Live report Etienne Mbappé NEC+ au Théatre du Vésinet le 7 mars 2024

Live report Etienne Mbappé NEC+ au Théatre du Vésinet le 7 mars 2024
Etienne Mbappé
2024
Lucas Biela

Live report – Etienne Mbappé NEC+ au Théatre du Vésinet le 7 mars 2024

Live report Etienne Mbappe

Le soir du 7 mars 2024, je me rends au Vésinet pour un concert. Les hostilités ne démarrant qu’à 21h00 et un entracte d’un quart d’heure étant prévu, je vois déjà l’angoisse me saisir à l’idée du retour. En effet, passé 22h30, je n’ai plus de train sur ma ligne (la faute à des travaux dont on ne voit pas la fin), et je me vois alors obligé de prendre un bus de remplacement au terminus de la ligne 5 du métro. Mais je ne vais pas me dégonfler. C’est quand même un de mes héros de la basse que je vais voir pour la première fois. Son nom ? Ah oui, je ne l’ai pas encore mentionné. C’est Etienne Mbappé. D’origine camerounaise, il a fait son petit bonhomme de chemin depuis l’aventure Ultramarine (comment ça, vous ne connaissez pas Ultramarine ?). Ultramarine, c’était vraiment d’la balle comme on disait: un groupe aux sonorités aussi diverses que les origines de son line-up. Jugez par vous-même : Mario Canonge (Martinique), N’Guyên Lê (Vietnam), Mokhtar Samba (Sénégal/Maroc), Etienne Mbappé (Cameroun). Les quatre ont été courtisés par les plus grands par la suite. Etienne a en effet joué avec Joe Zawinul et John McLaughlin, et plus près de chez nous, avec Jacques Higelin et Michel Jonasz. Ce n’est qu’à partir des années 2000 que notre bassiste se lance dans une carrière solo. On l’entendra aussi bien jouer que chanter (je le précise car c’est important pour la suite).

Live report Etienne Mbappe Band 1

Ce jeudi 7 mars, Etienne Mbappé a rendez-vous avec des passionnés de jazz au Théâtre du Vésinet. Il s’agit d’un endroit dont je vous avais déjà parlé (à l’occasion du concert de Grégory Privat), mais dont le bassiste foulait le sol pour la première fois. Pour cette soirée, il est en trio, le NEC+, formation mise sur pied pendant le covid. Les lettres correspondent à la première lettre du prénom de chaque protagoniste. Ainsi, le N c’est pour Nicolas Viccaro, le batteur, le E pour le maestro, le C pour Christophe Cravero, le claviériste… et violoniste ! Un album, Time Will Tell, est né de cette collaboration en 2021. On apprend que chacun a enregistré ses parties dans son propre studio (eh oui, rappelez-vous, c’était l’époque du fameux confinement). Autre information, qui ne manquera pas de faire rire celle-là, le « + » après NEC, c’est parce que « c’est comme dans NEC+ ultra ». Sur scène, on voit bien le E et le C, mais le N manque à l’appel. Celui-ci est en effet absent pour raison familiale. Ce sera un batteur du nom de Yoann Danier (notez bien ce nom) qui le remplacera. Son jeu impressionne tellement (« il n’a presque pas répété » dira non sans humour Etienne) qu’une partie du public et moi-même ne pouvons nous empêcher de le féliciter à la pause. J’apprendrai à l’occasion qu’il a l’habitude de jouer avec le fils de la vedette de la soirée, lui-même bassiste, et que son pedigree est varié puisqu’on y retrouve entre autres Dany Brillant. Avec Etienne, on le verra assurer une rythmique à faire secouer la tête et taper du pied (eh non, il n’y a pas que le metal qui induit ces réflexes !). Le jeu du préposé à la batterie est aussi subtil que dynamique, tout en nuances et en couleurs. C’est qu’il mélange des influences latines, africaines et caribéennes, notre Yoann ! Un mini Mokhtar Samba en quelque sorte – eh oui, on en revient toujours à Ultramarine. On pourra même apprécier pendant la soirée un solo qui laissera pantois non seulement ses partenaires, mais également le public. Et bien que n’ayant « presque pas répété », notre jeune batteur assure sans difficulté les parties complexes des compositions et communie parfaitement avec ses compagnons.

