Joseph Daley – Portraits : Wind, Thunder & Love

Portraits : Wind, Thunder & Love
Joseph Daley
2014
JoDa Music

Joseph Daley Portraits Wind, Thunder & Love

43, c’est le nombre d’années sur lequel s’étend la discographie de Joseph Daley. Et pourtant, son nom ne me disait rien avant d’écouter l’album qui va être passé au crible dans les lignes qui suivent. Probablement parce que la majeure partie de sa carrière musicale s’est faite en tant que « sideman ». Il n’est en effet leader que depuis quatre ans. Comment décrire la musique de ce joueur de tuba ? Disons que le compositeur/interprète a choisi de créer un pont entre cinéma, musique contemporaine et art pictural moderne en faisant rencontrer des ambiances cinématiques, des structures à créer la stupeur et des déformations propres au langage pictural contemporain.

Son troisième opus s’ouvre ainsi avec une suite en cinq mouvements qui en ferait la bande-son parfaite d’un thriller. Avec son sentiment général de tourmente, porté par des cordes versatiles et quelques percussions inquiètes, cette pièce fait alterner des langueurs lamentées et des tourbillonnements terrifiés. Quand la batterie entre en scène, on comprend la raison de ces pleurs et de cette panique. En effet, c’est un tournant martial que les roulements de tambour insufflent au mélodrame, avant que la victoire ne soit marquée par des rythmes valsants. Cette tension palpable dans la musique de notre sexagénaire atteint son paroxysme avec « Shadrack Portrait Of Bill Cole ». En effet, là où le portrait en cinq tableaux du percussionniste Warren Smith, de 15 ans l’aîné de Joseph !, trouve écho dans le Guernica de Pablo Picasso, ce sont en revanche les appels alarmés de Bill Cole, de 3 ans le cadet de Warren, au nâgasvaram (sorte de hautbois originaire de l’Inde du Sud) qui donnent vie au Cri d’Edvard Munch. Déchiré à souhait et tourmenté, ce nouveau portait porte en effet le signe des traits allongés et déformés que l’on retrouvait dans ce fameux tableau.

Joseph Daley

En clin d’œil à la « Black music » dans la première décennie de sa carrière, Joseph nous invite ensuite à apprécier une atmosphère plus relâchée avec le portrait hommage à sa femme, « Doretha And The Blues/Portrait Of Wanda Daley ». Guidés par un violon espiègle, c’est le long d’un chemin sans obstacle, que nos promeneurs vont rejoindre un pays portant les couleurs d’un blues nonchalant depuis une contrée teintée de soul cotonneuse. Une pièce plus légère jetée dans une fosse aux lions en proie à l’inquiétude, qui les ronge cependant à nouveau une fois le morceau consommé. La fin de l’album est en effet marqué par une prudence qui cédera néanmoins à la panique dans son motif de csardas, ces fameuses pièces populaires hongroises où le violon s’étire dans la douleur avant de s’éreinter dans la passion.

Ainsi, grâce à un canevas avant-gardiste où déformation rime avec inquiétude, Joseph Daley parvient non seulement à faire converger des expressions musicales éloignées, mais également à apporter sa propre pierre à un édifice déjà bien difficile à faire bouger.

Lucas Biela

http://jodamusic.com/

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