Providence – There Once Was A Night Of « Choko-Muro » The Paradise

There Once Was A Night Of 'Choko-Muro' The Paradise
Providence
1996/2013
MIJ Records/Musea

Providence

Six ans après la sortie du sublime et désormais introuvable « And I’ll Recite An Old Myth From », c’est un Providence au line-up fortement remanié qui a publié en 1996 un uppercut mélodique intitulé « There Once Was A Night Of ‘Choko-Muro’ The Paradise » chez Made In Japan Records. Si on a parfois reproché à certains groupes japonais de se cantonner dans la redite (souvent de grande qualité) des seventies, ce n’est assurément pas le cas de la bande au claviériste et compositeur inamovible Madoka Tsukada. Sur ce second opus, la formation de Sapporo déboule en effet avec une inspiration réjouissante de frénésie. Grâce à un guitariste aux soli ouvertement hard, à un pianiste au style inclassable et furibond, à une section rythmique du tonnerre (basse ronflante et saccadée, batteur au jeu touffu et débridé) et enfin à une nouvelle chanteuse bourrée d’énergie (la belle Takako Sugawara), Providence nous offre un rock progressif surpuissant.

Le morceau d’ouverture « HCHO 40 », au récitatif vocal vaguement angoissant, nous propose une musique à l’inspiration mélodique étourdissante, globalement sombre, tendue, et la plupart du temps soutenue par une rythmique lourde et obsédante. Les séquences harmoniques différentes sont aussi légion dans cette pièce tour à tour lente puis menée à vive allure qui étale son propos sur huit bonnes minutes. « An Epilogue For Cajolment » poursuit dans la même voie et repose sur un contraste diabolique entre des vocaux « habités » et des parties de six-cordes frénétiques. L’ensemble sonne un peu comme le 1er album d’UK, et plus particulièrement son classique définitif « In The Dead Of Night », avec un son résolument plus heavy et percutant, le violon électrique d’Eddie Jobson en moins (que l’on retrouve par contre sur le titre fleuve suivant) et le saxophone de Takao Sato en plus.

Dans ce contexte méchamment musclé, l’épique suite éponyme de 19 minutes et des poussières se distingue par les sonorités et les harmonies « extrêmes-orientales » jouissives des claviers avant de bifurquer vers une longue séquence chantée évoquant les fastes de la grande Hiroko Nagai dans Pageant. Par la suite, ce titre royal alterne brillamment les parties sereines, dominées par le chant de Takako-san et les nappes de mellotron de Madoka-san, avec des passages exaltés lors desquels tout ce joli monde entre littéralement en transe : la guitare se taille alors bien évidemment la part du lion et, autour d’elle, un déferlement inouï d’énergie et de créativité se met implacablement en branle. A noter que les sections mélodiques jouées au piano seul rappellent curieusement la patte de Martin Orford, conférant à l’ensemble une petite touche IQ « old-school » pas déplaisante !

La suite du CD nous offre, à portée de mesures du furieux « A Breeze In The Dawn », une succession de haïkus mélodiques (« Erlio », « ‘Choko-Muro’ The Paradise » et « In The Moonlight ») remarquables de sensibilité, et qui tranchent assez nettement avec le caractère alambiqué et tourmenté des compositions précédentes. Pour conclure, son énergie vitale et son urgence absolument étonnante constituent les qualités essentielles de ce gang hors norme, hélas disparu en 2002 sans laisser d’adresse.

La réédition de cet album, devenu avec le temps une véritable quête du Graal pour les collectionneurs en manque, est donc l’occasion unique pour les amateurs de (re)découvrir l’un des tous meilleurs disque de rock progressif japonais, toutes subdivisions confondues. Essentiel !

Bertrand Pourcheron & Philippe Vallin (8,5/10)

http://www.musearecords.com/

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