Radiohead – Kid A
Radiohead
EMI
La démarche de Radiohead force le respect. Après un « OK Computer » salué de tous côtés comme un monument du rock, on s’attendait à une redite encore plus brillante. Raté ! Apparemment inquiets d’un succès grand public rimant avec compromission, les membres du groupe anglais se sont engagés en 2001, avec « Kid A », dans une sorte de suicide commercial, à des années lumière de ce qu’ils avaient fait jusqu’à présent. Le combo s’est pris pour Talk Talk, auteur dans les eighties de deux premiers albums gorgés de tubes avant de saborder en beauté avec deux disques de musique ambitieuse et invendable (« Spirit Of Eden » et « Laughing Stock »). Radiohead semblait suivre le même chemin : dans cette formation comptant en son sein trois guitaristes, il fallait ainsi attendre pas moins de la moitié de « Kid A » avant de trouver la première trace de six-cordes. Sur une trame harmonique savamment déstructurée ou faite de boucles hypnotiques, la voix androgyne de Thom Yorke venait se poser comme en apesanteur. Plaintif, angoissé plus que jamais, Yorke nous conviait à un voyage au creux du néant et à des expérimentations mélodiques et rythmiques tout azimut. Impossible en effet de rapprocher ces nappes inquiétantes de synthés, ces arpèges de guitare tendus, ces dissonances glacées de quoique ce soit. On pensait bien ici ou là à Klaus Schulze ou au David Sylvian le plus barré mais l’essentiel était que nous étions là bien au delà du rock (l’intro hallucinante de « Everything In Its Right Place », les envolées free-jazz délirantes de « The National Anthem » ou la mélancolie décalée de « How To Disappear Completely »). Cela forçait le respect, l’intégrité musicale de l’œuvre ne sachant être mise en doute pas plus que la démarche artistique (au sens fort de ce terme si galvaudé). Mais on pouvait aussi trouver cela guère émouvant et plutôt hermétique : à vous de voir…..
Bertrand Pourcheron & Philippe Arnaud (8/10)