Jethro Tull – The Zealot Gene
Inside Out Music
2022
Rudzik
Jethro Tull – The Zealot Gene
Ouf, la Covid n’a pas eu raison d’Ian Anderson et donc, de Jethro Tull. Ça peut paraître un peu macabre de commencer cette chronique de manière aussi abrupte, mais s’il y a bien un artiste à qui j’ai pensé lors des multiples vagues de Covid 19, c’est de lui dont il s’agit. En effet, c’est lors de la première d’entre elles qu’Ian a révélé être atteint d’une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) qui diminue le flux d’air de ses poumons depuis des années. Depuis, et y compris sur scène (il attribue son mal aux machines à fumée), il évite les zones de pollution importante comme la peste, sachant que pour notre plus grand plaisir, la meilleure façon de garder ses poumons en forme est de continuer à les pousser à leurs limites. L’arrivée de The Zealot Gene peut alors représenter une forme de soulagement pour les fans d’Ian Anderson dont la co-morbidité a déjoué ce satané virus. C’est même un véritable évènement, car si l’on excepte les nombreuses compilations et autres interviews ainsi que ses albums solos, cet opus met fin à un hiatus studio de… 19 longues années pour Jethro Tull.
Comme presque à chaque fois depuis This Was en 1968, c’est à un concept album que nous avons droit et on aurait pu s’en douter avec ce titre The Zealot Gene. Rappelons que les Zélotes étaient un mouvement nationaliste juif extrémiste qui joua un rôle actif dans la révolte juive contre l’occupant romain, n’hésitant pas à assassiner leurs frères qui n’adhéraient pas suffisamment à leurs idées. Le terme est désormais assimilé aux personnes animées d’un zèle fanatique, un thème encore et toujours d’actualité. Au risque de susciter des controverses et l’incompréhension de sa fan base comme lors de la sortie d’Aqualung en 1971, Ian Anderson s’est régulièrement positionné sur cette fragile frontière entre la religion et les sentiments humains comme le bien et le mal, l’amour, la tendresse, nos côtés obscurs et inavouables, etc. (cf son dernier album solo Homo Erraticus – 2014) traçant des circonvolutions et des parallèles avec les textes saints sans pour autant les sacraliser en tant que référentiel de vie sociale. Comme il le dit si bien « Certains fanatiques chrétiens auront l’impression que j’ai tordu leur croyance. Les laïcs et les incroyants penseront que je renais comme un prosélytiste de la foi. Et certains, je l’espère, se contenteront d’apprécier la musique et ne la scruteront pas de trop près sous l’angle religieux. Êtres assis sur la clôture est un endroit plus confortable et permet de bénéficier d’une vue magnifique. », tout le contraire d’un Neal Morse quoi!
Prenant le contre-pied de beaucoup d’autres groupes, Jethro Tull a retardé la sortie de The Zelot Gene, un album entamé sur la route en 2019, car le groupe, désormais complété par Joe Parrish-James et Florian Opahle (aux guitares), Scott Hammond (à la batterie), John O’Hara (aux claviers) et David Goodier (à la basse) souhaitait travailler à l’ancienne, à savoir en présentiel pour faire émerger en commun l’essence des chansons. Cependant, les soubresauts de l’épidémie ont conduit Ian Anderson à finaliser seul les derniers morceaux pour permettre une parution début 2022. Ceci explique le côté très acoustique de certains titres, notamment sur la seconde partie de l’album, où la flûte et la guitare sèche sont omniprésentes, même si certaines contributions des autres membres du groupe ont pu être ajoutées dans le mix final.
Cela faisait bien longtemps que je n’avais écouté Jethro Tull et surtout son chanteur écossais. Si le timbre inimitable d’Ian Anderson est toujours aussi hypnotisant, il semble avoir perdu de sa puissance et de son énergie. Il faut dire aussi que le mixage de l’album est assez léger, donc absolument pas punchy. La guitare est très en retrait, même lorsqu’elle est saturée. Si le groupe a choisi le martial «Shoshana Sleepin» aux lyrics très imagés comme single, cette galette démarre par le très entraînant et versatile « Mrs Tibbets » auquel on ne pourra reprocher que ses lignes de claviers très datées. Passé le court « Jacob’s Tales » avec son harmonica nous baignant dans la country, on a droit à un « Mine Is The Mountain » un tantinet plus lourd et au double-visage quand il s’envole sous l’impulsion de son flutiste. Le folk mediéval continue à être le credo à succès du groupe sur la plupart des titres, donnant vie à de superbes ballades comme « Where Did Saturday Go? » et son magnifique solo de flûte ou « In Brief Invitation » aux très jolies harmonies. Citons également « The Zelot Gene » pour son petit côté oriental, « The Betrayal Of Joshua Kynde » plus charpenté avec sa rythmique de piano groovy alors que « The Fisherman Of Ephesus » termine de façon syncopée et avec beaucoup d’assurance cet album.
On le comprendra à la lecture de cette chronique, si The Zealot Gene est empreint de beaucoup de légèreté et de finesse avec sa douzaine de plages d’une grande richesse musicale, il lui manque ce côté rock qui transpirait régulièrement dans les compositions de Jethro Tull. Peut-être, Ian Anderson est-il finalement devenu « Too Old To Rock ‘N’ Roll », mais fort heureusement toujours « Too Young To Die » ?
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