Steve Morse Band – Triangulation

Triangulation
Steve Morse Band
Music Theories Recordings
2025
Lucas Biela

Steve Morse Band – Triangulation

Steve Morse Band Triangulation

Depuis ses collaborations avec Kansas et Deep Purple, Steve Morse n’est plus un inconnu pour quiconque s’intéresse au rock. Et pourtant, les chemins de la gloire furent pavés d’embûches. En effet, le chouchou des lecteurs de Guitar Player s’était heurté à de nombreuses difficultés pour faire publier non seulement ses albums avec Dixie Dregs, mais également ses productions en solo ou avec son trio Steve Morse Band. L’éclectisme du compositeur rebutait en effet les labels qui ne voyaient pas quel public suivrait. Qu’importe, le prodige a su asseoir un style unique en même temps qu’une influence durable. Le Steve Morse Band, version plus musclée du Dixie Dregs, poursuivait le mélange des genres mais avec un accent prononcé sur les mélodies et ces fameux solos aériens qui conciliaient les deux passions de notre Américain : aviation et musique. Depuis Out Standing In Their Fields en 2009, il nous tardait d’entendre la suite des aventures de ce trio aventureux. Malgré ses problèmes d’arthrite, et la perte de sa femme l’année dernière, Steve Morse a su relever la tête et gratifier ses fans d’un nouvel album avec les compagnons qui lui sont fidèles depuis l’extraordinaire Southern Steel en 1991.

Même si on ne retrouve plus le morceau country et la pièce baroque habituels, les mélodies autant que l’intrigue nous surprennent à chaque coin de Triangulation. Le disque n’est pas avare en marches. Ainsi, « Break Through » avance d’un pas amusé. On peut ainsi se représenter les trois comparses se tenant par les épaules et balançant leurs jambes à droite et à gauche, à la manière des gais lurons de Marillion dans la vidéo d’« Incommunicado ». De la même façon, le sourire ne quitte pas notre visage à l’écoute de « Off The Cuff ». L’image serait alors plutôt celle de nos trois amis sautant à cloche-pied dans une grande prairie balayée par les rayons d’un soleil d’été. Et dans « March Of The Nomads », avec l’illustre inconnu Scott Sim en invité, les notes surprises s’inscrivent à nouveau dans une sorte de badinage. Dans les envolées, c’est cependant toujours ce mélange improbable de douleur et d’allégresse qui nous étreint et nous touche. Renouant avec la tradition des duels de guitares, c’est également à une virée folle que « TexUS » nous invite. Quarante ans après leur première collaboration (« Distant Star » sur le magnifique Stand Up), le leader des Dixie Dregs et l’ex-Electromagnets, Eric Johnson, se donnent à nouveau la réplique. Et même si le chant est cette fois-ci absent (seul l’album Stand Up faisait exception à la règle du « tout instrumental »), joutes bavardes et solos aériens suffisent à nous émerveiller. Le morceau-titre offre un autre dialogue. Celui-ci s’apparente cette fois-ci à une marche triomphante dans laquelle chaque protagoniste cherche à interpréter mieux que l’autre un thème avant de marquer son empreinte d’un solo propre à lui. Il s’agit, il me semble, de la première collaboration entre Steve Morse et John Petrucci depuis la pièce « Quantum Soup », sur l’excellent Feeding The Wheel de Jordan Rudess. Des marches et des duos certes, mais il faut aussi une ballade. Et quand les flâneries d’un doux rêveur rencontrent les errements d’un sceptique piqué au vif, « The Unexpected » arrive à point nommé. J’ai mentionné en préambule le décès de la femme de notre as de la gâchette. Pour lui rendre hommage, c’est donc tout naturellement son fils, Kevin, que l’ex-Deep Purple a convié pour une élégie tire-larmes de toute beauté, « Taken By An Angel ».

Steve Morse Band Triangulation Band 1

Steve Morse a beau être un guitariste hors-pair et un compositeur talentueux, il n’oublie pas de laisser libre champ à ses compagnons de jeu quand l’occasion se présente. Ainsi, là où les slaps éclatants de Dave LaRue viennent réconforter une guitare en pleurs (« Ice Breaker »), c’est en revanche la mélancolie qui saisit notre bassiste dans un moment de solitude (« The Unexpected »). Et avec « Off The Cuff », entre dodelinements nonchalants et slaps distraits, on peut compter sur le virtuose de la quatre-cordes pour amuser la galerie. Quant à Van Romaine, quand il ne profite pas des attaques du guitariste pour afficher son empathie (les roulements tendres sur « The Unexpected »), c’est à un groove fanfaron à faire danser les foules qu’il s’adonne (les frappes tanguantes sur « March Of The Nomads »). Par ailleurs, alors que la virtuosité de « Tumeni Notes » (sur le sublime High Tension Wires) laissait l’auditeur pantois, le dédale de galeries de « Tumeni Partz » le perd. A la manière d’une séance d’improvisations, c’est alors un terrain de jeu idéal pour la créativité de nos trois lascars, chacun partageant ses idées mais toujours dans un esprit collégial. Cette pièce montée est évidemment un clin d’œil au rock progressif des années 70 et également le morceau le plus long à ce jour dans la discographie du Steve Morse Band.

Steve Morse Band Triangulation Band 2

Privilégiant l’homogénéité à l’éclectisme des débuts, le Steve Morse Band nouveau, Triangulation, parvient à captiver grâce à des mélodies entêtantes et des structures aussi bien changeantes que guinchantes. Atteint d’arthrite depuis quelques temps, le prodige de la guitare est un modèle de résilience, continuant à partager son amour de la musique avec tout le talent et la passion qu’on lui connaît.

https://www.stevemorseofficial.com/

 

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