Niels Mori – Ngâu

Ngâu
Niels Mori
Autoproduction
2014
Frédéric Gerchambeau

Niels Mori – Ngâu

Niels Mori – Ngâu

Niels Mori : troisième partie

Quand j’ai écouté Ngâu pour la première fois, j’ai franchement cru entendre une sorte d’ambient excellentissime à la Brian Eno des années 75/80, pendant cette période bénie où il fricotait avec des musiciens allemands tels que Moebius et Roedelius. Tout y était, des boucles lentes aux structures musicales savamment bancales en passant par la reverb omniprésente mais pas gênante. Je me disais : « Chouette, je suis tombé sur un Eno à la française, ça va me faire une super chronique où je pourrai causer de l’ambient en long, en large et en travers. » Je pose donc avec enthousiasme la question à Niels Mori de ses rapports avec Eno et l’ambient. La réponse m’étonne passablement. Ce monsieur connaît à peine la musique de ce cher Brian et me parle plus de répétitions que d’atmosphère. Me serais-je donc fourvoyé ? Mais où, comment, pourquoi ? Mais non, mais non, ce n’est pas possible, pas moi, je connais trop bien ce genre de musique. Persistant dans ma bévue, je me dis : « Ok, j’ai trouvé. Niels Mori fait juste du Brian Eno comme il respire, et aussi bien que Brian Eno lui-même, chapeau l’artiste ! ». Et je continue donc de parler de Brian à Niels qui continue de son côté à ne pas comprendre mon obstination dans l’erreur.

Ce n’est qu’en découvrant Varinka, objet de ma précédente chronique et prédécesseur immédiat de Ngâu, que la lumière s’est faite en moi. Surtout au sujet des liens de parenté entre Varinka et Ngâu. À ceci près que bien qu’appartenant au même genre répétitif, Ngâu est l’exact négatif de Varinka. Dans ma précédente chronique à propos de Varinka, je m’étalais sur la subtilité des boucles utilisées dans cet album, au point de faire douter qu’elles soient bien des boucles au vu de la richesse de la musique engendrée. Dans Ngâu, c’est l’inverse, tout y est simple, direct, limpide, mais avec un résultat tout aussi envoûtant. C’est un peu comme si un magicien avait décidé de nous livrer tous les secrets de son tour et que la magie de celui-ci restait néanmoins intacte. Blufflant, fascinant, d’autant que Ngâu est aussi magnifique et intense que pouvait l’être Varinka.

Niels Mori – Ngâu band1

Je peux décrire la chose autrement. Dans le style répétitif à la Mori, Varinka serait du genre Yin, féminin, tout en courbes, engoncé dans les subtilités, et Ngâu serait du genre Yang, masculin, farci de linéarité, taillé dans la simplicité. On peut d’ailleurs en trouver une preuve flagrante dans l’utilisation de basses profondes tout au long de Ngâu, comme autant d’indices de la virilité du propos musical. C’est une image bien sûr et Niels n’a sûrement pas usé des basses fréquences à cet effet. Mais c’est quand même l’impression que ça donne pour peu qu’on se concentre sur ces basses profondes. Ce qui frappe également est la nudité désarmante des boucles employées dans Ngâu. Aucune esbrouffe, aucune tactique habile. C’est des boucles, que des boucles, rien que des boucles, sans maquillage, sans fausse honte. Là où dans Varinka Niels nous embrouillait l’oreille avec délicatesse, Mori assume ici à l’air libre son amour immodéré pour les boucles tout à fait circulaires. Est-ce courageux voire un tantinet téméraire ? Même pas tant le résultat, Ngâu dans chacune de ses secondes, est somptueux, un brin mystérieux et gentiment addictif.

https://niels1.bandcamp.com

https://soundcloud.com/nielsmori

 

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