Matthew Parmenter – Astray (+ interview)

Astray
Matthew Parmenter
Strung Out Records
2004

Matthew Parmenter – Astray

Matthew-Parmenter-Astray

Avec son groupe Discipline, il a écrit l’un des dix meilleurs albums de rock progressif des années 90, Unfolded Like Staircase (1997). En 2004, Matthew Parmenter nous revenait avec son premier essai en solitaire, un opus qu’il nous promettait depuis des lustres via le site Internet de son label Strung Out. En effet, depuis la sortie du live Into The Dream cinq ans plus tôt, nous n’avions plus aucune nouvelle du musicien. Il faut croire que Matthew Parmenter a pris son temps pour peaufiner ses compositions. Et le soin méticuleux apporté aux sept titres de l’ouvrage s’est avéré payant : l’artiste a accouché d’une grande œuvre, profonde et psychotique, qui ressemblait fort à un exutoire. Une évidence à l’écoute de ce disque : Astray n’est pas Unfolded Like Staircase mais Parmenter est Discipline ! D’où le parallèle en terme d’atmosphères, d’ambiances sombres et d’emphases entre ces deux albums. La tonalité générale est donnée par l’artwork (en noir et blanc), fort en symboles, qui représente un cimetière avec deux tombes portant l’inscription « Mother » et « Father », avec en fond la grande roue d’un manège. Ce disque est vraiment d’une noirceur incroyable.

Astray, qui dans ce cas se traduirait par « égarement », mélange habillement la réflexion au travers de ses textes, de sa sophistication musicale (la finesse des arrangements) et la spontanéité que l’on retrouve par exemple dans les interventions de la guitare solo. Parmenter a tout pris en charge (à l’exception de la basse tenue par Mathew Kennedy), l’instrumentation comme la production. Et le plus surprenant dans cette histoire, c’est que le musicien arrive à tirer partie du peu de technique qu’il possède pour finalement en extraire l’essentiel : l’émotion pure. Il joue du saxophone, du violon, de la guitare, de la batterie et des claviers, mais il n’excelle dans aucun de ces domaines hormis le dernier. Et pourtant, le résultat est extraordinaire de justesse et de sensibilité.

A l’image de « Now », le morceau d’introduction et ses 9 minutes au compteur, la séquence finale est saisissante (un long solo de guitare sur des nappes de Mellotron). La musique semble à la base dépouillée et dominée par le piano, mais Parmenter utilise intelligemment l’espace pour y apporter une vraie variété de couleurs (dont la dominante reste le gris). Tous les morceaux sont étirés, le format semble idéal pour l’homme et sa créativité. « Distracted » utilise une structure hypnotique, un phrasé qui revient sans cesse et qui finit par être sublimé par des arrangements fouillés. Une perle ! « Dirty Mind » est faussement bluesy, ne vous y fiez pas, tout comme « Another Vision » dont les textes sont très obscurs.

« Some Fear Growing Old » est le seul titre acoustique sur lequel le violon fait son apparition. Sur « Between Me And The End », Parmenter, seul au piano, livre sa complainte jusqu’à ce que le sax le rejoigne. Le chant est poignant. Puis vient « Modern Times », la pièce maîtresse de l’album, un monument de plus de 20 minutes dans la droite lignée de ce qu’il a produit avec Discipline. L’influence de Van Der Graaf Generator est toujours bien présente. Avec sa variété de thèmes et de tons, ce morceau est une succession d’idées sur des tempos tour à tour énergiques et lancinants. Cette pièce est exceptionnelle, avec un final (à la Genesis) qui, une fois encore, s’articule autour des claviers et de la guitare.

Astray est une œuvre sublime, avec ses qualités (et elles sont nombreuses : l’interprétation vocale de Parmenter, l’agencement des idées…) et ses défauts (la prise en charge quasi complète de l’instrumentation). Mais c’est aussi une œuvre tellement personnelle, torturée, qu’elle en devient extrême… Extrêmement ensorcelante et envoûtante. Une pure merveille quoi !

Denis Perrot (9,5/10)

http://www.strungoutrecords.com/


 

Interview Matthew Parmenter (octobre 2004)

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DP : Astray était annoncé depuis des années sur ton site Internet, comment se fait-il qu’il ne sorte que maintenant ? Quand ce projet a-t-il vraiment pris naissance ?

