Babx – Une Maison Avec Un Piano Dedans
Buda Musique
2023
Franck Houdy
Babx – Une Maison Avec Un Piano Dedans
J’ai souvent reposé mon stylo au moment d’écrire sur ce nouveau disque de Babx intitulé Une Maison Avec Un Piano Dedans. Malgré l’envie forte de m’y colleter, je me sentais envahi par un sentiment d’incapacité à écrire sur un album instrumental, qui plus est en piano solo. Moi qui m’attarde beaucoup sur les textes, je ne me sentais pas légitime. Mais je trouvais ça dommage quand même, il s’agissait là de Babx, cet artiste que je suis avec attention et plaisir depuis ses débuts. Alors pourquoi ce soir, il me semble tout à coup que c’est envisageable ? Sans doute par cette simple pensée qu’avec lui, toujours si précis dans ses textes de chansons, j’allais forcément trouver, au gré des notes et des mélodies, un vocabulaire à défricher par le filtre de mes ressentis.
Le morceau d’ouverture, « Une Maison Avec Un Piano Dedans », me donne immédiatement raison. Ici, l’impression qui domine est celle d’être mis en présence d’évocations de pièces classiques qui auraient jalonnées une enfance et polies deux petites oreilles presque malgré elles. On se retrouve en présence de fantômes qui semblent nous dire qu’ils habitent les paysages sonores de l’artiste, et que ce sont eux qui apportent, de-ci de-là, ces accents mystérieux et captivants qui les agrémentent. Effectivement, on retrouve dans cette composition de ces assonances qui teintent les musiques de Babx depuis ses débuts et lui confèrent cette identité si originale. Arrive « Milonga » et là c’est un tout autre décor qui s’offre à nous. On retrouve la syncope qu’on aime tant dans ses chansons. Pour un peu, on l’entendrait chanter l’histoire d’un salon au sol vitrifié où des êtres étirés et langoureux joueraient à faussement conjurer les mauvais sorts au gré de quelques étreintes glissantes et « tangoïstiques ». Le piano claque à l’instar des habituels jeux sur les sonorités des mots que l’artiste affectionne tant. C’est merveilleux et familier pour qui connait son travail.
« Le Cortège De Lilibet » a ce je-ne-sais-quoi de classe évidente et d’élégance. La beauté du morceau nous embarque au cœur d’un vieux standard. Dans mon imaginaire, c’est comme une continuité des plus belles compositions musicales de Chaplin. Un cortège funéraire s’éloigne sur cette mélodie sublime, et soudain un enfant jouant avec un cerceau traverse le champ et ce sont tendresse et poésie qui reprennent le dessus. « Train Cajun » est un de ces gospels où le blues déferle en cascade comme les doigts dévalant les touches du clavier. Ça cogne et résonne, et la musique soudain fraye du côté de Ravel et Satie qui, par moments, me sont apparus. Ce morceau décline un voyage où toutes les influences jalonnent les rails. Tout comme dans « Carnaval », la pompe syncopée et envoûtante s’en revient, et l’image du train se dessine. Le jazz se fait plus présent, et là encore on est rattrapé par des images, celles de ces vieux Keaton avec leurs rythmes accélérés. On a la sensation concrète d’être un voyageur immobile. Vous savez, comme dans ces moments où, les yeux fermés, tout s’éclaire davantage…
D’un titre à l’autre on se demande quelle a pu être l’idée, la situation ou l’image à la source de telle ou telle pièce. Mais finalement, ce qui importe, c’est que n’en rien savoir permet de se raconter sa propre histoire, d’y déposer un souvenir et de laisser voguer cette « Merveille Dans La Pirogue ». Une « Ballerine » fait ses entrechats et nous sommes comme plongés dans la salle de danse. Le travail du son nous immerge totalement dans cette scène notamment par ces touches étouffées, comme usées par les séances. Au gré des morceaux s’invitent beaucoup d’images, l’art de Babx est là, et l’absence de paroles le révèle davantage encore. Ce premier album d’un projet triptyque se clôt sur « Dragon Gelé ». Très court, il distille un air frais, hivernal et nous couvre de flocons de neige ou de pétales de cerisiers du Japon.
Je vous présente ce premier volet mais notez d’ores et déjà que le deuxième paraîtra au Printemps 2024. Il s’appelle La Marche Des Enfants et a été enregistré avec la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique qui est composée de jeunes de 8 à 25 ans, formés aux arts de la scène en parallèle de leur scolarité. J’espère que ces quelques mots vous auront donné l’envie de cliquer plus avant pour découvrir par vous-mêmes ce premier opus, et qu’il vous tiendra agréablement en haleine jusqu’à l’arrivée du prochain.