Widespread Panic – Snake Oil King + Hailbound Queen

Snake Oil King + Hailbound Queen
Widespread Panic
Widespread Records
2024
Thierry Folcher

Widespread Panic – Snake Oil King + Hailbound Queen
Widespread Panic Snake Oil King - Hailbound Queen 2 Widespread Panic Snake Oil King - Hailbound Queen 1

L’aventure Phish a laissé des traces (voir ma chronique précédente). Lorsqu’on plonge dans un univers aussi typé que celui du quatuor de Burlington, il y a toute une ribambelle de suiveurs, de clones et de fiers rockeurs qui viennent vous chatouiller les oreilles et dire : « Attention, on est là ! ». Et force est de constater qu’en me noyant dans le monde bouillant des jam bands américains, j’ai vraiment découvert une scène regorgeant de talents, jusque-là inconnus ou presque. Et croyez-moi, ça fait peur ! La morale ? C’est qu’en se prétendant passionné de musique rock, la première chose à faire, c’est de rester humble. Autant, je connaissais Phish depuis pas mal d’années, autant les vétérans de Widespread Panic m’étaient complètement obscurs et mystérieux. Et pourtant, malgré ce drôle de patronyme, en relation avec les attaques de panique du guitariste Michael Houser, ils sont particulièrement bien estimés outre-Atlantique. Alors, pas d’inquiétude, pour me rattraper, ce n’est pas un album, mais deux que je vous propose aujourd’hui. En effet, Snake Oil King et Hailbound Queen sont sortis l’année dernière à cinq mois d’intervalle et dans des formats plutôt courts (un peu plus de trente minutes). De ce fait, on se retrouve avec un double album au contenu idéalement conçu pour faire connaissance avec le groupe. Et puis, l’occasion était trop belle de réunir le roi de l’arnaque et la reine grêlée, sur une même chronique découverte. Widespread Panic est né dans les années 80 sous l’impulsion du tandem John Bell/Michael Houser, deux camarades de l’université de Géorgie qui allaient rapidement accrocher Dave Schools et Domingo S. Ortiz à leur formation. Une fois le groupe constitué et bien rodé, il se fera vite remarquer par ses performances live de grande qualité et deviendra même, au fil du temps, le champion des représentations à guichet fermé au fameux Red Rocks Amphitheatre de Denver dans le Colorado. Tout ça pour bien situer l’actuel sextet, parvenu du jour au lendemain, à bouleverser le paysage rock sudiste en général et le mien, en particulier.

Musicalement, Widespread Panic navigue bien dans le monde de ces formations sudistes, plus connues pour leurs concerts à rallonge que pour leurs passages en studio, pourtant dignes d’intérêt. La première chose que j’ai retenue à l’écoute de Snake Oil King et de Hailbound Queen, c’est la qualité mélodique et la diversité des compositions. Ici, on est plus proche des standards de l’Allman Brothers Band et de Tom Petty que des longs schémas hypnotiques de Phish. À cela, j’ajouterais une once de Led Zeppelin, pour l’énergie et pour certaines intonations proches de Robert Plant. Aujourd’hui Widespread Panic se compose des déjà nommés John Bell au chant et à la guitare, Dave Schools à la basse et Domingo S. Ortiz aux percussions, auxquels il faut ajouter John Hermann aux claviers, Jimmy Herring à la guitare solo et enfin Duane Trucks (le jeune frère de l’immense Derek Trucks) à la batterie. Un solide sextet, en place depuis une dizaine d’années et qui perpétue habilement l’héritage laissé par Michael Houser et Todd Nance, aujourd’hui décédés. L’avantage avec un tel groupe, c’est que les années et les modes passant, sa musique est à peu près toujours la même. Donc, pas de révolution de palais ni de remise en question. Que ce soit sur le tout premier Space Wrangler de 1988 ou sur les deux derniers opus de 2024, les sensations ne diffèrent pas beaucoup. Seule la voix de John Bell s’est patinée avec le temps, mais cela est bien normal et il n’est pas le premier à qui ça arrive.

