Wolves In The Throne Room – Thrice Woven

Thrice Woven
Wolves In The Throne Room
Artemisia Records
2017

Wolves In The Throne Room – Thrice Woven

Wolves In The Throne Thrice Woven

Écouter Wolves In The Throne Room revient à voir se matérialiser devant soi des paysages les yeux grands ouverts avant qu’on se décide de les fermer. À l’écriture de cette phrase je me rappelle bien souvent cette citation de Salvador Dali quant à ces étendus et autres horizons, stipulant que les représentations qu’on s’en fait reviennent de l’expression d’un état d’esprit. Caractère, mentalité, humeur, peu importe le terme qu’on y appose, un paysage conditionne métaphoriquement notre vision d’une émotion à un instant donné. Libre à chacun de percevoir ce que l’on a voulu transmettre dans ce cliché, dessin, peinture, etc. Ce que propose le groupe américain, mené par les deux frangins Nathan et Aaron Weaver, depuis maintenant plus de dix ans, c’est une invitation au voyage, sans passer par la case airbnb. Voyage intérieur, oui, contemplatif, certes, mais pas moins tortueux. Jamais simple d’approche, gardant tout aussi bien le côté terreux, livide et primaire du black metal nordique, les p’tits gars n’hésitent pas longtemps pour y incorporer chants féminins, claviers cosmiques à la Tangerine Dream (voir l’aparté electro Celestite chroniqué en ces pages), instruments acoustiques pour y donner une saveur inédite, une couleur spéciale, comme un nuage noir se plantant sur un coucher de soleil carmin. Une respiration dans ces morceaux, presque un recueil, tout aussi mélancolique que psychédélique sur les terres du black metal. Après, le groupe s’est fait un nom, bla bla bla, certains ne sont pas contents, bla bla bla, renouveau du black metal et maintenant Thrice Woven

Wolves In The Throne Thrice Woven Band1

Eh bien comment dire… Écoutez-le, voilà. C’est facile, je sais, mais c’est de l’atmosphère pur marbre. Un mur de guitares environnementales qui n’omet pas une crudité sèche rappelant les premiers Bathory ou la « spiritualité » d’un Arckanum. À ce stade, c’est carrément de l’hypnose, un barrage sonore d’où s’extirpent quelques mélodies semblant être balayées par le vent. On y discerne cette déception tenace qui donne envie de courir, de fuir peut-être… De se confronter aux branches qui griffent la face, aux sols spongieux qui enfoncent les pieds, d’aller plus loin, s’enfoncer pour s’arrêter un bref instant admirer une aurore boréale, se remémorer un moment, une image avant de repartir s’essouffler plus loin. J’ai toujours apprécié cette faculté d’enchaîner ces passages variant d’intensités, semblant par moments se propulser dans la stratosphère à se brûler les rétines ou s’appesantir comme si on était englué, dans l’impossibilité de faire trois malheureux putains de pas. Mais également, c’est cette manière de casser les frontières, celle d’amener ces transitions aussi subtiles qu’extrêmes. La voix faussement innocente d’Anna Von Hausswolff semblant éventrer un brouillard de sa plainte ou opérant une rupture avec l’aide de la harpiste turque Zeynep Oyku sur « Mother Owl, Father Ocean ». Quelle classe… L’emprise de Steve Von Till (Neurosis) amenant son timbre rocailleux, quasi narratif, évaporant les dernières traces d’humidité d’un hiver parti trop vite. N’empêche, quelle classe… Comme si la seule présence du sieur faisait apparaître un nouvel imaginaire désertique que le groupe laisse interférer avant de l’engouffrer dans sa course. Les invités ne partagent pas seulement leur expérience, ils imposent une présence facilitant l’immersion. Et Thrice Woven transpire de cet état. Un état de déception, de solitude cherchant un point, une limite à franchir, une confrontation entre le gigantisme d’un fjord et l’intimisme d’une brise gaélique. Revenant sur un terrain plus extrême et radical, Wolves In The Throne Room laisse vacante l’interprétation, l’émotion dans son déferlement catégorique et épique. Ainsi soit-il, dirais-je. Je ne cherche absolument pas à comparer cette sortie aux précédentes offrandes du groupe car chaque album se révèle être une interprétation qui vivra ou pas dans l’imaginaire de chacun, ce qui est, je trouve, une singularité du combo d’Olympia.

Maintenant, pénétrez dans votre rêve, prenez un cliché et laissez l’aventure se composer…

Jéré Mignon

Coup de Coeur C&Osmall

http://wittr.com/

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