La Maison Tellier & Friends – Harvest au 104 de Paris
31 mai 2022
Fred Natuzzi
La Maison Tellier & Friends – Harvest au 104 de Paris
Neil Young n’en a plus rien à foutre. Vous le savez, je vous le raconte à longueur de chroniques le concernant. Mais ce mardi 31 mai, je crois qu’il serait venu remercier et serrer la main de chacun des artistes qui se sont fait un malin plaisir de fêter le 50eme anniversaire de son album culte, Harvest, sur la scène du 104 de Paris. Car, en effet, La Maison Tellier a tenu à rendre hommage à Neil Young en reprenant l’intégralité de cet album, ainsi qu’en jouant d’autres morceaux issus de son vaste répertoire. Rendre hommage et non jouer du copier-coller. Et ça, ce n’était pas évident et l’on a senti tout l’important travail d’appropriation et d’adaptation que cela a demandé. Puisqu’en plus, nos cinq compères ont demandé à un certain nombre d’amis de venir les accompagner sur cette route folk dont les paysages sont assez variés. Il a donc fallu s’adapter à chaque chanteur ou chanteuse, répartir les tâches musicales et même incorporer de nouvelles parties, notamment pour Léopold Tellier dont les cuivres sont à chaque intervention un bonheur de précision et d’à-propos. Cet Harvest est donc un spectacle collectif, collégial, où la joie transpirait à chaque note (plus particulièrement dans la guitare de Raoul Tellier, visiblement ravi de faire sonner ses cordes à la manière du grand Neil), où la connivence des artistes se ressentait, où la bienveillance du public, nombreux, envoyait des ondes positives qui ne pouvaient qu’élever encore plus haut la qualité de ce concert. Oubliées les circonstances malheureuses qui ont dû repousser le spectacle prévu en février dernier, saluons la ténacité de la production et des artistes qui se sont démenés pour que Harvest vive sa vie d’un soir. Et quel soir ! Franchement, on ne pouvait rêver mieux que ce qui nous a été donné sur scène. Un son parfait (merci Philou Barandiaran et saluons par la même occasion toute l’équipe technique) a couronné cette soirée en mettant en valeur chacun des participants. Il faut dire qu’on pouvait atteindre jusqu’à 14 personnes sur scène en même temps !
La soirée commence par nos cinq Tellier qui ouvrent le bal seuls pour quelques reprises de Neil pré-Harvest assez surprenantes. L’énorme « Ohio » a la tâche de nous plonger dans l’ambiance et le fameux riff d’ouverture m’a mis le frisson. Pas facile d’oublier Crosby, Stills, Nash & Young bien évidemment, et la question s’est aussi posée sur le chant. Neil ayant une voix haut perchée, Helmut a dû forcément s’adapter. Inquiétude dissipée dès le départ, avec également des vocalises d’Alphonse Tellier (dont la basse s’est beaucoup fait entendre pendant tout le set, attirant bien l’attention sur le travail de la rythmique des morceaux de Neil) et de Raoul Tellier qui n’a jamais autant chanté que durant cette soirée. En choisissant « Winterlong » et « I Believe In You », La Maison Tellier témoigne d’une connaissance accrue de la carrière du Loner car ce ne sont pas les morceaux les plus connus qui sont mis en avant, mais plutôt la sensibilité folk et tendre de Neil. Deux bonbons très savoureux, avant un « Vacancy » qui a ouvert les hostilités niveau intensité sonore. Encore un morceau méconnu, sorti récemment sur Homegrown, album exhumé par Neil plus de 40 ans après son enregistrement. Superbe surprise donc avant d’enchainer sur l’album Harvest en totalité.
