Jack O’ The Clock — Witness et No Outlet volume 1&2
Autoproduction
2020
Pascal Bouquillard
Jack O’ The Clock — Witness et No Outlet volume 1&2
A vot’e bon coeur messieurs, dames ! Tous les bénéfices de la vente de ces albums seront reversés aux banques alimentaires de Californie et du Vermont. Mais surtout à vos bonnes oreilles m’ssieurs, dames, car comme toujours avec la sortie d’un album de Jack O’ The Clock (bon là y’en a trois, mais ce n’est pas une raison), le résultat est délicat et ciselé, puissant au sens « osé » mais reste intimiste, cérébral mais sensible, original mais groovy (merci Jason et Jordan). Allez, c’est peine perdue, je ne trouverai jamais assez de qualificatifs pour définir une musique aussi littéraire ou une littérature aussi musicale que celle de JOTC pour te permettre de t’en faire une idée. J’enrage qu’un groupe de musiciens aussi extraordinaire, mené avec douceur et talent par un écrivain-compositeur aussi admirable que Damon Waitkus (lis les textes de Repetitions Of The Old City – 1 & 2 avant de dire que j’exagère !) soit toujours dans l’ombre, après 6 albums, un LP, un live et 2 albums d’outtakes. C’est inconcevable d’imaginer que ce groupe puisse mourir de n’avoir pas rencontré son public. Dans le petit microcosme du monde des productions progressives qui se veulent « toujours différentes », on nous inonde d’albums formatés prog / metal / gros son, foutus tous pareils. Comment pouvons-nous laisser végéter cet ensemble qui ne fait rien comme tout le monde mais qui le fait si bien ! Comment laisser se faner une si belle fleur sans l’admirer et à l’inverse gâcher notre temps d’écoute sur terre (bin oui mon vieux, nous ne sommes pas immortels) en nous pâmant devant les extraits du « nouveau » Steven Wilson, figure d’Epinal du bis repetita ou sur les 4 derniers de la Neal Morse’s family, que pourtant je vénérais mais que j’achète à présent sans écouter, tant je les « connais » déjà et tant ils m’ennuient. Allez « calme toi Joe, c’est pas bon pour ton cœur, Joe ! ».
D’abord Witness. À la fin de ma dernière chronique de Jack O’ The Clock, « je rêvais de voir ce groupe d’exception enfin sur scène, débarrassé du vieux carcan classique qui, je le craignais à l’époque, les bridait encore quand il se produit en concert etc. » fin de citation.
Alors évidemment je suis bien content d’avoir eu tort. Et toute la gloire revient au duo basse – batterie qui tire l’ensemble vers le côté rock de la force, surtout la basse de Jason d’ailleurs, à la fois mélodique et rythmique. Il ne manquerait pas grand-chose pour que JOTC s’autopropulse au firmament des « Grands » qui vous font se dresser les poils sur les bras en concert (un Gaby qui s’habille avec les robes de sa femme, des têtes de renard ou un costume d’extraterrestre). Après une petite introduction de concert en forme d’hommage à un hymne religieux bien connu outre-atlantique, « Let All Mortal Flesh Keep Silence » mais fièrement ignoré par nous, mécréants français (que celui qui va à la messe tous les dimanches jette la première pierre !), nous voilà plongé dans l’univers de JOTC. Puisés équitablement dans la discographie du groupe, ce sont des extraits de How Are We Doing And Who Will Tell Us? (2011) puis de Repetitions Of The Old City – I (2016), Night Loops (2014), All My Friends (2013) que le public enthousiaste découvre / redécouvre. Au-delà de la qualité intrinsèque de la musique et de la prestation, j’adore cet album Live parce qu’il démontre qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un guitar hero et un pianist hero pour faire du rock de héros. Par exemple, dans le cas qui nous occupe, les instruments sont : un dulcimer tapoté par Damon Waitkus, un violon frotté par Emily Packard, un basson et une flûte à bec soufflés par Kate McLoughlin, un vibraphone et un accordéon respectivement vibré et aéré par Jordan Glenn, et une basse que Jason Hoopes fait groover méchamment. Trop trash, non ? NON ? Alooooooors ! Il faut faire quelque chose ! Je ne sais pas moi, les inviter en Belgique, en Suisse, en Allemagne ou en Italie, aller voir ta mairie, lancer une pétition sur le net, faire chanter ton député. Faut que les quatre pays se cotisent pour les faire venir en Europe, c’est là que le public les attend pour les soutenir. Mais avant toutes ces initiatives salvatrices, il va surtout falloir acheter leurs albums, parce qu’il faut aussi qu’ils bouffent nos artistes et payent leurs factures. Tu ne veux pas qu’ils finissent par trouver un autre job !
Parlons à présent des (délicieux) No Outlet, surtout le volume un et surtout « All Saints » et Le Macron… ah non pardon « The Matron »: « All Saints » s’apparente à l’album solo de Damon Waitkus Chamber and Electroacoustic Pieces, comme son nom l’indique, très contemporain et s’enchaîne comme un charme sur « The Matron » dont la base instrumentale est…de la flotte en goutte. Magique (faut avoir pisser avant quand même, fais gaffe) : Pink Floyd en avait rêvé avec leur album avorté Household Objects et Damon l’a concrétisé. Pour le reste du LP, l’introduction de basson et dulcimer de « A Minor Disaster » est une petite merveille à elle toute seule, et « Bus Station » nous rappelle que JOTC est aussi du signe folkeux ascendant Gentle Giant. Les autres pistes sont de belles chansons inédites très caractérisées. Tu sais tout de suite que c’est JOTC grâce à la voix si particulière de Damon, très féminine mais très timbrée (quand Kate prend le lead vocal, dans la reprise de Duran Duran, « The Chauffeur », c’est difficile de les différencier, car en revanche sa voix à elle est très « contre ténor »).
Je persiste et signe, Jack O’ The Clock EST le meilleur groupe de prog de la nouvelle génération et s’il disparaît avant que tu ais acheté au moins leur prochain album, déjà masterisé et près à sortir en 2021 chez Cuneiform (la boîte de Robert Wyatt, Soft Machine et Deus Ex Machina), je te désignerai comme complice et « j’irai de ce pas le dire à ta maman et ça doit être bien désagréable ». (Bon, si tu n’es pas assez vieux et que tu n’es pas un fils de pub, tu ne peux pas la comprendre, celle là).
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