MP : J’ai commencé à enregistrer Astray début 2001. Enfin, je n’ai enregistré que les guides vocaux, j’ai acheté des micros, et j’ai commencé à planifier le reste de l’enregistrement. J’ai aussi acheté une table de mixage. J’ai de l’expérience en ce qui concerne l’enregistrement de disques mais je ne suis pas un professionnel. Je voulais enregistrer une vraie batterie et ne pas utiliser de samples. Je pensais qu’une vraie batterie ajouterait de la spontanéité à la musique. Mais cela a représenté un vrai défi pour moi car je n’avais que très peu joué ou enregistré cet instrument. J’ai opté pour une technique à quatre micros, un pour la caisse claire, un pour la grosse caisse et une paire pour la stéréo sur tous les toms, cymbales et le charleston. Sur la plupart des chansons, j’ai enregistré une démo pour la voix avec un piano ou une guitare, puis j’ai enregistré la batterie par-dessus. J’ai utilisé une piste avec un métronome, ce que Discipline avait évité. Mais malheureusement, j’avais besoin d’entendre un rythme constant pendant que je jouais de la batterie et ce afin d’éviter de perdre le tempo (et je l’ai perdu à plusieurs reprises !). En 2002, j’avais enregistré la batterie sur toutes les chansons sauf sur la plus longue « Modern Times ». J’ai passé le reste de 2002 à ajouter d’autres sons. Matthew Kennedy m’a rejoint à la fin de cette même année. Fin 2003, j’ai enfin vu le bout du tunnel ! J’avais pris des vacances afin de faire les voix. J’ai souvent repoussé l’échéance de fin de ce projet. Fin août 2003, j’ai mixé l’album. Cela m’a pris beaucoup de temps pour enregistrer Astray, et ce pour deux raisons. D’abord, je n’avais que très peu de temps libre pour enregistrer, je suis père, mari, salarié, parolier, musicien et chanteur. Je jongle entre ces rôles. La plupart d’entre nous doivent travailler afin d’avoir du temps pour ceux qu’ils aiment. Nous devons aussi travailler pour avoir du temps pour soi. Je n’ai pas assez de succès pour vivre de ma musique. Cela me remplit de frustration. Et cette frustration peut nourrir mon écriture. Que pourrais-je écrire si tout allait bien pour moi ? Tout compte dans la vie. La seconde raison est que c’est une première expérience pour moi. Discipline enregistre dans des studios traditionnels, pas à la maison. Cela m’a pris du temps pour acquérir tous les outils nécessaires à ce travail. Pour Discipline, le groupe avait déjà répété les chansons, les avait interprétées sur scène avant même d’entrer en studio. Astray est plus organique, plein d’incertitudes. Et le résultat, c’est cet album qui va dans tous les sens et qui arrive trois ans plus tard !

DP : Est-ce parce que ce disque t’a pris beaucoup de temps que tu n’as pas voulu impliquer d’autres musiciens (à l’exception de Mathew Kennedy), ou bien voulais-tu tout prendre en charge ?

MP : En 2000, quand plus rien n’allait pour Discipline, nous avions joué ensemble pendant treize ans. Le manque de succès commercial a été une vraie déception pour le groupe. Nous avions de nouvelles responsabilités qui nous séparaient les uns des autres. Nous grandissions, avions des familles et d’autres préoccupations. Prévoir des répétitions devenait hasardeux. Nous ne pouvions plus fonctionner comme un groupe. Un album solo semblait être une opportunité pour continuer. Pas besoin de temps de répétition pour un tel projet. Je pouvais enregistrer quand j’avais du temps. J’espère retravailler avec eux et je pense que tout le monde veut essayer. C’est toujours un défi d’une certaine manière.

DP : Parlons de l’album à présent si tu le veux bien. Pourquoi ce titre Astray (NDT : « égarement ») ? Cela symbolise-t-il ton état d’esprit lors de la conception de l’album ? D’ailleurs en parlant d’état d’esprit, ce disque est très sombre, les textes très profonds, Astray est-il comme un exutoire pour toi ? Une façon d’exprimer un mal être peut-être ?