À partir de là, la fête monte de plusieurs crans avec l’intervention d’invités de marque pendant le reste du set : Albin De La Simone aux claviers, Ysé Sauvage et Pauline Denize aux cordes, et Arman Méliès à la guitare. Leurs apports ont sublimé la soirée tant les arrangements étaient juste parfaits. Une nouvelle jeunesse pour Harvest en somme, avec en plus une ou un chanteur invité(e) à chaque titre. Pour « Out On The Weekend », Helmut cède sa place à Baptiste W. Hamon qui se charge avec brio de l’harmonica si cher à Neil. Son chant s’intègre parfaitement à l’atmosphère de ce titre country folk, lui-même étant particulièrement sensible à ce style de musique. Pour preuve, la brillante reprise de Townes Van Zandt qu’il peut faire sur scène. Raoul Tellier se charge de l’acoustique tandis qu’Arman Méliès rajoute les touches électriques indispensables à l’habillage du titre, avec un ajout de bugle par Léopold très bien trouvé. C’est Lonny qui rejoint la scène ensuite pour « Harvest » apportant une élégance et une classe qui n’appartient qu’à elle. Elle aussi possède les accents nécessaires à cette country folk lumineuse, accompagnée aux chœurs par Ysé et Pauline. Charmant et envoûtant. Retour d’Helmut pour « A Man Needs A Maid » avec Emily Loizeau. J’ai toujours eu du mal avec l’orchestration symphonique du titre original. Ici, les arrangements rendent plus subtilement l’atmosphère du titre avec une interprétation au chant moins appuyée que celle de Neil. Pour le meilleur. Emily Loizeau reste sur scène pour un des rares hits du Loner, le fameux « Heart Of Gold » marqué par les interventions à la trompette de Léopold.
Un des titres qui se démarquent grâce à la passion mise dans son interprétation par l’ensemble des musiciens de ce soir est « Are You Ready For The Country ». Très dynamique, elle est chantée à nouveau par Baptiste W. Hamon qui nous transporte direct au fin fond d’une ferme en Caroline Du Sud, à taper du pied et des mains en rythme avec les fermiers du coin. Quelle bonne idée de faire chanter « Old Man » par la plus jeune artiste de la soirée, Pi Ja Ma. Un titre devenu un classique, splendidement restitué. « There’s A World » est la seconde pièce qui a l’origine était accompagnée du London Symphony Orchestra et peut-être une de celle que je n’aime pas du tout de toute la carrière du canadien (devenu américain depuis peu). Chantée par Helmut, les arrangements retrouvent le sel de l’original, mais la chanson ne me plaît pas plus pour autant. Question de goût ! Par contre, la version d’ « Alabama » a mis tout le monde par terre. C’est Sammy Decoster qui s’y colle pour ce faire avec Helmut, et ça a été dantesque et intense. Pour « Needle And The Damage Done », Raoul la joue avec Sammy Decoster qui arrive à transmettre les émotions de cette chanson pas facile à faire. Enfin, la version de « Words » met en valeur les saillies brûlantes d’Arman Méliès à la guitare qui se charge d’allumer le feu rock de ce titre. Encore un sommet de la soirée. En guise de rappel, trois morceaux vont se succéder pour terminer cet hommage. Tout d’abord « Tell Me Why » qui fout le frisson tellement on y retrouve les émotions de l’original, puis le classique « Cinnamon Girl » avec lequel la joie est à son comble. Enfin, pas tout à fait, puisque ensuite, tous les intervenants montent sur scène pour interpréter un autre classique, « Down By The River ». Raoul est impérial à la guitare, et c’est tout simplement jouissif. Chacun à son moment solo et la soirée finit donc en apothéose.
J’ai parlé de tout le monde, sauf d’un seul musicien. Je voudrais ici lui rendre hommage, car c’est à Alexandre Tellier, le batteur, à qui l’on doit cette idée de retranscrire en live Harvest pour son 50eme anniversaire. Non seulement il a été excellent sur tous les titres, mais son enthousiasme, sa joie et son dynamisme insufflaient une réelle interaction avec le public. Ses sonorités, ses subtilités, et ses ambiances country, folk et rock ont fait merveille. Alors, bravo et merci pour cette soirée unique qui restera gravée dans les mémoires de ceux qui ont eu la chance d’y assister tout comme dans celles des musiciens qui étaient sur scène, visiblement ravis de donner une nouvelle lumière sur ce jalon mythique du folk rock des années 70.
Set List
Ohio
Winterlong
I Believe In You
Vacancy
Out On The Weekend
Harvest
A Man Needs A Maid
Heart Of Gold
Are you Ready For The Country
Old Man
There’s A World
Alabama
Needle And The Damage Done
Words
Tell Me Why
Cinnamon Girl
Down By The River
https://lamaisontellierofficiel.fr/
Crédit photos: Sandra Benyachou
Crédit vidéo: Pascal Anthiaume
Merci pour ce superbe report
Musicien hors norme, albums et chansons légendaires, époque fantastique, mythique et définitivement révolue, et très belle chronique qui nous plonge, à la faveur d’un superbe concert, dans un bain de jouvence de couplets et de refrains aussi forts qu’emouvants. Merci !