Craig Armstrong – As If To Nothing

As If To Nothing
Craig Armstrong
2002
Circa Records

Craig Armstrong – As If To Nothing

En 1997, un musicien du nom de Craig Armstrong publie « The Space Beetween Us », premier album bouleversant d’esthétisme et de maîtrise, sorte de fusion géniale entre sonorités classiques et électroniques futuristes. Ce petit bijou ne passera pas inaperçu auprès de la critique, et surtout pas chez les amateurs de trip-hop, plus particulièrement les fans de Massive Attack, en référence à la participation de Craig Armstrong à leur fameux « Protection » trois ans plus tôt. S’il s’est déjà illustré dans la réalisation de musiques de films à grand succès par le passé, le compositeur originaire de Glasgow en Ecosse est cependant encore inconnu du grand public, et ce premier opus; totale réussite commerciale et artistique, change radicalement la donne. Mais revenons-en quelques lignes sur le cursus de l’artiste : bien avant de se lancer dans l’univers de la pop-music contemporaine, Craig Armstrong, fort d’une formation classique en béton, œuvre dans son domaine de prédilection : la musique symphonique et orchestrale. Mais son éclectisme et sa curiosité sans borne vont vite l’emmener vers de nouveaux horizons musicaux.

Tout d’abord élève de la Royal Academy of Music de Londres et du Scottish Arts Concil, ce petit prodige britannique âgé aujourd’hui d’une quarantaine d’années a remporté de nombreux prix et honneurs au cours de sa carrière, y compris dans le domaine du jazz dont on le croirait pourtant bien peu familier à l’écoute de ses dernières créations. Si cet important bagage technique lui a permis d’écrire de nombreuses partitions pour le théâtre et de composer quelques bandes originales de film (on lui doit entre autres les scores de « Goldeneye », « Batman Forever », « Mission Impossible 1 », « Le Baiser mortel du dragon », « Romeo & Juliet » ou « Moulin Rouge »), il lui a également ouvert les portes de la reconnaissance via sa collaboration avec quelques noms de la pop anglo-saxonne, tels que U2, Björk, Brian Eno, Howie.B, les déjantés The Future Sound Of Londonet surtout Massive Attack. Le domaine des musiques électroniques modernes et les acteurs de cette scène semblent attirer tout particulièrement l’attention du compositeur touche-à-tout. Celui-ci signe un contrat avec le prestigieux label Melankolic et sort dans la foulée son premier vrai album studio, le fameux « The Space Beetween Us » qui s’écoute comme le soundtrack d’un film imaginaire que la musique vous laisse le soin de réaliser vous-même.

« As If To Nothing », le nouvel opus de Craig Armstrong, s’inscrit dans cette directe continuité. Comme il en était de même pour son aîné, on pourrait ici encore aisément assigner une scène ou une ambiance extraite d’un film de cinéma à chacun des 15 titres que comporte l’album. Mais ce dernier a l’avantage d’être encore plus varié et original que son prédécesseur, grâce entre autre à l’apport de talents extérieurs. Autour du compositeur, on retrouve en effet quelques figures emblématiques de la pop internationale, comme le chanteur Bono (proposant une reprise planante de « Stay »), Evan Dando (pour une ballade folk intimiste pleine de sensibilité qui n’est pas sans rappeler l’univers d’un certain David Sylvian), David Mc Almont ou encore les groupes Photek et Mogwai qui font beaucoup parler d’eux au-delà du circuit indépendant. Quelques titres chantés donc (comme pour le disque précédent), mais toujours une forte dominante instrumentale et des climats tour à tour sombres et lumineux, romantiques et mélancoliques, puissants et oniriques… Craig Armstrong fait montre une fois de plus de son génie mélodique et de son feeling hors pair, en mixant allègrement orchestre symphonique, textures ambient, guitares  électriques et acoustiques, chœurs d’opéra et lignes de basse énormes et hypnotiques dont seul le maître a le secret. A signaler également une formidable reprise du « Starless »  de King Crimson (avec le mellotron et la guitare géniale de Robert Fripp, à peine retouchés) dont le potentiel émotionnel n’a vraiment rien à envier à la version originale issue de « Red » (1974). Petit clin d’œil d’un musicien qui a lui aussi baigné dans la culture progressive et qui ne cache pas sa dévotion à des groupes de la trempe de King Crimson, preuve ici à l’appui.

Plus besoin donc d’en rajouter : je ne saurai que vous encourager à jeter une oreille sur cette magnifique pièce d’orfèvrerie musicale qui ne devrait laisser personne insensible. « As If To Nothing », ou quand la seule beauté suffit à nous émouvoir !

Philippe Vallin (8/10)

http://craigarmstrong.com/

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