MP : Astray vient de la chanson « Between Me And The End ». Ce titre suit la même logique que Discipline : on prend une ligne d’une chanson qui devient le titre de l’album, comme « Push And Profit » et « Unfolded Like Staircase ». Astray me semblait bon comme titre. Cela suggère une errance sans but, une solitude pathétique. Je ne suis pas une personne sombre. J’aime converser avec les gens. Je vis ma vie en espérant être quelqu’un de bien. Je ne suis pas sûr de moi la plupart du temps, et je ne suis pas quelqu’un qui se confie facilement. Écrire ces chansons, c’est peut-être une catharsis. C’est peut-être parce que, dans ma vie de tous les jours, je ne fais pas attention à cette voix intérieure qui me critique tant et qui est si concernée par mes erreurs. Lorsque je travaillais sur Astray, j’ai réfléchi sur ce que cela voulait dire de créer une œuvre d’art. J’ai toujours écrit des chansons, et certains sujets m’attirent plus que d’autres. Je me souviens de cette chanson que j’avais écrite quand j’avais 5 ans, et j’en ris maintenant, qui s’appelait « Life After Death », une de mes premières avec des paroles. Mon frère qui avait 7 ans chantait le refrain avec moi, encore et encore, je l’entends encore ! Je ne me pose jamais la question « pourquoi est-ce que j’écris ? ». J’écris, c’est tout. Mais je me suis interrogé sur le fait d’enregistrer : est-ce que ça vaut le coup ? Il est important, surtout pour les gens qui ne sont pas sûrs d’eux-mêmes, d’avoir un procédé qui leur permette de se projeter et de se voir de la façon dont les autres les voient. Je semble déterminé à me définir comme un anti-héros. Je trouve ma force dans l’acceptation de ma faiblesse, même dans mes conversations de tous les jours avec les gens. Dans la musique que j’écris, je trouve de la stabilité quand je dépeins la démence. Certaines chansons sont presque drôles à cause de leurs exagérations. Et toutes les chansons, je crois, sont des exagérations de quelque chose. Mais rien de cela n’est réel ; pour la chanson, cela peut être reconstruit, déformé ou idéalisé. « The Eyeballs Story » en est un bon exemple. Il est bien évident que je ne me mutile pas le dimanche ! Ce n’est pas à prendre au pied de la lettre.

DP : La cover est lourde de symboles, en noir et blanc, avec ces tombes avec l’inscription « Mother », « Father ». Explique-nous un peu tout cela.

MP : J’aime beaucoup la pochette. Paul Dagenais, un photographe du Michigan, a pris cette photo. Il a utilisé l’infrarouge, si je ne me trompe pas. Ce procédé déforme les lumières naturelles et les assombrit. La photo a été prise pendant la journée, pas la nuit comme on pourrait le croire. Ce n’est pas non plus un composite. Elle n’a pas été retouchée par ordinateur. Le carnaval est réel. Paul est très doué. Il a vu cette scène et l’a immortalisée.

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DP : Comment nous présenterais-tu Astray et ses thèmes ?

MP : Astray contient de l’anglais accessible par tous. Il y a plein d’imagerie mais les paroles les plus mémorisables sont les plus directes, presque gênantes de simplicité. « But I Think You Will Kill Me » en est un exemple. « If I could, I’d stand tall in my place, take you in my arms, show you how much I fell for you. » On dirait que cela vient d’une chanson pop ! Si j’avais écrit cela il y a quelques années, j’aurais fait la grimace et j’aurais déguisé mes idées avec des artifices langagiers. Les idées musicales ne sont pas évidentes. J’entends des schémas avec des parties pseudo-improvisées, avec beaucoup de dissonances et des harmonies qui se déglinguent par moment. Un mixeur professionnel aurait guidé l’auditeur en enlevant ces « accidents » et en mettant en relief les mélodies. J’ai laissé le tout tel quel. Tout est en désordre. L’album ressemble au bureau de mon père : un mélange de papiers et de notes personnelles, et pourtant, il savait où tout était rangé ! (enfin, c’est ce qu’il disait !). Je suis satisfait de l’album. il a du caractère et du charme. Ce désir de me montrer positif à cet égard est satisfaisant. Mais quel soulagement cela doit être de ne pas s’en faire.

DP : Que ce soit en solo où avec Discipline, tes compositions sont parfois très longues, ce format est très approprié à ton écriture. Mais est-ce une volonté d’écrire des titres longs ou pas ?

MP : C’est une nécessité car certaines chansons sont construites comme une suite. Mais sur Astray, on ne peut dire cela que pour le dernier morceau, « Modern Times ». Il y a un moment où tu as tellement dépassé le nombre de minutes que l’on accorde normalement à une chanson qu’en fin de compte, on se dit « qu’est-ce que cela peut faire ? ». On pourrait tout aussi bien jammer. J’ai fait en sorte que les autres chansons soient longues pour répondre (puérilement) aux radios commerciales américaines : une sorte d’insulte au public. Tout dans la musique est analysé à la seconde aux États-Unis, la publicité règne en maître et le succès ne se mesure que par le nombre de passages en radio, comme un producteur raisonne en terme de pénétration de marché. J’apprécie que la première chanson, « Now », dure 5 minutes jusqu’à la coda. La chanson dure 10 minutes. J’ai délibérément choisi de ne pas séparer la coda de la chanson suivante. Je voulais forcer l’auditeur à écouter le tout. Les animateurs de radio ne passeront jamais cette musique, ils perdraient leur boulot. Si tu écoutes la coda, c’est là que tout se joue. C’est tout ou rien. Et je n’attends rien des radios.

