Gepetto – Evolutive Songs
Auto Production
2021
Christophe Gigon
Gepetto – Evolutive Songs
S’il y a bien un bonhomme en France qui a vécu par et pour le rock progressif, c’est le Bordelais George Pinilla (Shop 33, George’s Shop, Ugum Production, Eclipse, Harmonie Magazine). Avec Thierry Busson et Bertrand Pourcheron (Rockstyle), Bruno Versmisse, Frédéric Delage, Jérôme Alberola et d’autres (en particulier le label MUSEA depuis les années 80), le genre musical a pu profiter, en France, d’une position médiatique et éditoriale fidèle. En effet, c’est bien grâce au travail persévérant de ces passeurs que le genre a pu bénéficier du regain de popularité qui est le sien depuis quelques années. Dans les années 90, il fallait vraiment être passionné pour défendre ce style esthétique tant décrié par les médias musicaux « traditionnels ». En plus de ses activités de vente par correspondance, notre moustachu trouve le temps d’enregistrer des disques de rock… progressif ! Si vous souhaitez en savoir davantage sur notre personnage, nous vous renvoyons à l’article publié par Bertrand Pourcheron en 2013.
Gepetto est donc le projet de George Pinilla, compositeur, musicien et chanteur franco-espagnol, qui se produit depuis plus de vingt-cinq ans avec son groupe de reprises de rock seventies dans la région de Bordeaux. A côté de ces multiples activités, il s’est également mis à composer des démos qu’il a soumises à quelques amis musiciens et à des membres de sa famille afin de former ce projet personnel qui portera le nom du créateur de Pinocchio (avec un « P » en moins néanmoins !). Les influences marquent leur territoire : Marillion, Pendragon, IQ, Clepsydra ou encore Galaad. Que du rock néo-progressif donc ! Faisant suite à un premier album en 2016 (From Heaven To The Stars), Evolutive Songs sort quatre ans après. Sous une illustration de couverture absolument magnifique se cache un disque qui démontre une conviction profonde pour ce style musical trop souvent décrié. On entend clairement que notre homme connaît ses classiques et qu’il cherche, à travers ses propres créations, à rendre l’hommage qui leur est dû aux ténors qui l’ont si fortement marqué. Le titre inaugural (« In Your Mind ») commence par une introduction du plus bel effet (ambiance IQ période Nomzamo garantie !) puis étonne un peu avec l’arrivée d’un chant à la limite de la justesse qui risque de rebuter plus d’un fan. N’est pas Nick Barrett (Pendragon) qui veut ! Ce choix vocal semble discutable tant les trames musicales forment une ossature solide sur laquelle on aurait pu imaginer d’autres moyens de mettre en valeur la mélodie. Heureusement, la prise de son très professionnelle et les arrangements sont vraiment aux petits oignons. Et le chant est partagé entre plusieurs vocalistes.
Toujours au niveau des surprises, le choix de glisser quelques titres chantés dans la langue de Garcia Lorca prouve que Pinilla fait ce qu’il veut et qu’il mène son projet comme bon lui semble. L’apport de guitares à cordes nylon ajoute à l’ambiance ibérique. Plutôt réussi. Dans « Al Final Del Camino », le pont, que n’aurait pas renié le Genesis de la grande époque, apparaît comme spécialement savoureux. Un mélange des genres qui fonctionne plutôt bien, passée la stupéfaction initiale. Le titre « Red Sky » pourrait être un classique de pop mainstream assez imparable. Le chant de Chris Palmer colle parfaitement aux ambiances souhaitées par ce genre de compositions. On pensera à Manfred Mann Earth Band ou Mike And The Mechanics. « Lagrimas Vacias » est un long titre très progressif, au rythme cadencé, chanté par George él mismo. La longue suite « Mille Cordes » convaincra les amoureux des longs soli de claviers. Les envolées de guitare sont, elles aussi, magnifiques et les choix de production s’avèrent plutôt finement décidés.
Nul ne pourrait nier que l’auditeur sentira la dévotion due au Dieu Progressif transpirer dans chaque note de cette heure de musique courageuse. Là où le bât blesse : la maîtrise du chant, souvent sujette à caution, ne peut que laisser songeur : a quoi aurait ressemblé ce disque si un interprète digne de ce nom avait su magnifier le tout ? Mais il est vain de critiquer la passion. La passion, c’est la vie. Et ce disque est un chaudron d’élan vital, un manifeste difficile à discuter. C’est indiscutable. Une créature fragile, comme Pinocchio.
https://www.facebook.com/george.pinilla.148