Agnès Obel – Myopia

Myopia
Agnès Obel
Deutsche Grammophon
2020
Fred Natuzzi

Agnès Obel – Myopia

Agnes Obel Myopia

En débarquant avec l’album Philharmonics en 2010, la danoise Agnès Obel a immédiatement charmé le public avec ses pièces tenant autant du classique que de la folk ou de la bande originale de film. Dix ans plus tard sort son quatrième opus Myopia et c’est toujours le même charme qui opère. Mais peut-être encore plus ici. Agnès Obel s’est de nouveau isolée pour écrire et enregistrer cet album qui réunit tout son savoir-faire. Le résultat, comme pour les superbes Aventine et Citizen Of Glass, est une entrée dans les pensées d’Agnès Obel où elle se livre pleinement. On navigue de morceaux en morceaux comme dans un voyage au cœur d’un univers à la fois austère et familier, qui captive et fascine en à peine quelques notes. Chaque titre se démarque par sa singularité et envoûte non seulement par la voix et sa diction très particulière mais également par ses mélodies glacées ou cinématographiques. Et c’est un régal.

« Camera’s Rolling » porte très bien son nom car dès ce premier morceau, le film commence et s’ouvre comme un générique. On imagine très bien une voiture roulant sur fond de montagnes enneigées, la caméra poursuivant cette voiture le long de la route. Mais ça c’est juste mes impressions, à chacun de se faire les siennes. Avec une économie de mots, Agnès Obel installe le mystère en appui d’une musique à multiples couches, riches et passionnantes. « Broken Sleep » montre bien le travail sur les voix opéré par Obel sur cet album. Elle a joué avec les tonalités et les chœurs pour étendre son champ d’évocation, toujours superbement aidés par des cordes sensibles et un piano majestueux. Une petite symphonie du rêve en nuances et subtilités. « Island Of Doom » est une chanson très personnelle dans laquelle se pose la question de l’après. Un moment particulier entre ombre et lumière où la voix d’Obel navigue entre graves et aigus. Singulier et prenant. A ce titre, on retrouverait presque les sensations que l’on pourrait avoir en écoutant le dernier Bon Iver par exemple, sauf que les transformations vocales sont beaucoup plus fluides et harmoniques et servent bien le propos. « Roscian » est un pièce au piano, comme Obel a pu le faire précédemment, et c’est à chaque fois réussi. Un jeu délicat, évocateur, serré autour de son thème principal.

Agnes Obel Myopia Band 1

« Myopia » rappelle le fantôme d’une Kate Bush dans une musique complexe mêlant chœurs aériens, cordes, piano et percussions formant un tout admirablement harmonique. Chacun à sa propre myopie, voit en fait à travers son propre prisme, sa propre interprétation. Peut-on avoir confiance en la myopie des autres ? Telle est la question qui se noue dans tout l’album. Une autre pièce intrumentale entoure «Myopia », c’est « Drosera ». Plus sombre, le morceau réinstalle le mystère. Retour aux expérimentations sur la voix avec « Can’t Be » et une supplique de ne pas être retenue, un appel au changement. « Parliament Of Owls » (quel beau titre !) est un instrumental sublime qui semble nous ramener un peu vers la lumière. Sauf que « Promise Keeper » n’est pas vraiment la sortie lumineuse escomptée. Au contraire, on retrouve un thème proche d’ « Island Of Doom » et seules les échappées vocales proches d’une Tori Amos nous sortent de l’eau. Le rythme de piano qui soutend le morceau est implacable, marque le temps de manière définitive. Enfin, « Won’t You Call Me » clôt l’album et met carrément les poils avec ces chœurs proches d’un « Edward Aux Mains D’Argent » de Danny Elfman. Une beauté froide où l’on se perd, une conclusion qui n’ouvre aucune porte.

Agnes Obel Myopia Band 2

Agnès Obel a réalisé là un opus exceptionnel. Elle réussit à faire correspondre la signification de ses textes avec les atmosphères de sa musique d’une manière subtile tout en expérimentant avec les sons et les voix. Elle partage son univers avec qui voudra bien s’y plonger, en sachant que la beauté rime souvent avec l’errance, l’inconnu et le questionnement. Il n’y a pas d’échappatoire. Myopia vous invite à vous immerger dans le regard d’Agnès Obel, sans lunettes correctives.

https://www.agnesobel.com/

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