Laura Veirs – Found Light

Found Light
Laura Veirs
Bella Union
2022
Thierry Folcher

Laura Veirs – Found Light

Laura Veirs Found Light

Vous connaissez tous ce jeu idiot consistant à répéter mot pour mot ce que dit votre interlocuteur. Eh bien, c’est tout à fait ce qu’il se passe sur « Autumn Song », premier titre de Found Light, le tout nouvel album de Laura Veirs. Mais ici, c’est loin d’être énervant. Je dirais même que c’est carrément magique et super bien trouvé pour renforcer le chant et vivre l’écho des paroles de façon remarquable. C’est la britannique Kate Stables qui prête sa voix à ce petit jeu charmant dont vous deviendrez vite accro. Cela me rappelle aussi les joutes vocales de l’album Case/Lang/Veirs de 2016 où les trois chanteuses s’arrangeaient pour nous faire fondre avec leurs passes d’armes diaboliques. Mais revenons un instant à « Autumn Song » et à ses paroles qui sonnent comme une résurrection, une libération « Of ways to be free, of ways to let go, of ways to be loved… » (Des façons d’être libre, de lâcher prise, d’être aimé…). Laura s’est libérée de ses chaînes, celles de son divorce, douloureux et incompris, celles des confinements ou encore celles de son environnement artistique. Pour la première fois, elle revendique son indépendance en coproduisant l’album de manière personnelle et impliquée. Un nouveau départ qui se traduit par un retour aux sources et une écriture proche des œuvres de jeunesse. Ce douzième effort studio est dépouillé, très soft avec des arrangements minimalistes et une poignée de complices autour d’elle. La voix superbe, la guitare souvent acoustique et une basse (Shahzad Ismaily) qui tombe au bon endroit. Ce sont là les quelques ingrédients qui font de « Autumn Song » une entame pleine de promesses pour la suite de l’album.

La pochette est accueillante (c’est le moins qu’on puisse dire) et se rapproche de celle de My Echo, son précédent ouvrage de 2020. Mais regardez bien le visage de Laura, celui de My Echo semblait perdu et marqué par les tourments de l’époque alors qu’ici, il paraît plus serein, sinon déterminé. De l’eau a coulé sous les ponts, les mauvais jours sont loin et la musique s’en ressent. Laura Veirs nous a concocté un album intime où sa voix caressante nous berce avec volupté. Seules quelques paroles pèsent par leur amertume (« Ring Song ») mais se relèvent souvent grâce à la poésie (« My Lantern »). Notre sirène de Portland aura cinquante ans l’année prochaine et plus rien ne lui fait peur. Les épreuves l’ont endurcie et la musique est devenue pour elle d’une violente nécessité. Mais revenons aux chansons pour écouter s’éteindre les dernières notes de « Autumn Song » et permettre à « Ring Song » de continuer le doux voyage d’une guitare nylon, d’une voix merveilleuse et de quelques arrangements subtils. Quel beau moment de partage nous offre Laura avec ce titre ! Le poids de l’alliance qui s’envole (« I also felt a weight go flying… ») devient ici un message d’une rare sincérité. Puis, « Seaside Haiku » va présenter un autre versant des chansons. Un peu d’électricité, une écriture moins linéaire et un tempo en nette accélération. C’est la variété des compositions que l’on remarque d’emblée. Il suffit d’un saxophone rêveur (Charlotte Greve) sur « Naked Hymn » ou de backings inspirés (Sam Amidon) sur « My Lantern » pour faire de ce disque un voyage aux décors changeants et aux attentes récompensées. J’aimerais revenir sur ce dernier titre, car il possède une force poétique dont il faut s’inspirer pour en faire sa propre prière « You bring peace, you are my lantern in the dark… » (Tu m’apportes la paix, tu es ma lanterne dans le noir…). C’est peu de le dire, mais les chansons de cet album requièrent un minimum de compréhension même si la musique et le timbre charmeur de Laura suffisent amplement à notre bonheur.

Laura Veirs Found Light Band 1

La plupart du temps, les sonorités sont mystérieuses, voire oniriques et demandent à notre perception de lâcher illico le plancher des vaches. Un vœu exaucé sans peine à l’écoute du superbe « Signal » et de son invitation que l’on prend aussitôt pour soi « Je vous envoie un signal bien que je ne sache pas qui vous êtes… ». Bon sang, c’est pire que le joueur de flûte de Hamelin et les sirènes d’Ulysse réunis ! Et pourtant, Laura fait dans la sobriété et n’utilise que peu de moyens pour arriver à ses fins. Elle est carrément seule sur « Can’t Help But Sing » avec juste sa guitare et sa voix doublée, histoire d’appuyer encore plus son propos : « mon cœur amer et froid ne peut s’empêcher de chanter… chanter… ». Tout est là, la franchise et la rancœur, mais la liberté avant tout. On continue avec la surprise électro d’ « Eucalyptus » qui, le temps d’un footing, transforme la douceur ambiante en une trépidante et parfumée évocation californienne. Faut pas se leurrer, Found Light n’est pas l’album de la guérison complète, c’est juste celui du temps d’après et des bonnes décisions à prendre. Des bras vont se tendre mais vers lesquels s’accrocher ? Le « surround me » bien appuyé sur la fin de « My Arms » est significatif des attentes de l’artiste dans sa quête sentimentale. Retour au minimalisme musical avec « Sword Song » et son propos tout en oppositions. Une épée qui se change en fleur, des indicateurs au beau fixe et une musique qui va bien. Le rythme est léger bien que suffisant pour lancer le violon de Sam Amidon sur « Time Will Show You » ou les cuivres d’Aaron Roche sur l’instrumental « Komorebi ». Found Light s’achève par le nerveux et tourmenté « Winter Windows » dont l’écriture souligne les difficultés d’un nouveau départ et de nouveaux repères.

Laura Veirs Found Light Band 2

Laura Veirs a trouvé la lumière et les quatorze chansons de son nouvel album sont bien plus intéressantes que celles, assez prévisibles, de My Echo. Elle est à un carrefour de son existence et se donne les moyens de vivre sa musique comme elle l’entend. Found Light ne manque pas de surprises et se révèle même comme l’une de ses plus belles réalisations. Bien que douloureux, le coup de balai fut salvateur et les durs moments une source d’inspiration. Je retiens en priorité une ambiance à la fois rêveuse et lucide ainsi qu’un parfum plus proche de la tradition scandinave que de l’indie folk américain. Deux aspects parmi beaucoup d’autres qui font de ce disque une œuvre originale à ne pas louper.

https://lauraveirs.bandcamp.com/album/found-light

 

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