Neurosis – Honour Found In Decay

Honour Found In Decay
Neurosis
2012
Neurot Recordings

Neurosis

Il ne faut jamais se précipiter. Il ne faut jamais penser trop vite, l’oreille avide, saignante et blasée. Une annonce qui a fait grand bruit : nouvelle galette, production Albini qui plus est, un titre en extrait pour ceux qui frôlaient l’infarctus du myocarde. Et puis, on ne sait jamais sur quel pied danser quand une nouvelle galette des (nouveaux ?) anciens arrive. Neurosis ? C’est une sortie comme les autres, les arguments sont calculés, les notes prévues, les références antérieures checkées. « Honour Found In Decay », outre sa pochette pas vraiment gégé, est-il absent de surprises ? Alors, au début, on ne se refait pas, première écoute mitigée, et puis, on découvre, on s’investit, on se laisse prendre, et la magie opère. Une fois qu’on s’est accoutumé au mixage des voix  ainsi qu’au titre d’ouverture, très Swans dans l’esprit, et qui ne décolle que vers la fin (sans oublier les samples violons/cornemuses), alors, on se dit que ça va faire bien sur l’étagère.

Il ne faut jamais se fier aux avis, bien que toi tu lis le mien en direct. On va détester, on va adorer, mais c’est toi, toi qui regardes toujours l’écran, qui va te faire ta propre idée. Je pourrais parler de cet enchaînement de titres, de ce passage tribal bruitiste effarant, de cette tristesse doublée d’une lourdeur pachydermique qu’on aime entendre durer, de ces instants qui vont faire bouger les têtes en plein voyage désert cosmique touffu… « Honour Found In Decay » est pesant, volumineux, chaque titre est une porte vers un monde inconnu, un versant apocalyptique forestier. Ses samples, field-recordings, et narrations superbement modelées et orchestrées, façonnent une ambiance opaque, insidieuse, une oppression permanente, un vague relent industriel dans une enveloppe rock maousse-béton, presque stoner. Oui, mais un stoner en mode bad-trip absolu, perdu, de la détresse à la pelle.

Neurosis vieillit, Neurosis marche, Neurosis continue son chemin et sa vieillesse effraie. Il y a un p’tit côté Little Big Man. On revoit cette scène où le vieil indien se prépare à mourir, s’installe, attend et puis… ça ne vient pas, alors autant se lever. Une analogie qui se répercute, disque égaré dans une course virtuelle inégale car lui est physique. Certains voudraient voir le groupe s’arrêter, mais de cela, il n’en a que faire. Sa patte légèrement désuète ? Neurosis en fait sa force. « Enemy Of The Sun« , « Times Of Grace« , c’est du passé, ouais, un passé gravé au burin aussi. « Honour Found In Decay », ça parle de décrépitude, celle de la vie, des relations, du temps. Ouroboros refait surface, sa queue se contorsionne sous ses propres morsures.

Neurosis meurt pour renaître, visages changeant, s’élaborant, regards humides et maussades. Tout est affaire de contrôle, d’investissements personnels, à chacun d’en trouver la source et les racines d’Yggdrasill. Maintenant peut-être que oui, je ne voyage plus comme les précédents m’ont fait traverser des milliers et des milliers de kilomètres, les visions ont cesser d’apparaître et se sont dissoutes lentement, en même temps que mes élans littéraires. La descente est amère, oui, mais il faut être réaliste. On n’est pas le cul entre deux chaises, mal calées, relookées à la « Given To Rising« . C’est la réalité, du moins une matérialité.

Une vieillesse assumée, voix aux tonalités folks cradingues, criant sans hurler, puisant dans le sable et le feu. Bien que prématurée, cette vieillesse est belle, mélancolique, poignante mais tenace, guerrière, tête haute et avec honneur. Il ne faut jamais se précipiter…

Jérémy Urbain (9/10)

www.neurosis.com

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