Michael Schenker Group – One Night at Budokan
Chrysalis Records
1981
Alain Massard
Michael Schenker Group – One Night at Budokan
Michael Schenker Group, MSG pour les intimes, sort un OMNI en live, si, si ! Ce groupe allemand formé en Angleterre possède l’ossature d’Ufo et de Scorpions dans lesquels Michael a joué avant de partir. C’est un artiste imprévisible qui peut disparaître de son groupe, y revenir en changeant les musiciens. D’ailleurs, pour le concert du Budokan de Tokyo, il prend encore d’autres musiciens, les siens étant retenus par d’autres projets, Toto, Deep Purple, Rainbow, Alex Harvey Band et UFO . Du beau monde professionnel qui fera la force de MSG. One Night at Budokan, un double live, propose une moitié de titres neufs pas encore diffusés avant ce show.
Alors pourquoi parler d’un live plutôt que d’un album studio, pourquoi ? Il représente l’un des rares live disque d’argent avec 60 000 exemplaires vendus, un rendu musical exceptionnel, croisant le fer entre hard rock et précurseur d’une future progression métallique. Il est caractéristique de ce que le hard a pu amener à ce courant.
« Armed And Ready », quoi de mieux que la Walkyrie pour l’intro à ce live, hello Tokyo MSG c’est parti. Les premiers et seconds titres de leur premier album mettent le feu. Le son est rôdé, le rythme posé, la puissance de mise avec les riffs de Michael et le chant de Gary. Cozy tambourine ses fûts comme un malade. Un grand live pour un groupe prometteur et un son qui marquera nombre de headbangers. « Cry For The Nations » vaut pour l’air qui fait mouche et le solo qui gicle propulsant le titre en avant. Avant Malmsteen il y avait ce diable de Michael qui montrait que le hard n’existait pas seulement avec Scorpions et AC/DC. Le plus : ces titres à rallonge qui donnent un autre sens à la création du groupe… la naissance future du metal prog. Les albums de hard passaient beaucoup plus souvent sur les ondes que ceux de prog et le neo n’en était qu’à ses balbutiements. « Attack Of The Mad Axeman » oui « from a new album » annonce Gary, bien dit : les morceaux 3 et 4 proviennent bien du second album pas encore sorti lors de l’enregistrement du live. Le public commençait à prendre pour argent comptant ce son si particulier avec du hard oui mais pas que. Témoins ce break sympho débarquant d’un seul coup, cette déclinaison spleen avec la guitare, le piano en fond sonore, oui une belle veine progressiste. Le solo jouissif redémarre, ça swingue et le morceau dépasse les cinq minutes, un signe vous dis-je. Voici « But I Want More » soit, trois morceaux par face et une coupure qui casse un peu l’atmosphère. C’est rien, car l’intro a tout pour plaire avec cette dérivation moelleuse et ce pur moment prog. Les hardos en intégraient dans leurs titres. Un riff soudain et un refrain mémorable. Gary, avec sa voix suraiguë, harangue la fosse sur un titre qui alterne le hard et les passages guimauves créés par les claviers de Paul Raymond, tout un art. « Victim Of Illusion » signe un retour au premier album avec un titre nerveux comme il le faut grâce à sa rythmique saccadée. La batterie de Cozy explose et sort de son périmètre, l’orgue renvoie à Rainbow. Michael assure, il enflamme littéralement le pit. Le riff rajoute son pesant d’énergie. Allez Gary, maintenant, qui présente le groupe, ça fait toujours plaisir et ça génère un tonnerre d’applaudissement pour Michael. C’est au tour de l’instrumental « Into The Arena » de ravager les martyrs avec son riff bestial, sa batterie métronomique, la basse divine de Chris déblayant tout sur son passage et les claviers de Paul initiant un moment progressiste. Ah ces sons saturés qui nous transpercent, ah l’on sent la délivrance. Michael assène de ses dix doigts les arpèges néo-classique qui vont si bien avec l’ensemble.
« On and On » attaque la seconde face avec pas moins de quatre titres du nouvel album, bien foutu. Je ne vais pas vous le décrire en détail, mais il est bien barré, rythmé, énergique et mélodique. « Never Trust a Stranger » arrive avec son intro de piano grandiloquent. Ça sent le « Beth » des Kiss, en plus long cependant, un slow rock mid-tempo bien posé. La voix, la guitare qui répond et les lentes montées taillées sur mesure pour reprendre en chœur cet hymne dans les stades. Le solo divin monte haut et donne les lettres de noblesse au hard rock des 80’s. Ce titre me fait encore frissonner avec ses sons kitsch clavier-guitare et ses interludes prog métal. Changement de décor avec un « Let Sleeping Dogs Lie » nerveux au riff de clavier pour accompagner Gary et un air presque dansant… non je rigole. Tiens en parlant de prog, on pense à Genesis tout de suite. Mais dans ce moment où la guitare vient chatouiller Paul on est bien dans un espace à la Deep Purple, les grands-pères, sans en être conscients, du metal prog, qui ont permis au mouvement progressif de perdurer. Encore un solo guitare, en douceur, mais ça gicle quand même à côté de la scène. Sept minutes de son orgasmique, ça n’est pas donné à tout le monde. Le final avec le solo a capella est bien estampillé hard rock. Les plages « Tales of Mystery » et « Cozy Powell Drum Solo » ne sont pas présentées sur mon enregistrement, pourtant le solo écouté par ailleurs vaut le déplacement. « Courvoisier Concerto » propose un moment pour se poser. Une intro latente lance ce morceau qui fait honneur à toute l’évolution musicale progressive. Un moment de recherche, de tâtonnement entre la guitare de Michael et le clavier de Paul, un son de cloche, une guitare qui éructe, le silence, une alternance de tout ça. C’est le prog, pas besoin de s’étiqueter groupe prog. Un son enivrant avec ce frappé de percussion caractéristique de Cozy, c’est le départ pour « Lost Horizons » à la lourde industrie musicale due au rythme, à l’allant métallique, à la profondeur et à la langueur de la voix . Plus le concert avance et plus le son devient prenant, cherchant dans les poncifs des Led Zeppelin ce qui se faisait de mieux dans le genre. Les chansons sont idéales pour être jouées dans des stades et jetées en patures à la furie du public. Michael déroule, s’impose et amène son solo au firmament pour le rendre inoubliable par sa longueur. Le final avec la transition clavier de Paul introduit l’hymne « Doctor Doctor », un jouissif, clin d’œil à son appartenance précédente à UFO, le monstre hard rock qui hante encore les mémoires. Everybody, c’est parti avec le riff, le rythme, l’air qui ravivent nos souvenirs. Le solo final est surjoué et orgasmique avec les applaudissements du public en masse. « Are You Ready to Rock », mixé à part, est le parfait final. Gary remobilise la foule pour la messe finale. Les tomes de batterie se lancent, la basse vibre, simple mais efficace. Un titre qui vaut aussi par son accélération et son break symbiotique avec le public, un pur moment de bonheur. Le retour au refrain amène à se dire que l’on a assisté à un put… de bon concert quand même.
One Night at Budokan est un live majeur des 80’s qu’il faut apprécier à sa juste valeur, du temps où seul, écouter de la bonne musique ne comptait. La formation caméléon Michael Schenker Group en était un des principaux artisants.