Sufjan Stevens & Angelo De Augustine – A Beginner’s Mind
Asthmatic Kitty
2021
Fred Natuzzi
Sufjan Stevens & Angelo De Augustine – A Beginner’s Mind
Vous ne connaissez peut-être pas Angelo De Augustine, mais ce jeune songwriter a débuté sous l’aile de Sufjan Stevens puisque c’est sous son label, Asthmatic Kitty, que sont sortis ses albums folk, dont le dernier, Tomb, est un pur joyau. Il s’inspire très clairement de Stevens et sa voix haut perchée tutoie par moments les étoiles. Il a également fait quelques premières parties de Stevens. Rien de plus naturel que ce travail collaboratif composé à quatre mains dans un chalet à la montagne, en s’inspirant de films divers et variés. A Beginner’s Mind réunit donc deux cadors de la folk américaine, même si Stevens n’était pas revenu à ce style de musique depuis un bon moment. On y retrouve une inspiration magique avec leurs voix angéliques et le résultat s’avère très beau, contemplatif, mélangeant la fraîcheur de De Augustine avec les ficelles folk et imparables du grand Stevens. 14 morceaux forment ce recueil qui s’écoute au coin du feu, bien à l’abri du tumulte de la vie de tous les jours.
A l’écoute de ces chansons, on a l’impression de retrouver un vieil ami, un univers familier et un sentiment… de bonheur. Personnellement, aucun artiste ne m’a autant transporté que Sufjan Stevens dans ses albums folk, et même, dans une moindre mesure avec l’électro de The Age Of Adz ou The Ascension. Je passe sur l’ambient avec Convocations et ses cinq albums instrumentaux ou les projets Aporia ou The Decalogue qui me parlent (beaucoup) moins. Ici on revient aux fondamentaux, une folk naturelle qui nous amène vers la beauté, avec un Angelo De Augustine en terrain conquis. Ceux qui ne le connaissent pas auront du mal, d’ailleurs, à déterminer qui fait quoi (et même ceux qui le connaissent, on ne va pas se mentir) dans les moments folk. « Reach Out » pose le décor avec des guitares acoustiques magiques et les voix mêlées de nos deux artisans, avant un décollage féérique. Le morceau qui suit, « Lady Macbeth In Chains » est pour moi le moins réussi, très différent dans son atmosphère, une pop qui laisse indifférent avant un épilogue… électro ! Ben tiens, on avait dit pas d’électro Sufjan ! « Back To Oz » surprend aussi par son style mais là, on est de suite emporté par le dynamisme du titre et le traitement de la guitare. Jusqu’ici, nous avons trois titres plutôt différents qui préfigurent une collection assez diversifiée. Et bien en fait, non. Dès « The Pillar Of Souls », on retrouve ce qui fait l’originalité des œuvres de Stevens : choeurs mythiques, mélancolie, voix angélique, orchestration divine. Et tout se manifeste ici pour faire de ce titre un moment intense. « You Give Death A Bad Name » reste atmosphérique, aérien et mystérieux, typique de Stevens.
« Beginner’s Mind » retrouve un piano splendide tandis que De Augustine chante en solo, donnant l’envie à ceux qui ne le connaissent pas d’aller écouter ses albums à lui ! Un joyau digne des meilleurs moments de Stevens le suit : « Olympus » est tout là haut, à la fois simple et orchestral. De Augustine reprend le lead sur « Murder And Crime », joli moment suspendu, suivi par « (This Is) The Thing », petite chanson touchante par Stevens, encore une fois brodée avec des étoiles. « It’s Your Own Body And Mind », charmante, comblera de bonheur les amateurs que nous sommes. Une autre touche vient colorer « Lost In The World », aérienne et moins évidente. « Fictonal California » montre bien l’alchimie qui fonctionne entre les deux musiciens alors que « Cimmerian Shade » nous achève par sa beauté simple et son final en emphase à la mode Stevens. L’album se clôt par « Lacrimae », encore un instant figé dans le temps, signé De Augustine mais avec des arrangements tellement Stevens.
A Beginner’s Mind est un opus qui ne dénote pas dans la discographie de Sufjan Stevens et pas davantage dans celle de Angelo De Augustine. Tous deux ont signé un album folk de haute volée, qui n’a certes pas l’ampleur des solos de Stevens mais qui possède tout de même des moments forts, assez pour vous emmener loin dans leur univers et vous faire oublier les tracas de la vie. C’est tout ce que l’on demande à cette musique qui repose sur l’émotion, à condition de faire l’effort de se laisser porter, comme à chaque fois.