DP : Parle-nous un peu de tes influences, de tes inspirations…

MP : Enfant, j’adorais les concertos brandebourgeois de Bach, le numéro 5 particulièrement (la fin du premier mouvement est plus que géniale). J’aimais aussi la musique d’Akira Ifukube, même si je n’ai appris le nom du compositeur que des années plus tard. Mon grand frère m’a fait découvrir Gentle Giant et Genesis à l’âge de 8 ans, en 1975. Il avait 12 ans de plus que moi, il m’amenait aux concerts et me donnait des albums comme In The Glass House ou Free Hand. Je pensais à l’époque que cette musique était populaire. J’ai découvert les Beatles en farfouillant dans la collection de mon oncle. J’ai écouté l’album Intruder de Peter Gabriel en route pour un concert de Genesis avec mon grand frère, et je l’ai détesté. Ce n’est que des mois plus tard, en réécoutant « Lead A Normal Life », que je suis tombé amoureux de tout l’album. Pendant mes années de collège, entre 1983 et 1987, j’écoutais beaucoup de punk (comme tout le monde !). J’aimais Gang Of Four, Husker Du, Talking Heads (Remain In Light), Thomas Dolby (Flat Earth). J’ai découvert Discipline de King Crimson que je considérais comme de la new wave. Je ne connaissais rien de leur musique à l’époque. Finalement, j’ai réécouté la musique que j’aimais étant enfant. Les choses que j’écrivais sonnaient très 70’s, alors j’ai cherché d’autres musiques qui me plaisaient. À la fac, j’ai étudié l’écriture créative (j’ai raté toutes les auditions de violon) et j’ai commencé à jouer avec mon groupe les week-ends et pendant l’été. On m’a présenté à Peter Hammill récemment. Je respecte son écriture. Je respecte aussi le fait qu’il travaille depuis si longtemps sans se vendre. J’écoute maintenant principalement de la musique orchestrale, même s’il lui manque cet aspect juvénile que le rock peut avoir. J’aime Stravinsky et Bartok. La musique plus traditionnelle m’intéresse également. J’ai la chance de vivre assez près du Canada et de capter leurs radios financées par l’État. À Detroit, nous n’avons pas ce genre de choses et l’accès au classique diminue drastiquement. Plus personne n’arrive à être contestataire dans le rock, le rap, ou dans n’importe quel autre genre de musique dans ce vide culturel. Ce n’est pas grave de ne pas aimer le classique, mais il n’est pas juste d’en interdire l’accès. Je me réveille chaque matin à 4h30 au son du long crescendo qui ouvre le  de Wagner. J’essaye de travailler avant que ne commence mon « vrai » boulot à 8 h.

DP : Finalement, qu’attends-tu de cet album ?

MP : Je ne m’attendais à rien de spécial. Je ne m’attendais pas à une réaction positive et du soutien des auditeurs ! J’ai dû demander la réimpression du CD trois mois après la première ! Je ne pensais pas qu’il y aurait une si grande demande. Et ça me tue d’avoir attendu si longtemps avant d’avoir sorti cet album.

DP : Nous sommes sans nouvelle de Discipline, le groupe existe-t-il encore ?

MP : Nous ne jouons ni ne répétons plus ensemble. Cela me manque de ne pas jouer avec ces mecs. J’ai jammé avec Matthew et Paul quelques fois depuis 2000 et nous gardons le contact. Nous aimerions sortir quelque chose ensemble. Si un disque de Discipline se fait, nous ne ferons pas de tournée pour le promouvoir.

DP : Mon sentiment est que Unfolded Like Staircase était un chef-d’œuvre, et que Astray en est un autre. Comment ces disques sont-ils perçus par les médias ?

MP : J’ai lu de bonnes et de mauvaises critiques des deux disques de Discipline. Une de mes favorites concernant Astray vient d’un webzine. L’auteur de cette critique dit que le son de cet album serait très bon pour un spectacle «off-off-off Broadway », et que j’articule trop bien pour que ce soit du rock ! Je préfère ce genre de mauvaise critique plutôt que l’on me compare à mes aînés en mieux ou en pire. Le principal, c’est de rester fidèle à soi-même. La critique est seulement blessante si l’artiste y croit. Je ne changerai en rien mon style sous prétexte qu’un critique adore ou déteste un aspect de quelque chose que j’ai fait. Je continue juste à écouter et à suivre mon instinct.

