Tirill – Um Himinjodur
FairyMusic
2013
Thierry Folcher
Tirill – Um Himinjodur
Je ne pense pas trop m’avancer en disant que peu de gens connaissent Tirill Mohn, qu’elle fait partie du groupe Autumn Whispers et qu’elle apparaît comme flûtiste/guitariste sur l’album Ignis Fatuus des norvégiens de White Willow. Sans oublier qu’elle se consacre aussi à une carrière solo où elle a pu exprimer tout son potentiel d’auteur, compositeur, chanteuse et multi-instrumentiste. C’est donc une chronique en forme de découverte ou de séance de rattrapage que Clair & Obscur est heureux de proposer à ses fidèles lecteurs. A ce jour, Tirill Mohn a publié sous son nom trois albums magnifiques, le premier A Dance With The Shadows en 2003, le second Nine And Fifty Swans en 2011 et enfin Um Himinjodur en 2013. A noter que son premier album a été réédité en 2011 sur son propre label FairyMusic sous son titre original Tales From Tranquil August Gardens. Alors pourquoi Tirill plutôt qu’une autre ? Tout simplement parce que sa musique a la faculté de vous faire voyager et de vous transporter vers des contrées insoupçonnées. Tirill possède assurément un talent enchanteur qui donne à ses albums un côté mystérieux et hypnotique. Sa musique puise ses influences dans le folk traditionnel, mêlée d’histoires au fort potentiel émotif. L’instrumentation est essentiellement acoustique avec une préférence pour les sons chauds de la flûte ou du violoncelle. Par ailleurs, on voit fréquemment apparaître un mellotron pour la touche progressive et pas mal d’instruments exotiques propices au voyage.
Retour donc sur ce troisième album. Um Himinjodur signifie « Au bord du ciel » en norvégien et fait référence à la « maison » dans le sens du paradis ou du lieu que l’on rejoint tous après notre vie terrestre. Il s’agit d’un concept album qui parle de mythologie nordique et de la possibilité de recréer un monde idéal. La pochette typique de l’imagerie des contes et féeries cadre merveilleusement avec le thème et l’ambiance du disque. La musique est très douce, enveloppante, parfois sombre et vous transporte dans une sorte de flottaison ouatée qui n’est pas sans rappeler le glissement d’une barque sur un lac de montagne. Les images qui apparaissent ne sont pas urbaines, mais plutôt champêtres et souvent liées à l’automne ou l’hiver. Ce voyage n’est jamais ennuyeux, il y a toutes sortes de surprises, à commencer par le premier titre « Voluspa » sur lequel Tirill utilise pour la première fois le parlé norvégien pour un duo vocal en superposition de toute beauté. Le ton est donné pour ce disque où les voix masculines et féminines vont s’alterner ou s’entremêler harmonieusement. Tirill possède une voix très douce, prédisposée au répertoire folk et dont le phrasé peut rappeler par moment Loreena McKennitt ou même Nick Drake. C’est une artiste qui utilise l’art comme moyen d’expression. Um Himinjodur est une de ses créations, elle l’a écrit, composé, elle y joue de plusieurs instruments, elle l’a produit et a aussi dessiné la pochette. Autant vous dire que même si elle s’est entourée de quelques musiciens et chanteurs, Um Himinjodur lui appartient pleinement.
Tirill aime le rock progressif des années 70. Elle avoue adorer le son du mellotron et n’hésite pas à l’utiliser de la plus belle des façons sur « In Their Eyes » et surtout sur le sublime « Moira » dont l’aspect étrange nous rappelle le jeune King Crimson. Autre clin d’œil au rock seventies avec la présence de l’orgue Hammond joué par Jan Tariq Rui-Rahman, lui aussi présent sur Ignis Fatuus. Sur le long « In Their Eyes », son intervention dans la partie centrale est superbe et fait décoller littéralement le morceau. On ne prend pas grand risque en qualifiant de Prog Folk la musique de Tirill tellement son univers créatif colle parfaitement avec les codes de ce genre musical. Sur « Chariot » notamment, où la classique ballade folk commencée au tin whistle va s’interrompre pour quelques notes rêveuses de xylophone du plus bel effet. Cela dit, l’ensemble est homogène même si rien n’est répétitif. La différence se fait par petites touches comme sur l’intro de « Serpent » où l’on entrevoit un instant le chant plaintif de Lisa Gerrard. On retiendra « Muzzled » dont le côté lancinant nous renvoie à l’ambiance New Age du Before And After Science de Brian Eno, on aimera aussi « The Poet » avec ses voix superposées, son beau solo de flûte et l’orgue Hammond en conclusion originale. L’album se termine avec la bien nommée « Quiet Night », une jolie berceuse à la guitare et au violoncelle venant conclure la charmante balade onirique de Um Himinjodur.
Tirill Mohn se fait discrète, on attend impatiemment la sortie de son quatrième album qui ne devrait plus tarder. Pour l’instant, elle semble se consacrer à la promotion de son label FairyMusic et à la distribution de ses albums en Europe. Par ailleurs, elle a fait en 2014 une apparition sur l’album Dances Of The Drastic Navels des transalpins de Daal pour preuve de son attachement à la musique progressive. Tirill fait partie de ces artistes que l’on conserve précieusement comme faisant partie de nos refuges intimes mais que l’on aime aussi partager. Cette chronique, je l’espère, devrait remplir cette tâche.
https://www.facebook.com/tirill.mohn
Si tous l’album est à ce niveau…Cela me fait penser par moment à Blackmores Night. Merci pour cette belle découverte et belle chronique Monsieur Folcher.