Scott Matthews – Restless Lullabies

Restless Lullabies
Scott Matthews
Shedio Records
2023
General Eclectic

Scott Matthews – Restless Lullabies
Scott Matthews – Restless Lullabies
Si l’on devait capturer l’essence du dernier album Restless Lullabies de Scott Matthews en une seule image, ce serait celle d’une photographie « high key », où les tons clairs et les blancs dominent, créant une atmosphère éthérée et mystérieuse. Dans son précédent opus, New Skin l’artiste britannique originaire de Wolverhampton (petite ville anglaise chère aux fans de Robert Plant) avait expérimenté de nouveaux sons, s’aventurant résolument dans le domaine de la musique électronique. Mais voilà, on a l’âme acoustique ou on ne l’a pas, et Scott Matthews, après cette incursion dans les eaux froides de l’électronique, semble préférer revenir vers les rives ensoleillées des sonorités acoustiques.
Dans Restless Lullabies, Matthews bouscule les conventions de l’industrie musicale et réinterprète l’intégralité de son précédent album en apportant des nuances inédites. Chaque piste est réarrangée avec une liberté créative affirmée. Le résultat, mixé de main de maître aux légendaires studios Abbey Road par Miles Showell, est une réussite. Selon ce célèbre ingénieur du son, « Cet album figure parmi les meilleurs sur lesquels j’ai travaillé de toute ma carrière ». Rien que ça. La voix chaleureuse de Scott Matthews, combinée à des arrangements acoustiques millimétrés, crée une atmosphère intime qui invite à la contemplation. Guitares acoustiques, pianos discrets et cordes s’entrelacent harmonieusement, offrant une expérience d’écoute envoûtante.

Scott Matthews – Restless Lullabies band1
Mais revenons un peu en arrière : Scott Matthews, (insister sur le s final pour ne pas le confondre avec l’Australien Scott Matthew) classe 1976, sort son premier album en 2006 Passing Stranger (sur Islands Records) qui le révèle au grand public. Le magnifique single « Elusive » lui vaut le prestigieux prix britannique Ivor Novello de la « meilleure chanson sur le plan musical et lyrique » en 2007 . Depuis, l’artiste a confirmé son talent en publiant plusieurs albums. Son style, néo-folk, se caractérise par des mélodies riches et des textes soignés, influencés par des hautes pointures comme Bob Dylan, Nick Drake ou Joni Mitchell. Sa voix éthérée et sa maîtrise de la guitare lui ont valu de nombreuses comparaisons avec Jeff Buckley. Le titre de l’album Restless Lullabies (Berceuses agitées) est en soi un oxymore qui annonce la couleur. Le morceau d’ouverture « New Skin » (titre de l’album précédent), revisité dans une version acoustique dépouillée, nous plonge de suite dans un univers intimiste. La guitare Guild, instrument de prédilection de Scott, vient caresser sa voix, créant une atmosphère douce et planante. Les paroles, empreintes d’une profonde réflexion, abordent le thème de l’acceptation du changement : « Nous nous sommes drapés dans la vie / nous volons haut, nous regardons en bas / je te serre contre moi ». Cette transformation, loin d’être douloureuse, est présentée comme une nécessité pour évoluer et se renouveler. Dans « Wait In The Car », l’arpège pose à nouveau son ambiance mélancolique. Les vocalises en arrière-plan et l’entrée du piano enrichissent l’arrangement tandis que les paroles évoquent un sentiment de résignation quand on est bloqué dans une situation incertaine « Le destin nous emmènera-t-il loin ? Vers un endroit plein d’étoiles ? Ou attendrons-nous dans la voiture ? En nous demandant toujours comment nous n’avons jamais réussi à quitter la ville ? ».

La vidéo de Damien Hyde (à ne pas manquer), inspirée par la photographie de Robert Frank, offre une interprétation visuelle puissante de la chanson. L’acteur Guy Pearce incarne un personnage en quête de sens. La mise en scène en noir et blanc impeccable souligne l’universalité des thèmes abordés dans la chanson : le regret, l’espoir et l’incertitude de l’avenir. La collaboration entre Scott Matthews et Damien Hyde donne naissance à une œuvre artistique touchante. Sérénade intime et aérienne, « My Selfless Moon » est l’un des moments forts de l’album. Mr. Matthews démontre, si ce n’était pas déjà fait, son talent pour mettre en musique les émotions les plus profondes. Cette chanson, qui semble se déployer naturellement sur les six cordes de Scott, accompagnée de quelques notes discrètes de piano, a pourtant fait l’objet d’une longue maturation. Écrite au milieu des années 2000, il aura fallu près de quinze ans pour qu’elle prenne sa forme définitive et trouve sa place sur l’album New Skin de 2021. « My Selfless Moon », dans son habit acoustique, brille ici comme l’un des moments les plus viscéraux et émotionnellement riches de cet opus. Dans « The Tide », le flux et le reflux des marées est une métaphore des tâtonnements émotionnels. « Solitaire dans la mer, échoué / La poussée et la traction sont infatigables / Comme si elles m’épuisaient… Les vagues deviennent un moyen / de laver la douleur et le doute » nous chante Scott pour exprimer cette lutte intérieure. Les synthés et la boîte à rythmes cèdent ici la place à un arpège dépouillé qui se marie parfaitement avec la voix tantôt grave, tantôt haut perché de Mr. Matthews. Par curiosité, j’ai superposé la version acoustique et la version originale de « The Tide » et les deux se fondent étrangement à merveille, comme s’il avait voulu que sa réinterprétation soit le prolongement acoustique de la chanson originale. Étonnant. L’album poursuit sa réinterprétation des titres et peaufine ses berceuses. Ainsi « Morning » se transforme en une balade éthérée où l’aube incarne le renouveau et la renaissance. Sur un fond d’arpèges de guitalélé (instrument hybride entre guitare et ukulélé) Scott chante sa mélancolie : « Et je ne sais pas comment vivre avec la douleur / Oubliant d’aimer quand il pleut ». Vient ensuite « Autopilot », qui émerge sous un jour plus scintillant, tandis que « Intruders On Earth » sort de sa chrysalide dans une version a cappella. Une mention particulière revient à « Anniversary », un duo avec la chanteuse soul-jazz américaine Krystle Warren. Leurs voix fusionnent parfaitement, insufflant une nouvelle intensité onirique à la composition.

Scott Matthews – Restless Lullabies band2
Œuvre subtile et maitrisée, Restless Lullabies, vient confirmer la stature de Scott Matthews en tant qu’artiste original et indépendant. On est toutefois encore loin de la créativité rythmique et instrumentale du premier album Passing Strangers sorti en 2006 et qui a marqué les tympans avides de néo-folk avec des titres hypnotiques comme « City Headache ». Cette balade aux contours roots agrémentés d’accordéon proposait une progression harmonique entre folk et élans psychédéliques qui manque un peu à ce nouvel album tout en retenue. Ce retour aux sources avec une maitrise vocale parfaite est certes de bon augure mais laisse quand même un peu l’impression que Scott reste dans sa zone de confort.

 

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