Pete Philly & Perquisite – Eon

Eon
Pete Philly & Perquisite
Unexpected Records
2024
Thierry Folcher

Pete Philly & Perquisite – Eon

Pete Philly & Perquisite Eon

Qu’on le veuille ou non, le rap et le hip-hop font partie intégrante de notre environnement musical et l’ignorer serait une grossière erreur. Sans pour autant devenir un inconditionnel de ces styles de musique, récupérer par-ci par-là des choses capables de nous faire frissonner est toujours du domaine du possible. Je me souviens de Jason Swinscoe et de son Cinématic Orchestra qui avait illuminé l’année 2019 avec To Believe, un album splendide qui résiste encore aujourd’hui à l’ennui et à la mise de côté définitive. Une œuvre faite de rencontres qui mettait en avant ces musiques urbaines traitées avec beaucoup de talent et d’inventivité. Il faut juste rappeler que sur ce disque, on avait affaire à de vrais musiciens conscients de leurs capacités à écrire des chansons très ouvertes et accessibles. Un peu comme le font aujourd’hui Pete Philly & Perquisite avec Eon, leur nouvel album évènement qui consacre la reformation du groupe néerlandais après quatorze années de séparation. J’avoue ne posséder que peu de références rap ou hip-hop, mais je vais m’efforcer d’être crédible en me présentant comme le candide de service qui découvre un monde qu’il ne maîtrise pas forcément. Ce dont je suis sûr, c’est de l’attrait quasi immédiat pour les douze titres d’un album qui ne m’était pas nécessairement destiné. Et si d’aventure je pouvais vous faire vivre la même expérience avec le même résultat, je crois que j’aurai rempli mon contrat. Pour essayer d’attirer le plus de monde possible, je dirais que cette musique se présente comme un soft rap mélodieux, mâtiné de soul, de funk, de jazz, de pop, de musiques du monde et d’électro.

Eon est le troisième album de Pete Philly & Perquisite. Les deux premiers, datant de 2005 et 2007, ont connu une belle reconnaissance auprès du public et des médias, récoltant au passage pas mal de distinctions aux Pays-Bas et un peu partout dans le monde. Bizarrement, au plus fort de sa popularité, le couple s’est séparé pour tenter l’expérience individuelle, mais avec beaucoup moins de réussite. Ce retour, enclenché l’année dernière, sonne comme un besoin évident de reprendre l’aventure là où elle s’était arrêtée. Ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que le lien avec les œuvres de jeunesse n’a pas été rompu. Non seulement, on retrouve sur Eon cette même alchimie entre prouesses vocales et trouvailles mélodiques, mais avec un je ne sais quoi en plus. Les longues années de séparation ont porté leurs fruits. La maturation a permis d’aller vers une plus grande diversité d’écriture et un parfait équilibre de sons, de mots et de rythmes. En 2007, « Mystery Repeats » et son fameux refrain entêtant avaient marqué les esprits, illuminant le rap chaleureux de Pete & Perq. Un coup de maître qui a cautionné le succès mondial d’une formule capable de réunir le plus grand nombre autour d’elle. Sur Eon, la communion se fera peut-être autour de « My Stereo », un titre ébouriffant qui rend hommage aux nombreuses influences du groupe. Dans le clip qui l’accompagne (voir ci-dessous), chacun repèrera ses propres idoles venues se fondre dans une ambiance funky où Pete réveille un Stevie Wonder tout à fait crédible.

Pete Philly & Perquisite Eon Band 1

Pour qui se plonge pour la première fois dans cet univers particulier, c’est l’aspect bavard des chansons qu’il faut accepter sans rechigner. Les textes de Pete Philly sont bien sûr importants et sa façon de les déclamer incite à la compréhension. À mon sens, il n’est pas nécessaire d’aller au mot près, mais de capter le sens général et surtout de profiter d’une réelle et peu commune gymnastique de diction. Les thèmes abordés s’inspirent des étapes de la vie avec des paroles intimes et profondes comme celles du titre « Eon », dédiées à la fille de Pete, de « Carry You » en hommage à son père ou les mots de « Raindrop » basés sur un passé à oublier. Plus distrayant seront le trépidant « Hot Sauce » au message épicé et à la sensualité communicative ou bien l’incontournable « My Stereo » et son message festif. Cela dit, ce sont les interventions musicales qui m’ont véritablement séduit. Chaque composition de Perquisite est une jolie découverte et colle parfaitement avec les propos de Pete, les rendant ainsi encore plus pénétrants. Et il ne faut pas attendre longtemps pour s’en rendre compte. Dès le premier assaut du bien nommé « Enter », il suffit de quelques samplers bien sentis pour donner le ton et lancer Eon de la meilleure des façons. À présent, je pourrais vous parler de plein de choses, tellement ça fuse de toutes parts. À titre d’exemples, je citerai la trompette jazz de Randell Heye sur « Spiffy », le rythme calypso de « Wake Up », le violoncelle de Perq sur « Love Someone Else » ou encore la présence de Swan et de Naaz sur deux titres, apportant l’indispensable touche féminine chère au hip-hop. Et pour finir en beauté, le poignant « Carry You » fera fondre les plus endurcis d’entre nous. Assurément, un des plus beaux titres de ce disque d’une richesse incroyable.

Pete Philly & Perquisite Eon Band 2

2024 sera une année importante pour Pete Philly & Perquisite. Le pari de la reformation a bien fonctionné. Eon est une vraie réussite qui s’exonère facilement du monde contestataire et pesant de certaines musiques urbaines. Le public, dont je fais partie, est surtout sensible à la qualité d’écriture de deux véritables artistes bien de leur époque, mais avec de solides références sur lesquelles ils peuvent s’appuyer. Eon se promène sur une palette musicale très large, donnant ainsi à chacun de nous des repères familiers qu’il est toujours rassurant de retrouver. Pour moi, Eon restera, avant tout une expérience à la fois déroutante et très enrichissante.

https://www.petephillyandperquisite.com/

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