DP : Peut-on espérer une réédition (en DVD peut-être) de la vidéo live de Discipline parue en 1995 ?

MP : Cela arrivera peut-être l’année prochaine.

DP : Prévois-tu de faire de la scène avec cet album en solitaire ?

MP : Non, je n’ai aucun plan concernant une tournée Astray. Je ferai peut-être un show ou deux mais rien n’est encore concret. Il est difficile de tourner quand on est seul. La plupart des salles s’attendent à ce qu’il y ait au moins une batterie. Je ne peux qu’offrir ma voix et un piano ou une guitare. Je ne suis pas sûr que cette musique soit du rock et de toute façon, il n’y a pas de groupe.

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DP : Des projets dans l’immédiat ? As-tu commencé à composer pour un nouvel album ?

MP : Je jongle avec deux projets musicaux en ce moment. Le premier est d’enregistrer de la musique composée pour Discipline et que j’ai laissé tomber pour Astray. L’autre est un nouvel album solo. J’aimerais davantage finir l’album solo car la musique est nouvelle. D’un autre côté, si je n’enregistre pas la musique de Discipline, je risque de trop m’éloigner de celle-ci et de ne pas avoir envie d’y revenir. C’est déjà arrivé avec la plupart des morceaux de mes débuts. Les chansons que j’ai mises de côté il y a dix ans ou plus ne sont pas des pièces que je vais revisiter. J’ai toujours pensé que j’allais les enregistrer. Maintenant, elles prennent la poussière sur une étagère.

DP : Arrives-tu à vivre de la musique ?

MP : Je travaille régulièrement pour gagner ma vie. Ma famille n’est pas riche et je n’ai jamais gagné assez d’argent avec ma musique pour arrêter de travailler. Les coûts d’enregistrement et de pressage des CD de Discipline étaient élevés et nous étions fauchés pour le second disque. Le premier CD nous a fait perdre de l’argent. Bien des choses ont changé en dix ans et les coûts ont considérablement baissé. Grâce à cela et parce que j’ai enregistré Astray moi-même, le cd solo pourrait me faire gagner de l’argent, le prix de sa production étant faible. Une première pour moi !

DP : Quel est ton regard sur la scène progressive aujourd’hui ?

MP : Discipline et moi en avons bénéficié parce qu’il existe un public pour le rock progressif. S’il n’y en avait pas, je doute que beaucoup de gens entende notre musique. La définition du rock progressif n’est pas fermée, le prog est seulement le genre auquel je semble appartenir. Dans ce microcosme, on peut trouver des gens qui veulent que la musique mainstream revienne aux styles des années 60 et 70. On apprécie lorsqu’un groupe mainstream rend hommage au son de ces années-là. Tout le monde est très excité à l’idée de trouver un groupe de prog inconnu qui arrivera à un succès populaire, et qui restera fidèle à ses racines progressives. Mais là je suis sceptique. Si le prog était plus généralement accepté, il deviendrait indubitablement plus commercialisable et cloisonné. Les gens perdraient leur intérêt et commenceraient même à ne plus l’aimer. Tant que le prog reste libre, que les industries du disque ne le remarquent pas, alors c’est pour le mieux. Donc, soyons satisfaits de ce que l’on a !

DP : Ton sentiment sur la diffusion de la musique via Internet et sur le piratage ?

MP : La technologie est fascinante. Elle est aussi inévitable. Je suis sceptique à propos de cette diffusion mondiale via Internet. Il y a une différence entre copier un CD pour un ami et diffuser de la musique à des milliers d’anonymes. Pour des raisons d’éthique, je ne participe pas à ce partage de la musique. En même temps, je suis reconnaissant de pouvoir être écouté par qui veut. La diffusion de musique sur Internet va sûrement devenir un rival pour la radio. Je pense que nous aurons des voitures qui recevront les émissions du web. Les auditeurs pourront écouter n’importe quelle radio du web. Tout le monde pourra devenir animateur !

DP : Souhaites-tu ajouter quelque chose  pour conclure ?

MP : Merci à toi Denis pour me laisser l’opportunité de m’exprimer. Restons en contact ! Les lecteurs peuvent me joindre sur le site de Strung Out Records. J’essaie de répondre à tous les e-mails.

Propos recueillis par Denis Perrot (Traduction : Fred Natuzzi)

 

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