Hommage à Allan Holdsworth, le maître du legato (1946 – †2016)
2016
Lucas Biela
Hommage à Allan Holdsworth, le maître du legato (1946 – †2016)
Je suis en train de vérifier le nom du guitariste qui m’épate sur le morceau « You Better Wait » de Fiona quand l’annonce du décès d’un autre guitariste vient me frapper. C’est une connaissance batave qui m’en a fait part. Incrédule, je fais ma propre enquête sur internet. Aucune information ne circule quant à sa présumée disparition. Sur le ton de la plaisanterie, je reviens vers mon amie en lui demandant si elle s’amuse à faire monter ma tension. En fait, il s’avère qu’elle tient l’information de source sûre : les filles d’Allan Holdsworth. Je vois alors s’égrener dans mon esprit les albums que j’ai cherchés à découvrir quand je me suis intéressé de près à la carrière prolifique du maître du legato. Défilent ainsi tour à tour ses collaborations avec Bruford, UK, Soft Machine, Gong, le violoniste Jean-Luc Ponty, les batteurs qu’il a rejoints au ciel, Shaun Guerin et Tony Williams, et enfin ses albums solo, que j’ai tous écoutés avec grande attention lorsque je voulais parfaire ma connaissance du rock progressif. Rock progressif, c’est un mouvement auquel ce guitariste est souvent associé. Il est vrai qu’il a collaboré à des groupes de ce mouvement, tels que Tempest, avec lequel on l’entend jouer du violon, ou le pré-cité UK. Mais en parallèle, il a toujours gardé un pied dans le jazz. Ses collaborations avec le pianiste Gordon Beck, ou encore le batteur John Stevens (voir lien vidéo ci-dessous), mais également sa carrière solo, viennent nous le rappeler. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que son modèle était John Coltrane (il cherchait d’ailleurs à jouer comme lui), et qu’il a fait ses gammes avec des grands noms de la guitare jazz, tels que Django Reinhardt, Joe Pass, Charlie Christian ou encore Wes Montgomery. Son ouverture d’esprit l’a également amené à collaborer avec des personnalités du monde du metal (Eddie Van Halen, Jeff Watson, les frères Johansson, Derek Sherinian entre autres). Au milieu des années 80, à l’instar du guitariste Lee Ritenour, il s’est pris de passion pour le synthaxe, sorte de synthétiseur contrôlé par un manche de guitare, qu’il a utilisé à profusion sur les œuvres solo qui ont suivi. Cela permettait de créer un contraste méditatif avec l’exubérance labyrinthique de son jeu de guitare. À la même époque, alors que les shredders metal et les « fusionnistes » jazz qu’il influence se font remarquer, il continue à publier ses disques dans la plus grande indifférence des médias. Il faudra attendre le revival prog des années 90 pour voir de nouvelles collaborations fleurir, comme à la grande époque, et sentir un regain d’intérêt pour son œuvre. Depuis, on voit son nom à nouveau cité parmi les influences des guitaristes en vue, Mattias IA Eklundh (Freak Kitchen), James Murphy (Death, Cancer, Obituary…), Fredrik Thordendal (Meshuggah), Per Nilsson (Scar Symmetry), ou encore Alex Machacek. Aux côtés d’Al di Meola, ou de John McLaughlin, Allan Holdsworth faisait partie des piliers de la guitare « fusion ». Sa disparition nous rappelle à quel point son influence a été fondamentale dans le développement du jazz-fusion et du metal instrumental.