Live report Etienne Mbappe Band 2

Si on revient à Etienne, on notera qu’il ne s’aventure jamais dans la virtuosité stérile. Il lui préfère des notes chaudes et affectueuses, pour donner de l’harmonie et du groove aux compositions chargées autant de mélodies suaves que de rythmes solaires. Dans sa bouche, il distingue les « morceaux » (les pièces instrumentales) des « chansons ». Même si on pouvait deviner son timbre chaud dans certaines vocalises avec lesquelles il agrémentait ses morceaux, c’est surtout dans ses chansons qu’on pourra en savourer pleinement les nuances. Et à ce propos, il plaisante (toujours sur le ton de la modestie, sic) en disant que quand il fallait désigner qui des trois de NEC+ chanterait, c’est sur lui que le choix s’est porté. En effet, sa voix était la moins «[insérer ici le bruit produit par un des micros tombé quand Etienne nous parlait du choix du chanteur]». Rappelez-vous, j’avais précisé plus tôt dans l’article que le chant de Mbappé avait été mis à contribution tout au long de sa carrière solo… Dès lors que sa basse croise un chant qui fait rayonner le soleil du Cameroun, on pensera à son compatriote Richard Bona. Cependant, chez Mbappé, le timbre est plus rauque, savant mélange de douleur et de joie. Une de ses chansons, « Mookam Bilan » verra Christophe troquer son clavier contre un violon. Je ne peux alors m’empêcher de penser à cet autre as du violon et des claviers qu’est Eddie Jobson. Mais c’est davantage vers les effluves jazz de Didier Lockwood ou de Jean-Luc Ponty que le prodige orientera son jeu. Derrière son piano néanmoins, on pourra le voir en retrait quand ses compagnons s’adonnent à des joutes complices. Mais le plus souvent pendant la soirée, surgiront de ses doigts des notes volantes à la manière des grands romantiques classiques ou des grands improvisateurs jazz. Sur le morceau où Etienne Mbappé demandera au public du Vésinet de répéter un « ouais » inspiré du « yeah » de celui des « USA d’Amérique », le magicien des claviers nous gratifiera des notes vintage et rythmées d’un Fender Rhodes, nous faisant réviser par là-même le vocabulaire si enflammé du jazz-rock 70’s.

Live report Etienne Mbappe Band 3

Au cours de la soirée, Etienne n’oubliera pas de rendre hommage à l’illustre bassiste sénégalais, Habib Faye, décédé il y a quelques années. Tout comme lui, il avait collaboré avec des artistes de premier plan (Youssou N’Dour, Peter Gabriel…) et aimait également offrir un cadre jazz à la musique de ses origines (le Mbalax). On aura donc droit à une séquence chargée d’émotions, parvenant même à nous immerger dans la tradition musicale sénégalaise en dépit de l’absence des tamas. Cependant, malgré sa volonté de partager avec son public une partie de l’héritage musical de son pays d’origine et de celui d’autres nations africaines, on verra le maestro submergé par le chagrin quand, après avoir demandé s’il y avait des Camerounais dans la salle, il nous fera remarquer que « ceux-ci ne viennent pas à ses concerts car ils préfèrent les musiques dansantes » (« je les connais » insiste-t-il). Sans vouloir trop épiloguer sur ce sujet, il est vrai que le jazz métissé attire bien plus les Occidentaux assoiffés de cultures autres que la leur que les populations associées à ces dernières. C’est assez paradoxal quand on sait que le jazz est souvent perçu comme un vecteur de rassemblement des peuples par les nombreux liens qu’il établit avec les musiques traditionnelles.

Nonobstant ces considérations philosophiques, retenons que la soirée aura été riche en rythmes et en humour, avec un trio haut en couleurs révélant un batteur qu’il faudra suivre dans sa carrière, Yoann Danier.

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