Widespread Panic Snake Oil King - Hailbound Queen Band 1

Tout ça pour dire qu’on peut écouter ces deux nouveaux albums sans avoir une parfaite connaissance du groupe et prendre autant de plaisir que n’importe quel fan de la première heure. Pour le prouver, je vous conseille d’écouter « Little By Little », le premier titre de Snake Oil King. Sur cette chanson, le riff est démoniaque et la façon dont la basse et la batterie s’intercalent entre les guitares relève d’une jonglerie assez spectaculaire. Ensuite, le pont est renversant et le solo de Jimmy Herring, juste parfait. Mon aventure en compagnie de Widespread Panic a débuté avec ce morceau fiévreux et je dois reconnaître que mon accroche fut quasi immédiate. Et dans la foulée, « We Walk Each Other Home » ne fera qu’amplifier cette irrésistible attirance, mais dans un registre country beaucoup plus apaisé. Deux facettes « classiques » de ce rock sudiste qui peut tout autant ouvrir son cœur que montrer les dents. Dans son ensemble, Snake Oil King est relativement cool et les rares pulsations ressenties sur l’ultime « Small Town » n’agresseront que très peu les VU-mètres de votre ampli. Avant cela, les harmonies vocales de « Tackle Box Hero » avaient dévoilé un aspect très chantant du groupe et les éléments acoustiques de « Life As A Tree » ont délivré un moment de country music absolument divin. Mais pour moi, les grands frissons, je les dois à « Cosmic Confidante » et à son balancement envoûtant qui offre à la poésie de John Bell un voyage plus onirique que réel. Une ballade de toute beauté, extrêmement bien chantée et qui vaut à elle seule l’écoute de cet album. Le roi a mis la barre très haut et mon seul désir était que la reine en fasse tout autant.

Hailbound Queen commence absolument comme son grand frère. Le truculent riff de « King Baby » se distingue et entame cette deuxième galette de la même façon que « Little By Little ». À l’honneur sur ce titre, le piano de John Hermann, les vocaux râpeux de John Bell et bien sûr, la guitare de Jimmy Herring, omniprésente et flamboyante. Superbe démarrage qui rassure et porte la musique de Widespread Panic très haut au sommet des plus belles réalisations US de 2024. Ce second album est légèrement plus hargneux, mais sans jamais provoquer de grandes déflagrations. En fait, les deux disques se ressemblent beaucoup, même si ce n’est jamais pareil. Chaque titre est différent et évite le piège de tomber dans la facilité ou l’ennui. À l’image de la légèreté de « Blue Carousel », un bel échantillon country/folk chanté par John Hermann et qui précède les deux grands passages du disque. Tout d’abord « Keep Me In Your Heart », le monument de sensibilité du regretté Warren Zevon, qui trouve ici une adaptation à la fois fidèle et bien mise en place pour le groupe. Les toms de Duane Trucks assurent le tempo, John Bell rappelle Dylan et la guitare de Jimmy Herring fait en sorte d’amener tout le lyrisme et toute la souplesse qu’on lui connaît. Ensuite, ce sont les presque dix minutes de « Trashy » qui vont survoler la face B du vinyle. Cette chanson, écrite par Danny Hutchens du groupe voisin Bloodkin, colle parfaitement au monde des rockers sudistes cher à John Bell et ses complices. De surcroît, l’allusion à Led Zeppelin dans le texte n’est certainement pas faite pour leur déplaire. Cette histoire de marginal tout aussi chanceux que tourmenté trouve ici les meilleurs interprètes qu’il soit pour la sublimer. Le double voyage en compagnie de Widespread Panic s’achève avec « Halloween Face », une ultime surprise capable de séduire avec son allure festive menée de main de maître par un John Hermann très inspiré. Ce mélange de disco/funk (on perçoit même le tempo caractéristique du « Tribute (Right On) » des Pasadenas), de latino et de hard rock dans la dernière partie, sort l’habituel bestiaire d’Halloween pour terminer l’album sur une note dansante et humoristique. Un régal.

Widespread Panic Snake Oil King - Hailbound Queen Band 2

Quelle belle découverte ! Et même si nous sommes passés en 2025 et à d’autres aventures, ce fut un réel bonheur de terminer l’année 2024 avec Widespread Panic. La musique de ce sextet venu d’Athens est vraiment exceptionnelle et je vous encourage vivement à plonger dans son impressionnant catalogue d’enregistrements. Mais si d’aventure vous trouvez la mission un peu trop imposante, concentrez-vous sur Snake Oil King et Hailbound Queen et ce sera déjà très bien. Pour moi, cette rencontre s’est transformée en un véritable coup de cœur qu’il me faut, bien sûr, partager (voilà qui est fait) et ajouter à ma famille des indispensables à suivre et à fouiller dans le détail (voilà qui est à faire).

Coup-de-Coeur

https://widespreadpanic.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.