OU – II: Frailty
Inside Out Music
2024
Bruno Dassy
OU – II: Frailty
Amateurs de musiques progressives conventionnelles, passez votre chemin ! Car nous avons affaire ici à un groupe de metal progressif atypique qui ne coche pas les cases habituelles du genre. Déjà il est chinois, ce qui n’est pas courant dans ce style musical. Ensuite il a réussi à attirer l’attention à la fois du prestigieux Devin Townsend, qui produit le présent album, et de la grande maison allemande Inside Out, dont un des responsables, enthousiaste, déclare avoir été transporté dès la première écoute.
Ce quatuor a été fondé en 2019 à Beijing (anciennement Pékin) par le batteur et compositeur américain Anthony Vanacore, résident sur place en tant que professeur de musique. Il recrute d’abord le guitariste Jing Zhang et le bassiste Chris Cui, tous deux expérimentés car jouant déjà depuis plusieurs années dans des formations locales. Mais OU est la transposition phonétique officielle (pinyin) d’un caractère signifiant « chanter ». Et sur ce plan-là nous sommes comblés grâce à la dernière venue Lynn Wu, dont la magnifique voix éthérée et expressive, quelque part entre Kate Bush et Björk, établit un contraste saisissant avec l’instrumentation exubérante. L’interprétation est complétée par des sons de claviers enregistrés au synthétiseur et des chœurs assurés par la chanteuse. C’est aussi elle qui écrit tous les textes, en chinois, alors que la composition musicale est collective.
Après un premier CD intitulé sobrement One, paru en 2022 et tout de suite apprécié par les médias spécialisés, voici leur second opus qui maintient la barre très haute, confirmant tout le potentiel technique et créatif du groupe, particulièrement mis en valeur par la production impeccable de Devin Townsend. Dès le premier morceau « Frailty » le ton est donné, même s’il n’a rien de fragile. Après une courte introduction au piano, une rythmique infernale toute en contretemps anime une musique un peu dissonante et truffée de breaks sur laquelle se pose le chant à la fois puissant et délicat de Lynn Wu. Ensuite, « Purge » nous plonge dans une ambiance plus sauvage et heavy, seul morceau où Devin Townsend donne de la voix, d’une manière incantatoire. Le calme revient avec « Ocean », au style plus pop avec une belle mélodie accrocheuse, suivi de la ballade simple et mélancolique « Redemption ». Il y a aussi des influences plus nettement jazz-rock, notamment sur les morceaux « Capture and Elongate » et « Yyds » où alternent tonalités majeures et mineures, ce qui évoque irrésistiblement le groupe américain District 97. « Spirit Broken » sonne le retour d’une ambiance plus metal à laquelle contribue le chant très énergique de Lynn. Après une autre ballade, « Reborn », invitant à la méditation, le disque se termine en beauté par « Recall », hypnose polyrhytmique et répétitive.
Il est dommage que dans le livret les paroles chinoises soient seulement transposées phonétiquement sans être traduites. Anthony Vanacore a déclaré dans une interview qu’elles sont d’inspiration bouddhiste, ce qui n’avance guère l’auditeur occidental. Mais ce petit défaut n’entache en rien la grande classe de cet album qui mélange de manière très originale des influences diversifiées : metal, pop, jazz, électronique et même une touche de musique traditionnelle chinoise. Outre District 97 déjà cité, certains passages font aussi penser tour à tour à Devin Townsend, Haken, Leprous ou Radiohead. Ce CD de metal progressif kaléidoscopique reste néanmoins accessible, et fait déjà partie des incontournables de l’année. À quand une tournée européenne avec un passage en France ?
En tout honnêteté, en dehors du single, je ne sais pas trop quoi penser de ce groupe…