 

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