Minimum vital – Musicalité maximale ! (part 3 : fidèle au poste)
Musea
2020
Christophe Gigon
Minimum vital – Musicalité maximale ! (part 3 : fidèle au poste)
La dernière partie de l’anthologie des Bordelais de Minimum Vital, droits dans leurs bottes pour un retour vers le futur nous baignant notamment dans de délicieux accords médiévaux.
Capitaines (2009)
Toujours ce son de guitare si typique et si excitant ! Porté par une section rythmique magistrale, comme toujours. Les jumeaux restent les capitaines même si le fidèle Eric Rebeyrol, à la basse, ne chôme pas et pose des fondations solides et mélodiques. Thierry déniche des arcs-en-ciel dans ses claviers (Mark Kelly, sors de ce corps !) et les incantations vocales achèvent de définitivement donner un côté transcendental à cette musique quasi spirituelle. La recette est éprouvée. Cependant, jamais la musique ne lasse ou ne se répète, seul le style est affirmé. L’identité sonore de Minimum Vital est légendaire. Elle permet pourtant de multiples variations et forages harmoniques. Recherche du son, quête de la perfection, maîtrise instrumentale et volonté d’unicité, voilà toutes les qualités travaillées au quotidien par les Bordelais, eux aussi producteurs de grands crus. Relevons encore la qualité inouïe de la prise de son qui confère à ce septième opus un apparat de perfection. Si l’on voulait vraiment chercher la petite bête, on pourrait reprocher à Jean-Luc sa fascination pour le son de guitare du génial Mike Oldfield (« Le Chant Du Gauthier » pourrait être une chute qualitative du bouleversant Amarok, de 1990). Mais peut-on vraiment critiquer cet amour immodéré qui, loin d’être une faute de goût, se révèle plutôt un hommage appuyé, affirmé et porteur de vitalité. Vitalité dont profite toute l’équipe. Car, répétons-le à l’envi : la musique produite par le trio de tête s’avère si dynamique et vitale (sans jeu de mots) que nul ne songerait à voir dans cette cuisine de veilles recettes éculées. Que nenni ! Du terroir de prestige, une finesse de gourmet, un mets si digeste qu’il donne envie de sauter dans les prés, à l’instar des créatures mi-humaines, mi-animales qui apparaîtront dans leurs futurs clips. Étonnant, à cet égard, que Vichy St-Yorre n’ait jamais proposé au groupe de composer la bande-son d’un de leurs spots publicitaires ! De Charles Trenet à Minimum Vital, il n’y a qu’un trait. Le Graal répété.
Pavanes (2015)
Minimum Vital : Rock progressif depuis 1982. Voilà ce que peut annoncer fièrement la page d’accueil du site internet exhaustif de cette formation à la si gironde musique. En effet, qui peut s’enorgueillir de produire une musique si exigeante et si peu médiatisée depuis plus de trente ans ? La discographie hautement qualitative de la bande des jumeaux Payssan prouve qu’en France, il existe encore des groupes singuliers sachant créer un univers unique. Ainsi, à l’instar de Lazuli, Alifair ou autres NeBeLNeST, Minimum Vital a su, et avec quelle maestria, inventer un style qui lui est propre et dans lequel il a forgé, à force de travail et d’abnégation, un matériau noble, pur et sophistiqué. Certes, les ambiances développées dans ce double album instrumental magique pourront faire voyager l’auditeur dans des contrées pas si éloignées de celles foulées par Malicorne et Motis ou même par les Yes et Mike Oldfield d’avant leur posture aphasique actuelle. Il faut rappeler que les classiques de la troupe atlantique (Sarabandes en 1990 et La Source en 1993) ont d’emblée posé les règles du jeu. Des compositions audacieuses, mais très construites, parfois proches d’un jazz-rock heureusement toujours mélodique, magnifiées par le jeu fluide et démoniaque du six-cordiste averti. Cette dernière livraison en provenance d’Aquitaine vaut son pesant de vieux Saint-Emilion. Une production dorée à l’or fin étreigne la petite vingtaine de titres qui se pavaneront avec délice dans vos écouteurs, vous replongeant dans un Moyen Âge sublimé, pas celui de l’heroïc fantasy pour adolescents attardés. Plutôt celui d’une certaine beauté complexe qui prouve à elle seule l’incurie du cliché qui voudrait que cette période historique recouvre à elle seule les temps les plus ténébreux et obscurs de l’histoire de l’humanité. Pour ne rien gâcher, l’équipe n’adopte jamais une posture hautaine ou suffisante. L’amour de la beauté et l’humour partagé leur servent d’écuyers. Pour vous en convaincre, jetez un œil sur le très étonnant clip du superbe morceau d’ouverture « Javary & Montago », un manifeste animalier que n’auraient renié ni le grand Frank Zappa, ni les Monty Python. Une sorte de pendant sonore au très incongru roman Du Vent Dans Les Saules du britannique Kenneth Grahame. L’univers esthétique et sonore de Minimum Vital a plus à voir avec celui façonné par Alexandre Astier, le père de la série culte Kaamelott, excellent musicien lui aussi, qu’avec le snobisme éculé de certaines formations de rock progressif que nous ne nommerons pas. L’ours grincheux grognera que ce disque ressemble fort aux précédents. C’est vrai. Et c’est bien pour cela qu’il est si beau. Les sirènes de la modernité n’ont jamais su attirer nos Ulysse progressifs. Pour notre plus grand bonheur. Encore une fois.
Air Caravan’ (2019)
Un petit air de Jethro Tull, pas désagréable du tout, fait traverser une ambiance nouvelle à cet album, dès la première piste. Le chant en anglais participe de cette sensation de familiarité avec la troupe d Ian Anderson. Le morceau « King gürü » semble l’extrait idéal pour qui souhaiterait découvrir la musique de Minimum Vital. Ce titre exceptionnel, au clip sidérant de maîtrise instrumentale, offre une vision claire du projet musical de la formation : on entend du Magma, du Malicorne, du Ange, du Mike Oldfield mais tout est tellement digéré et reproduit avec l’expertise et le style des musiciens bordelais que l’on peut bien parler de style Minimum Vital. Que personne n’essayera d’imiter même si des groupes comme Motis (France) ou Galaad (Suisse) fourbissent leurs armes dans de semblables ateliers. Chaque musicien apporte sa pierre à la cathédrale sonore et personne ne tire les oripeaux à lui. Les sons de claviers appuyés rendent cette fois hommage au virtuose Rick Wakeman même si l’ensemble du projet n’a que peu à voir avec la musique de Yes. Ce qui reste captivant en écoutant ce dernier album, c’est qu’il se présente comme un frère jumeau du premier (Envol Triangles), mais un frère qui aurait beaucoup grandi, beaucoup mûri, beaucoup voyagé, beaucoup étudié, beaucoup aimé et beaucoup vécu.
La musique a évolué en préservant son A.D.N. messager de sublimes vibrations, tant musicales que spirituelles. Minimum Vital a toujours donné son maximum. Et le résultat a toujours été étonnant. Laissons-les ad aeternam s’envoler vers le retour à la source vue comme de nouveaux rivages. Braves capitaines.