U2 – Boy
Island Records
1980
Alain Massard
U2 – Boy
U2 est le leader de la new-wave et de la pop made in Ireland mais pas que. U2 c’est un son qui s’étire et va chercher les futurs progueux déboussolés pour leur proposer une alternative viable. U2 c’est aujourd’hui un pilier rock qui lutte contre la monotonie des radios. Bono se voyait plus chanteur de post-punk que de new wave avec sa verve irlandaise contestataire. Steve Lillywhite va les produire, lui qui a déjà travaillé avec XTC, une référence pour moi.
Les thèmes lyriques parlent de jeunes, de la vie, de la foi, de l’amour, de la mort ; on aura donc un Boy sur la pochette. L’histoire veut qu’à l’époque, la Warner Bros l’avait remplacé par une photo du groupe craignant une presse « qui peut avoir tendance à voir de la pédophilie partout», oui déjà à l’époque. L’album le plus fun, ambitieux avec sa partie de trois titres enchaînée sans pause créant de fait, un morceau unique de plus de onze minutes lui conférant un indéniable parfum progressif. On y va, on se plonge dans cet oldie, un OMNI je vous écris !
« I Will Follow » avec l’intro post rock, le son de David Howell Evans, dit « The Edge », soutenu et entêtant, un titre qui tire plus vite que son ombre, une basse lors du break, bien new-wave pas prog sinon je vais me faire lyncher, mais une montée rock écorché vif. « Twilight » à l’intro stéréo. Oui, c’était les 80’s et c’était au temps où l’on prenait encore le temps d’écouter et même plusieurs fois d’affilée. La basse d’Adam fait le taf et la voix de Bono va mettre l’album sur orbite… OMNI je vous dis avec cette déclinaison latente, en quelques notes. Le rock se cherchait un nouveau son et l’a trouvé avec eux et un solo tonitruant qui me renvoie à ceux aiguisés des The Cure du début, un bon clin d’oeil de fait. « An Cat Dubh » au départ lancinant qui traîne, un xylophone pourquoi pas même s’il est monolithique, tiens en passant, Larry enfonce ses baguettes et frappe aussi de manière métronomique. Quelques grognements de nos ancêtres, une voix à la XTC, ah encore un maître de la new-wave. Ça monte, en un crescendo qui met en transe rapidement. Tiens ça me met la puce à l’oreille surtout avec « Into The Heart » à la suite : le voilà le triptyque dont je vous parlais plus haut, le truc progressiste sur cette galette. La basse permet à la guitare western de provoquer de la latence progressive, là où personne ne l’attendait, sauf moi, sauf toi, parce que tu sais que je recherche les trémulations progressives dans chaque son. Ça repart avec Bono qui plane plutôt qu’il ne chante. C’est mélodique, encore ces sonnettes que l’on entend souvent sur XTC, Adam montre qu’on peut partir avec une simple basse. « Out Of Control » enchaîne, quoi, vous n’aviez pas remarqué que c’était un concept en trois titres, eh ben les défenses progressives sont vraiment fortes chez vous. On se défoule sur ce final, on chante, on danse, on virevolte, on fait le jig, on tente une bourrée irlandaise, on s’emmêle les chaussures. Réminiscence d’un Mission, d’un Alarm, un « tiens, ça y est, j’ai oublié », effet Alzheimer prog, un New Model Army, je révise mes classiques.
« Stories For Boys » le titre à la fois basique et géant, cette guitare de The Edge qui deviendra une institution, du rock comme quant tu mets tes doigts dans une prise. Un titre que tu fredonnes sans t’en rendre compte, ça y est déjà fini que je n’ai pas eu le temps d’en parler… écoutes les again and again, ces « Stories For Boys ». « The Ocean », un interlude lorgnant encore vers le prog, oui certains m’ont même menacé si je disais encore « prog ». Pourtant ce morceau en rajoute une couche en moins de 90 secondes. « A Day Without Me » (oui je le confesse j’ai découvert U2 avec ce titre). Cette intro, ce riff, ce fond qui tremble derrière, cet air unique en soi, l’extase passait par là… Baouh baouh, ah ce moment où tu as l’impression que tout vibre, cette sensation orgasmique et ce break minimaliste profond, oxymorien on est d’accord. La batterie s’y met maintenant, 3 minutes de pure folie musicale, il fallait le faire. « Another Time, Another Place » et son rythme militaire, The Edge impose le son U2, ça gicle de toute part avec un air des Frankie Goes To Hollywood. Les couplets où le son semble s’arrêter et laisser deviner le bruit de bottes. L’air qui monte, oui la new-wave c’était ça : ne pas s’ennuyer. Un solo de The Cure distordu, noir, stressant, aiguisé et le final qui s’emballe. La batterie mitraille de toute part, pas pour rien que ce fut un disque culte underground à sa sortie. « The Electric Co. » arrive mine de rien, ne voyez vous pas pointer un dyptique progressif, mélodique ? Oui vous avez saisi, le son prog peut couler d’un peu partout comme si la new-wave s’était injectée une poche de sang prog, two three, four… Allez Larry, laches les pads. Soit rythmé, nerveux, énergique, fougueux, bouleversifiant. U2 nous emmène vers un final doux mais « Shadows And Tall Trees / [Untitled] » demeure dans la continuité tout comme le premier Genesis, From Genesis To Revelation, avec des titres courts qui, enchaînés auraient pu donner Trespass. Ce titre martial et monolithique est un hymne avant l’heure et un crescendo pour mettre en transe, une dernière fois, son auditeur. Une atmosphère des Japan pour terrasser définitivement le progueux qui s’endort, étrange jusqu’au bout.
U2 un groupe dinosaure new-wave, qui avait flirté à ses débuts avec des expériences progressistes. Si si, c’est ainsi ! Allez donc le réécouter. C’est dans les vieux creusets qu’on fait les meilleures soupes, c’est dans U2 que vous vous êtes plongés et même noyés peut-être.
the Edge est un grand fan de rock progressif, il vénère YES surtout a l’époque, ce qui énervait BONO, il le raconte dans son livre.