Frédéric Delâge : 100 albums référentiels d’un univers musical en expansion…
Frédéric Delâge – « Prog 100 : le rock progressif des précurseurs aux héritiers » (Editions Le Mot et le Reste / 2014)
Quand j’ai su que l’excellente maison « Le Mot et le Reste » éditait un nouvel ouvrage sur le rock prog, je me suis tout d’abord dit… à quoi bon ? Pourquoi un nouveau bouquin sur le sujet ? Que va-t-il dire de plus que les autres ? Le nom de l’auteur a néanmoins piqué ma curiosité, me conduisant à la lecture de la chose, intitulée « Prog 100 : le rock progressif des précurseurs aux héritiers ». En effet, Frédéric Delâge fait autorité dans ce milieu depuis de nombreuses années. Fort de deux livres en tous points remarquables (« Chroniques du rock progressif 1967-1979 » et « Genesis, la boîte à musique »), ce journaliste professionnel a par ailleurs laissé traîné sa plume durant les années 90 dans le défunt magazine Rockstyle (une référence absolue de la presse rock tous azimuts, doublé d’un véritable vivier de découvertes à l’époque pour votre serviteur !), ainsi que dans Crossroad et Compact la décennie suivante. Bref, Frédéric Delâge est de ceux qui m’ont donné le goût d’écrire moi-même des chroniques, et ce n’est pas le moindre des compliments.
Tout au long de son nouvel essai, il dresse un portrait intelligent et non sectaire d’un mouvement musical aux contours indéfinissables par essence, et en constante évolution depuis plus de 40 ans (n’en déplaise aux nombreux mélomanes à l’esprit paradoxalement conservateur, qui ont tendance à confiner le genre – s’il en est un, vaste débat – dans une esthétique purement 70’s, avec ses ingrédients immuables et ses nombreux clichés). A travers une sélection non exhaustive de 100 disques référentiels des origines à aujourd’hui, où se côtoient ouvrages pionniers, classiques phares et albums plus iconoclastes, Frédéric Delâge nous conte avec aisance et précision cette passionnante odyssée de la contre-culture en bousculant les repères, et en élargissant au maximum le spectre protéiforme des musiques dites « progressives ».
Entre les inévitables dinosaures Yes, Pink Floyd, King Crimson et Genesis, sont ici mis en lumière de façon chronologique des groupes et artistes plus inattendus, créant ainsi la surprise au fil des pages (T2, Comus, Electric Light Orchestra, Roy Harper, 10cc, Grandaddy…). Aussi, chaque galette passée en revue est choisie avec la plus grande pertinence, en témoigne par exemple le « Force Majeure » de Tangerine Dream, très certainement l’album le plus progressif au sens rock du terme signé par le légendaire combo de musique électronique à la sauce allemande.
Enfin, pour élargir ses connaissances et ses horizons, le lecteur appréciera le renvoi fait sous chaque article à d’autres œuvres essentielles de la discographie des artistes chroniqués, ainsi qu’à d’autres noms s’inscrivant dans une même sensibilité ou mouvance stylistique. Saluons également la longue introduction de 40 pages, qui revient sur l’objet, la démarche et la philosophie du livre, tout en brossant rapidement le contexte historique et sociétal du mouvement progressif.
Merveilleusement bien écrit, avec un style clair et précis, « Prog 100 » s’adresse donc tout autant au néophyte en recherche d’un solide guide introductif qu’à l’amateur plus « érudit », qui y fera à coup sûr quelques bonnes pioches, tout en s’ouvrant à de nouvelles pistes d’investigation ! Pour conclure, Frédéric Delâge signe un excellent travail de fond qui a le mérite de ne présenter aucune redondance avec le fleuve « Voyage en Ailleurs » de Jérôme Alberola (plus « sensitif ») et le fameux « Rock Progressif » d’Aymeric Leroy (plus « académique »), deux autres référence en la matière, dignes d’intégrer votre bibliothèque.
Alors Frédéric, on se retrouve dans 20 ans pour faire le point sur les développements à venir ? Car il est écrit que la musique, toujours en mouvement, n’a certainement pas fini de « progresser » !
Philippe Vallin
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Photos : Delphine Léger & Kapriel
Ce livre donne envie. Lecteur de Rockstyle, je ne peux qu’avoir des aprioris positifs. J’en profite pour remercier cette publication car grâce a ce mag (avant l’ère d’Internet), j’ai découvert de nombreux groupes comme Porcupine Tree. J’adorais en particulier les chroniques qui relataient tous les albums d’un groupe. Aujourd’hui il n’y a plus de mag qui parle de rock prog.