JPL – Sapiens – Chapitre 2 – 3 – Deus Ex Machina
Auto-production
2021
Christophe Gigon
JPL – Sapiens – Chapitre 2 – 3 – Deus Ex Machina
Jean-Pierre Louveton ne chôme jamais. Sa discographie pléthorique, sous son nom ou à travers divers projets (Nemo ou Wolfspring), est bien connue des amateurs de rock progressif technique chanté en français. Comme si Dream Theater avait engagé Axel Bauer pour proposer des épopées progressives énergiques et aventureuses. La marque de fabrique JPL reste égale à elle-même : qualité des compositions, maîtrise instrumentale et prise de son aux petits oignons. Avec des formations francophones exemplaires comme Galaad, Minimum Vital, Motis ou les regrettés Arrakeen, on peut affirmer que le rock progressif véhiculé par la langue de Molière a prouvé qu’il avait son mot à dire dans un univers surtout anglophone.
Sapiens – Chapitre 2 – 3 – Deus Ex Machina est, comme son nom l’indique, la deuxième partie du projet initié au début de l’année 2020. Il s’agit d’une trilogie dont la conclusion devrait suivre l’année prochaine, au rythme où travaille le multi-instrumentiste. Notre homme est secondé par des musiciens de haut calibre à la batterie, aux claviers et aux chœurs. L’ensemble ressemble à ce qu’a toujours fait Louveton, et c’est un gage de qualité. Imaginez Ange qui croiserait le fer avec Joe Satriani tout en écoutant Daran au casque et vous aurez une idée de la mixture originale concoctée par l’Auvergnat. « Le Flambeur » entame le tour de piste comme un Spock’s Beard survolté et c’est jouissif ! Et c’est parti pour un peu de moins de dix minutes de rock progressif énergique et mélodique de haute voltige ! On ne pouvait mieux commencer un album que par ce titre incendiaire.
« La Machine », aux ambiances très Porcupine Tree (période metal) prouve que l’on peut accepter de dévoiler ses influences tout en sachant les digérer et se les réapproprier afin d’en proposer une synthèse totalement unique. Et c’est bien dans cette qualité-là que réside la force du maître-queue du Puy-en-Velay. « Une Pièce Pour Les Gouverner Tous », malgré son titre très « tolkeniesque » ne propose heureusement pas du tout une envolée médiévo-heroïco-fantasy-symphonique. Une batterie jazzy crée une ambiance assez proche de ce qu’avaient proposé Dream Theater sur leur magnifique « Voices » (Awake, 1994). Puis le morceau s’envole vers des contrées nettement plus planantes qui feront penser aux meilleurs passages d’Ange dans leurs morceaux de bravoure (« Capitaine Cœur De Miel »). « Terre Brûlée » ne relâche pas la pression et peut faire penser à Galaad. Il est intéressant de noter, du reste, que les deux derniers albums de JPL et de Galaad (Paradis Posthumes) ont beaucoup en commun, et pas seulement à cause du chant en français, mais aussi en ce qui concerne le traitement des guitares, le dynamisme de la section rythmique et la volonté sans cesse contrôlée de toujours privilégier la mélodie au détriment de la technique. Le morceau-fleuve « Encore Humains » (presque 13 minutes au compteur) doit beaucoup au premier King Crimson, et cela pour notre plus grand plaisir ! Un titre superbe qui donne le frisson. Et quand Jean-Pierre Louveton veut faire son Robert Fripp, il est excellent ! Une fin de toute beauté.
Une fois de plus, on ne peut que saluer cette volonté de perfection assumée, tant dans les compositions que dans la qualité indiscutable du graphisme de pochette : splendide, comme toujours avec Nemo ou JPL. Les textes peuvent sembler un peu en-deçà de l’exigence musicale et c’est regrettable. Il faudrait peut-être faire « sous-traiter » cette partie non négligeable du travail à un « vrai » écrivain ou, au moins, à un parolier plus doué. Le but de cette remarque n’est évidemment pas de dénigrer un travail fait avec passion et maestria mais d’envisager des pistes pour que JPL puisse encore progresser et atteindre les sommets tutoyés par des formations comme Marillion ou IQ. On ne va pas louvoyer : Louveton, c’est vraiment bon !
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