Turin Brakes – We Were Here

We Were Here
Turin Brakes
2013
Cooking Vinyl

TurinB

Turin Brakes est un duo anglais formé par deux amis d’enfance, Olly Knights, au chant et à la guitare, et Gale Paridjanian, à la guitare et voix additionnelles. Dès leur premier album en 2001, « The Optimist », le groupe a dessiné une nouvelle voie pour une folk-pop intimiste, qui a marqué les esprits. Incorporant des éléments de pop atmosphérique à une musique essentiellement acoustique, le duo a enchanté son public en proposant une échappée envoûtante et intelligente vers des cieux nuageux, alternant efficacité des mélodies pop avec un sens du songwriting évident et folk acoustique cool. Le second album « Ether Song », avec un sublime morceau éponyme évanescent en ghost track, tend déjà vers une ouverture plus grand public, avec plus de guitares électriques. « Jack In The Box » enfonce le clou en 2005, et « Dark On Fire » deux ans plus tard aura un son beaucoup plus boosté. Un retour vers la folk pop des débuts sur « Outbursts » en 2010 remettra les compteurs à zéro avec beaucoup de guitares acoustiques, et une voix magnifique, assez unique.

« We Were Here » est donc le sixième album d’un groupe dont le son est reconnaissable entre tous, enfin pour ceux qui ont la chance de les connaître, car il faut bien le dire, le groupe a du mal à s’exporter, malheureusement. Malgré cela, Olly et Gale ont décidé d’évoluer dans leur démarche musicale. Ils incorporent au groupe deux de leurs musiciens de scène, Rob Allum à la batterie  et Eddie Myer à la basse, afin de jammer sur les compo pré-écrites par Olly et Gale. En résultent des titres qui intègrent un côté blues prononcé ainsi qu’une teinte psyché. Pour cet album, ils revendiquent les influences de Neil Young, Pink Floyd et Supertramp, c’est dire les hautes velléités de cet opus. Et en effet, non seulement on s’envole régulièrement vers des sommets musicaux jouissifs, mais on sent aussi un Gale Paridjanian en totale liberté, ajoutant une guitare électrique slide, bluesy ou psyché sur nombre de morceaux.

Pour autant, Turin Brakes reste fidèle à eux-mêmes : l’acoustique folk est très présente et les envolées pop sont excellentes. Comment ne pas rester insensible au sens aigu de la mélodie sur le single « Guess You Heard », avec son début très Bowie, et la voix fascinante et cool de Olly Knights. L’autre single, « Time And Money », est typiquement Turin Brakes, efficacité et sophistication sont de mise. Mais ce qui interpelle le plus dans cet opus, c’est la volonté de ne pas se laisser aller à la facilité. La plupart des morceaux sont aériens, travaillés dans leurs moindres détails, et l’ensemble est d’une grande cohérence. La noirceur des paroles finit de parfaire un univers où se télescopent le rêve et la dure réalité.

« We Were Here » est porté par une vision du monde assez pessimiste, chaque morceau explore un versant de la solitude humaine dans une société qui part à la dérive. On souhaite alors de s’envoler au-dessus de nos vies, certains prennent refuge dans le rêve pour se déconnecter de la réalité et ne pas fréquenter cet autre qui fait peur, dans la drogue aussi, ou pire, dans la mort. De là à voir la fin du groupe, il n’y a qu’un pas, réfuté par Olly Knights lui-même, bien heureusement.

Turin Brakes devient magique dans les moments les plus intimistes. « Part Of The World » part de l’acoustique nostalgique avant de s’envoler avec touches de guitare aérienne façon Steve Rothery de Marillion (période récente et à laquelle on pense très souvent) et cordes discrètes, « Stop The World » est aussi envoûtant, comme si l’on était en voyage, sur la route avec le groupe, « No Mercy » est fragile et magnifique, « Erase Everything », minimaliste, est un joyau noir, et « Goodbye » parle de la mort d’une manière plutôt poétique et optimiste.

Les autres morceaux sont plus dynamiques et tous très réussis, mais se distinguent plus particulièrement « Sleeper » avec son feeling Neil Young, et surtout « Blindsided Again », qui sur presque 6 minutes nous transporte façon Pink Floyd mâtinée de guitare blues aérienne, loin dans les étoiles. Turin Brakes atteint là un sommet, témoin d’une créativité renouvelée. Le potentiel du groupe a toujours été énorme. Il franchit encore un pas dans l’inventivité et la sophistication des arrangements. Ne passez pas à côté de ce bijou qui est sans doute le meilleur album du groupe, du moins celui qui synthétise le mieux son passé et ouvre la porte sur un futur qui s’annonce brillant.

Fred Natuzzi (9/10)

www.turinbrakes.com

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