Chance – Original Worlds
Gepetto Music
2021
Christophe Gigon
Chance – Original Worlds
Laurent Simonnet, l’homme qui se cache derrière Chance, fait de la musique depuis le début des années 80. Il est d’abord batteur, puis claviériste et finalement compositeur, arrangeur et mixeur. En 1994 paraît Dunes, le premier album du concept Chance. Suivi en 2000 d’Escape To Horizon sur lequel ont joué Roine Stolt des Flower Kings et Jean-Luc Payssan de Minimum Vital. Rien que ça. Même si le bonhomme n’a jamais vraiment lâché l’affaire, il a fallu attendre plus de vingt ans pour que sorte, enfin, le troisième disque : Original Worlds.
Avouons d’emblée que la prise de son et la maîtrise technique de cette œuvre sont tout simplement magistrales. On pensera tour à tour à IQ, Dream Theater, Yes, Pink Floyd ou Porcupine Tree même si l’identité de Chance reste toujours incroyablement marquée. On sent que le musicien « bouffe du prog » depuis l’adolescence et qu’il a eu le temps de digérer ses influences tout en peaufinant sa dextérité aux claviers et, surtout, son sens aigu de la composition. En effet, il n’est vraiment pas du tout commun de dénicher un album de pur rock progressif instrumental, principalement exécuté aux claviers, ne proposant « que » quatre titres de quinze minutes en moyenne, sans que jamais l’auditeur ne s’ennuie. Les morceaux se déploient de manière fluide et agréable et la complexité indiscutable de leur architecture sait se cacher derrière un plaisir auditif total. Les pistes, superbement mixées, offrent une qualité d’écoute extraordinaire pour une production « artisanale ».
Laurent joue de tous les instruments et cela ne se remarque pas, c’est dire la haute tenue de l’ensemble. C’est comme si vous écoutiez une composition de Dream Theater mais sur laquelle ne jouerait qu’un seul musicien. Sacrée prouesse. Et aucune des quatre longues suites ne souffre du syndrome du home made album. Comprenez par là, un sentiment d’amateurisme par moments ou un passage qui aurait bien bénéficié des ciseaux d’un producteur affûté. Le produit fini est à la hauteur des œuvres des ténors du genre (Porcupine Tree, Flower Kings, Pendragon). Il est clair que la présence de pistes vocales ou la visite ponctuelle d’un guitariste ou d’un bassiste ajouterait davantage de textures ou de diversité à l’ensemble et là, on pourrait frôler le Graal. Il semble également tout aussi naturel que le fait de tout composer aux claviers impose un carcan à l’ensemble qui pourrait rebuter les fans les moins endurcis. Mais dans ce style, avouons que le maître de cérémonie s’en sort au moins aussi bien que Rick Wakeman ou Martin Orford (IQ). Mark Kelly, claviériste de Marillion, avec son projet Marathon, a su produire un album plus riche car il s’agit d’un véritable effort de groupe dans lequel l’apport du batteur, du bassiste, du chanteur et des guitaristes, apparaît comme absolument essentiel à l’A.D.N. du son de cet album remarquable.
Mais revenons à notre multi-instrumentiste bordelais. Sur Original Worlds, chaque longue plage raconte une histoire. « Welcome » présente l’univers musical de Chance, l’attrait pour la technologie et l’informatique, tenu en laisse par la sensibilité humaine et musicale du musicien. Ambiance très Porcupine Tree période Signify. « Proxima B » évoque un voyage intergalactique vers le système solaire le plus proche de notre petite Terre. Mike Oldfield et Jean-Michel Jarre ont ouvert la voie. « The Tightrope Walker » (le funambule) expose en musique la vie du grand frère parti trop tôt et « Colours Of My Life » se présente comme un épilogue à toutes les années passées depuis le dernier album, paru vingt-cinq ans plus tôt.
Si la musique instrumentale ne vous fait pas peur, si le rock progressif « 100% pur jus » ne vous rebute pas, alors tentez votre Chance, vous ne le regretterez pas. De la bien belle ouvrage en vérité.