Spoke Of Shadows – Spoke Of Shadows

Spoke Of Shadows
Spoke Of Shadows
2014
Firepool Records

Spoke Shadows

Comme à l’accoutumée, une nouvelle émanation géniale de la confrérie Djam Karet vient de débouler sans prévenir sur nos platines ! Son nom ? Spoke Of Shadows, un combo éphémère (ou pas, l’avenir nous le dira !), fruit de la collaboration entre le batteur Bill Bachman (qui a tourné avec Neal Morse, excusez du peu) et le guitariste multi-instrumentiste Mark Cook, co-fondateur et principal leader de Herd Of Instinct. Il est du reste bon de rappeler ici que cet aventureux trio de rock instrumental à géométrie variable nous avait particulièrement impressionnés l’année dernière avec la sortie du futuriste « Conjure« , un disque à l’éclectisme inouï dont on ne se lasse pas de redécouvrir les richesses. Avis aux chanceux qui avaient succombé au coup de foudre : le premier album éponyme de Spoke Of Shadows en met une nouvelle fois plein les esgourdes et l’imaginaire ! L’œuvre a été conçue autour d’une série de pièces composées et enregistrées par l’explorateur Mark Cook, toujours armé de sa fameuse Warr Guitar (instrument à cordes frappées proche du Chapman Stick, utilisé entre autres par Trey Gunn et Markus Reuter) et de sa panoplie habituelle, où se côtoient basses, guitares, batterie et claviers en tous genres.

Durant cette période de recherche et de travail en solitaire, Mark fait la rencontre de Bill Bachman, un rythmicien haut de gamme au CV impressionnant, avec lequel il finalise son projet alors en plein processus de maturation. La sauce prend, l’idée initiale se concrétise au-delà des espérances et voila que Spoke Of Shadow voit le jour ! Pour finir de mettre en boîte l’ensemble du matériel de son premier opus, le duo fait appel à de multiples collaborateurs, parmi lesquels on retrouve Gayle Ellett (Djam Karet) crédité au Fender Rhodes et au mellotron, Bob Fisher (Heard Of Instinct) et sa flûte traversière ou encore Michael Harris et Jeff Plant du groupe prog metal américain Throught Chamber (comptant dans ses rangs un certain Ted Leonard au chant !). A la différence de nombreuses formations actuelles se réclamant indument du mouvement « progressif » et s’avérant en fin de compte en manque total d’audace et d’inspiration, notre duo originaire du Texas fait preuve d’une grande originalité et d’une subtilité jouissive, en déclarant lui-même « ne vouloir se fixer aucune règle ». Et le pari est plutôt réussi à l’arrivée !

Les deux maitres d’œuvre nous offrent ici pas moins de douze pièces instrumentales hautement contrastées lors desquelles se déploient les couleurs qui caractérisent leur musique : un son de guitare limpide et un phrasé inventif, pétri de tonalités modales (le crimsonien en diable « Harbinger » !), des parties de claviers luxuriantes mêlant habilement sonorités vintages (mellotron vaporeux à souhait sur « Dominion » ou « Dichotomy ») et technologie moderne. L’ensemble s’appuie, par ailleurs, sur une rythmique précise et d’une rare finesse qui, suivant le contexte, s’exprime avec légèreté et retenue (« Lost One », « Splendid Sisters ») ou, au contraire, dans la frénésie et l’incandescence la plus totale (« Harbinger », « Tilting At Windmills »). Bill Bachman s’impose ici comme un batteur incroyablement prolixe et créatif, tout aussi à l’aise dans les enchainements compliqués (les amateurs de technique pure seront ravis !) que dans la création d’atmosphère ouatées, sans oublier les rares incursions dans un style plus « groovy » (l’entêtant « Paint Map »).

S’il affiche un indéniable tempérament qui tient toutes ses promesses, ce premier essai de Spoke Of Shadows transformé au centre des poteaux est également hanté d’un bout à l’autre par le spectre du grand King Crimson (la ballade jazzy « One Day » et son piano digne de Lyle Mays mise à part) et de son mentor Robert Fripp. On pense également au Änglagård de « Epilog » (le « climat » typiquement scandinave en moins), en découvrant avec bonheur ce foisonnement de breaks, ces ambiances mélodiques globalement ténébreuses et nostalgiques, ces six cordes incandescentes ainsi que cette omniprésente flûte aérienne qui cherche constamment à toucher la fibre émotionnelle…

Mais la musique de ces fous furieux sait heureusement s’affranchir de ses inévitables influences de gros calibre, s’avérant on ne peut plus sulfureuse, toujours surprenante, parfois même impressionnante (mais sans jamais sombrer dans le simple démonstratif stérile) et repoussant un peu plus loin à chaque mesure les confins de l’innovation musicale. Du grand art ? Oui, très certainement !

Philippe Vallin & Bertrand Pourcheron (8,5/10)

http://spokeofshadows.wix.com/

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